Intervention de Marc Massion

Réunion du 8 novembre 2007 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Marc MassionMarc Massion :

Et c'est une discipline où prévaut, on peut l'affirmer, une certaine continuité au regard de la politique menée par les gouvernements précédents. N'en déplaise au président Sarkozy, il n'y a pas rupture, mais continuité, et l'inefficacité succède à l'inefficacité ! Je vais m'efforcer de vous le démontrer.

Force est de constater que la hausse des prélèvements obligatoires s'est poursuivie en 2006. Voilà un an, dans cette même enceinte, votre prédécesseur, madame la ministre, nous annonçait déjà que, comme par miracle, le taux des prélèvements se stabiliserait à 44 %. En dépit de ces engagements, nous n'avons assisté en 2006 ni à une baisse ni à une stabilisation, mais bien à une hausse. Pour cette période, le taux s'élève à 44, 2 % du PIB, en hausse de 0, 2 point par rapport à 2005, ce qui représente un montant de 792, 5 milliards d'euros. Ce désaveu ne fait que confirmer la hausse continue des prélèvements obligatoires depuis 2003, avec une augmentation de 1, 3 point de PIB.

Au-delà des taux, laissez-moi vous rappeler que, sur la période 2002-2006, la facture des prélèvements obligatoires s'est alourdie de plus de 116, 8 milliards d'euros. Sur le volume total de prélèvements obligatoires, 15, 3 % du PIB sont prélevés au profit de l'État et 5, 7 % du PIB, au profit des collectivités territoriales.

S'agissant des prélèvements obligatoires au profit de l'État, leur baisse de 0, 9 point est moins importante que celle qui a été prévue initialement par le Gouvernement, soit 1, 2 point. Un tel revirement de situation s'explique principalement par le moindre impact des mesures nouvelles adoptées par le Gouvernement puisqu'elles ont permis une réduction de 0, 2 point seulement du PIB, contre une prévision de baisse de 0, 5 point du PIB.

Selon le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances pour 2007, ces mesures devaient contribuer à une diminution de ces prélèvements de 5, 1 milliards d'euros au bénéfice des ménages et des entreprises. Or elles n'ont permis qu'une baisse de 3, 6 milliards d'euros

Ce simple constat démontre, s'il le fallait, l'inefficacité de la politique menée le Gouvernement, ajoutée à l'injustice de ces mesures. En effet, en cinq ans, le Gouvernement a modifié l'assiette des prélèvements obligatoires à sa guise, au service des personnes les plus aisées et au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

Qui le Gouvernement doit-il remercier pour la diminution de ces prélèvements obligatoires ? La sécurité sociale ? Oui ! Les collectivités territoriales ? Oui ! En effet, le rapport annexé au projet de loi de finances indique que cette diminution est essentiellement imputable à des transferts de recettes fiscales.

La sécurité sociale et les collectivités territoriales voient leur taux de prélèvements augmenter, principalement à cause des transferts de fiscalité de l'État à leur charge.

S'agissant des collectivités territoriales, ces transferts correspondent à la compensation de transferts de compétences intervenant dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. Toutefois, l'État ayant oublié sa promesse de compenser à l'euro près les charges transférées, les collectivités territoriales subissent un manque à gagner important qui les oblige à augmenter leurs taux de fiscalité locale. Néanmoins, dans un souci de maîtrise des dépenses et de bonne gestion, la hausse a été minime en 2006.

Mais laissons là le passé ! Parlons du présent et de l'avenir.

Pour 2007, le taux des prélèvements obligatoires serait ramené à 44 % du PIB, taux déjà promis en 2006. Le gouvernement actuel contredit ainsi ses prédécesseurs, qui prévoyaient 43, 7 % pour 2007. Mais ce dernier taux nous est annoncé pour 2008 !

Ainsi, le montant des prélèvements obligatoires pour 2007 s'élèverait à 819 milliards d'euros, dont 276, 6 milliards d'euros au profit de l'État, soit 14, 9 % du PIB, et 107, 1 milliards d'euros au profit des collectivités territoriales, soit 5, 8 % du PIB.

S'agissant des prélèvements au profit de l'État, il est vrai que la faible croissance joue contre leur diminution, puisque leur élasticité est estimée à 1, 9.

Cependant, la politique conduite par le Gouvernement, n'arrange en rien la situation. En effet, en faisant adopter, cet été, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA », vous n'avez fait que continuer la politique menée par vos prédécesseurs, dont on connaît les résultats plus que malheureux.

En multipliant les exonérations fiscales et en abaissant le bouclier fiscal à 50 %, ces mesures mettent à mal la progressivité de l'impôt sur le revenu, au détriment des ménages les plus modestes.

Pour l'année 2007, l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires n'aura aucun effet pour le contribuable. Encore une fois, je ne fais que me référer aux chiffres du rapport déposé par le Gouvernement.

En 2008, l'effet de cette mesure sur l'impôt sur le revenu ne sera, au mieux, que de 400 millions d'euros, tandis que le bouclier fiscal et les dispositions en faveur de l'ISF rapporteront aux plus favorisés plus de 1, 1 milliard d'euros.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, l'histoire se répète, puisqu'en 2007 la hausse de 0, 1 point de leurs prélèvements obligatoires est uniquement due au changement de périmètre effectué par l'État. Ce sont plus de 2, 2 milliards d'euros émanant de la fiscalité qui seront attribués aux collectivités, en compensation des transferts de compétences.

Cette situation de faible hausse, à l'honneur des collectivités, résulte d'une stabilisation ou d'une augmentation minime et maîtrisée de leur taux d'imposition. Leurs efforts continueront en 2008, puisqu'il est prévu que leur taux de prélèvements obligatoires se stabilise à 5, 8 %.

Quant aux prélèvements obligatoires au profit de l'État pour 2008, ils bénéficieront de nouveau d'un changement de périmètre de plus de 4, 2 milliards d'euros, au détriment de la sécurité sociale, qui pâtira des exonérations adoptées dans le cadre de la loi TEPA.

Que dire sinon que la situation ne s'arrangera pas, puisque la politique que vous menez non seulement perpétue celle qui vous a précédés, mais aussi l'aggrave.

Je reviens à mon propos liminaire.

Non, la baisse des prélèvements obligatoires ne doit pas être un objectif ultime, le seul et unique but à atteindre. Bien plus qu'un simple chiffre, les prélèvements obligatoires traduisent le choix d'une politique fiscale.

Il n'est pas honteux, il est même normal de payer des impôts à l'État, aux collectivités locales, et de verser des cotisations à la sécurité sociale.

La bonne question est la suivante : sur qui prélève-t-on l'impôt et sur quelle assiette ? C'est la solidarité qui est en jeu. À ce sujet votre réponse est claire, madame le ministre. Vous modelez les prélèvements fiscaux à votre guise, au service des personnes les plus aisées et au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

En baissant les impôts qu'aurait dû percevoir l'État - l'impôt sur le revenu, l'ISF -, vous réduisez la part des impôts progressifs au détriment d'une augmentation de la fiscalité locale, rendue nécessaire par la sous-compensation chronique des transferts de compétences, dont chacun sait le caractère injuste.

La seconde question est celle-ci : que faisons-nous de ces prélèvements obligatoires ? Quelle est leur finalité ? C'est un problème de justice et de redistribution.

Oui, il faut « désacraliser » l'importance du taux de prélèvements obligatoires, en ce sens qu'il reflète avant tout le choix d'une politique fiscale. Des prélèvements obligatoires équilibrés, en permettant de fournir un niveau élevé de services publics et de biens collectifs, participent à une meilleure redistribution et à une plus grande solidarité. Or la politique menée par le Gouvernement, comme je l'ai démontré, va à l'encontre de ces deux objectifs.

Les prélèvements obligatoires doivent, à notre sens, être affectés à deux priorités principales.

D'une part, ils doivent servir aux dépenses d'investissement, indispensables à une meilleure compétitivité de nos entreprises et à la création de richesses, et donc d'emplois. Est-il nécessaire de vous rappeler que les collectivités territoriales, avec un taux de prélèvements obligatoires de 5, 8 % en 2007, bien inférieur à celui de l'État, participent pour plus de 72 % à l'investissement public ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion