Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

La presse spécialisée, les réseaux associatifs, les parlementaires - à l'Assemblée nationale comme ici - et jusqu'à vos amis de la majorité ont souligné la triste réalité des chiffres : moins 3, 63 % au total, et encore, il est probable que la diminution soit plus importante, comme l'a démontré M. Arthuis, qui a été beaucoup sévère que je ne saurais l'être.

Les faits sont là : des emplois en moins, quand on fait les comptes sérieusement, avec la suppression prévisible de postes à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche ; de terribles coupes dans le budget de l'ADEME, menacée aujourd'hui d'asphyxie ; une baisse de 12 % des crédits pour la politique de l'eau, dont le report vers les agences n'inquiète pas seulement à gauche ; une diminution supérieure à 40 % des crédits pour les déchets... sans oublier la déprime des chiffres pour la prévention des risques et de la pollution, l'enlisement des crédits pour la gestion des milieux et de la biodiversité - l'augmentation de 14 % qui est annoncée ne permet même pas de rattraper le niveau de 2002 - , les moyens misérables de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, inférieurs à ceux qui sont alloués à un établissement scolaire moyen de 500 élèves et ce au moment où l'augmentation des pathologies liées à l'environnement est enfin admise par tous, ou encore l'absence de soutien budgétaire à une politique climatique digne de ce nom.

Vous le savez, monsieur le ministre, personne n'est dupe - même pas vous ! - des rallonges que vous annoncez dans la loi de finances rectificative. Il n'y a là que de l'habillage et du cache-misère. Budget d'affichage, gels, annulations, reports, colmatage en loi de finances rectificative, vous connaissez la musique aussi bien que nous.

Ce qui m'inquiète le plus, au-delà même des crédits budgétaires qui sont évidemment de bons indicateurs, c'est la perte de crédit politique de ce ministère, que je voudrais illustrer dans trois directions : le travail interministériel, la place du ministère en tant qu'administration de l'Etat et le travail législatif.

Je ne vais pas vous raconter ou me raconter des histoires, la tâche du ministre de l'environnement en interministériel n'a jamais été facile. Mais quand même !

Concernant les questions énergétiques, votre silence sur la décision de construire l'EPR est assourdissant. Et la hâte avec laquelle votre judicieux projet de bonus-malus pour les véhicules automobiles a été enterré montre que c'est plus que jamais le ministère de l'industrie qui pèse sur la politique environnementale de notre pays.

S'agissant de l'agriculture, avec les arbitrages en cours sur des programmes d'expérimentation d'OGM en plein champ, avec l'abandon de la taxe sur l'azote, c'est aujourd'hui encore le ministère de l'industrie qui donne le « la ».

En ce qui concerne la politique autoroutière, la capacité du ministère de l'écologie à peser sur les grands choix en termes de déplacement et de mobilité paraît vous avoir échappé définitivement au profit du ministère des transports, atteint par une frénésie de privatisation.

Nous assistons désolés à la perte de substance accélérée de votre administration, à la décrédibilisation des services extérieurs du ministère, à l'expérimentation hasardeuse d'une dilution - et même d'un rapt - des DIREN dans les DRIRE, suscitant une démobilisation de certains de vos directeurs en région.

Vos services ont perdu leur capacité d'influer sur la renégociation des contrats de plan Etat-région ; ils sont absents du débat sur la recherche.

Je note au passage que nous sommes de plus en plus souvent pointés au dernier rang de la classe par les organismes de l'Union, comme récemment encore pour la mise en oeuvre de Natura 2000, et que les amendes pour non-transcription des directives pèsent de plus en plus lourd.

Si encore votre politique se traduisait par un renforcement des moyens attribués à la contre-expertise des acteurs de terrain, en particulier des structures associatives, vous pourriez cacher la misère derrière l'alibi de l'intervention de la société civile.

En réalité, ces moyens régressent et chaque jour des responsables associatifs nous sollicitent parce que leur structure est menacée de disparition pure et simple.

Cette perte de poids se traduit enfin par les reculs législatifs que vous concédez jour après jour à une majorité parlementaire qui en veut « toujours plus », c'est-à-dire qui veut toujours moins d'environnement.

La loi Montagne, la loi Littoral, pourtant adoptées par des gouvernements de droite, sont remises en cause de façon plus ou moins ouverte. La loi relative aux territoires ruraux tente de faire passer en contrebande de graves reculs sur la chasse ou la protection des espèces menacées.

Vous connaissez aussi la force des symboles : on a recommencé à tirer des loups dans les Alpes...

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