Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 8 novembre 2007 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je m'exprime au nom du groupe UMP. C'est une lourde responsabilité, et je voudrais présenter à mes collègues de ce groupe qui appartiennent à la commission des affaires sociales mes sentiments de modestie et de prudence. Les sujets que nous évoquons leur sont familiers. Pour ma part, je n'appartiens qu'à la commission des finances et je ne suis donc pas expert en ces questions.

Pour autant, ce débat, qui aurait pu paraître formel, est riche et suscite des discussions au sein même de la majorité. C'est peut-être ce qui le rend tout à fait passionnant. D'ailleurs, madame le ministre, vous aurez à mener cette réflexion dans les mois qui viennent au titre de la revue générale des prélèvements obligatoires, tout comme votre collègue Éric Woerth devra la conduire dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Madame le ministre, vous avez rappelé avec beaucoup de bon sens que le Premier ministre, François Fillon, avait décidé de saisir le Conseil économique et social sur cette affaire de la TVA sociale. Pourquoi ? Parce qu'à cet instant du débat il apparaît avec clarté que nous avons trois points d'accord et de vraies questions en suspens.

Premier point d'accord, le niveau atteint en France par les prélèvements obligatoires est élevé et il est inconcevable de le dépasser. Je ne reviens pas sur les chiffres ; ils ont été excellemment cités dans les rapports écrits de notre collègue Philippe Marini et vous les avez rappelés, madame le ministre. C'est en tous les cas un butoir, une discipline d'airain qui s'impose à nous.

Moyennant quoi, et c'est le deuxième élément du diagnostic partagé, les raisons d'être optimistes sont peu nombreuses, car deux faits sont évidents.

En premier lieu, nous ne pouvons pas compter sur une diminution spectaculaire des prélèvements publics de l'État car nous devons reconstruire l'équilibre budgétaire. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a fixé un objectif : l'équilibre budgétaire en 2012. Cet objectif passe nécessairement par un maintien de la pression fiscale. On peut la rendre plus intelligente, on peut ne pas décourager ceux qui investissent - vous l'avez rappelé, madame le ministre, en ce qui concerne, par exemple, le crédit d'impôt recherche -, mais nous n'avons pas de faculté immense de déduction fiscale.

En second lieu, Alain Vasselle l'a rappelé en qualité de rapporteur, les dépenses sociales croîtront en raison de l'allongement de la durée de la vie. Celui-ci est d'ailleurs une grande source de satisfaction, car, après tout, il n'est pas désagréable de vieillir quand on a une espérance lointaine et qu'on peut le faire dans de bien meilleures conditions que nos aînés. Ceux-ci n'avaient souvent pas la chance de pouvoir vieillir et, en général, ils vieillissaient plus mal que nous.

Nous allons donc dépenser de l'argent sur le terrain de la santé et de l'assurance vieillesse, l'un et l'autre allant de pair. Il n'y a aucune raison de penser que la situation pourrait s'améliorer spontanément, et nous avons le devoir absolu non seulement d'anticiper des dépenses supplémentaires, mais également d'adopter une attitude différente à l'égard de la protection sociale : elle n'est pas simplement une réponse à un risque, elle est aussi synonyme d'espérance et d'amélioration notable des conditions de vie.

Troisième certitude que nous partageons - elle a été évoquée très largement -, notre réflexion ne peut pas faire abstraction de la mondialisation et de l'exigence de compétitivité. Comme l'a rappelé avec beaucoup d'esprit Philippe Marini, nous avons eu la chance d'être en présence à la fois du ministre de la compétitivité, vous, madame, et du ministre de la cohérence, l'un et l'autre ne s'opposant d'ailleurs pas. La compétitivité, c'est la politique de l'offre. Elle est à plus long terme. La politique des comptes est parfois à plus court terme, et il arrive même que le court terme compromette un peu le long terme. Quoi qu'il en soit, puisque vous étiez tous les deux présents ici, nous avons la certitude que cette globalisation qui impose la compétitivité est au coeur de la préoccupation gouvernementale.

Compte tenu de ces trois points du diagnostic partagé, on pourrait considérer que tout est parfait pour l'UMP, ses membres ont une position commune et le débat ne suscite de leur part aucune interrogation. Or, je vous surprendrai peut-être en vous l'apprenant, nous avons, au sein de notre groupe, des différences, qui ne sont pas des divergences. Elles reflètent une attitude responsable qui consiste, au moment où s'ouvre un débat, à tenter d'en fixer les limites.

J'évoquerai trois sujets.

Je commencerai, bien sûr, par la TVA sociale, c'est-à-dire en réalité la fiscalisation de la dépense sociale. J'examinerai ensuite les « fonds de tiroirs », les niches, qui sont importantes et posent d'autres problèmes. Enfin, je terminerai par cette éthique de responsabilité qui est au coeur des convictions communes de l'ensemble des élus de l'UMP et dont nous devons tenir compte dans notre conception des prélèvements sociaux et, surtout, des dépenses sociales.

En effet, et j'emprunte au tableau préliminaire du rapport de M. Vasselle cette observation de bon sens, la première règle en matière de prélèvements sociaux, c'est la maîtrise de la dépense - vous l'avez d'ailleurs écrit noir sur blanc, mon cher collègue -, ce qui suppose de fixer très clairement ce qui dépend de la solidarité et ce qui relève de la dépense naturelle. Nous sommes au coeur du sujet.

Mais revenons à la TVA sociale. Au fond, trois attitudes coexistent au sein de l'UMP : il y a ceux qui sont contre, ceux qui sont modérément pour et, cher Jean Arthuis, bien que vous n'apparteniez pas à notre famille, ceux qui sont résolument pour. Votre proposition de TVA sociale a d'ailleurs le mérite de la constance, puisque vous l'avez présentée dès 1993, dans votre rapport d'information sur le risque de délocalisations, risque qui est hélas ! avéré. Vous avez eu le courage de proposer des solutions, en particulier au lendemain de la mission d'étude de la commission des finances que vous avez notamment conduite au Danemark.

S'agissant de la fiscalisation de la protection sociale, je serai prêt à vous suivre, en émettant tout de même quelques bémols.

Selon vous, en définitive, c'est le consommateur qui paie. L'entreprise peut amortir une charge, mais elle la répercute à un moment ou à un autre sur ses prix, c'est-à-dire in fine sur le consommateur. En définitive, que l'on demande l'effort à l'entreprise ou directement au consommateur, le résultat est le même. Il est donc plus loyal de le faire supporter par celui-ci. D'autant que - et c'est sans doute la conséquence de la globalisation que j'évoquais à l'instant sur laquelle nous sommes d'accord concernant les exigences qu'elle fait peser sur notre appareil de production -, il vaut mieux - c'est un peu cynique, je le reconnais - frapper le consommateur, qui de toute façon paiera, plutôt que l'entreprise, laquelle est délocalisable directement ou indirectement, à travers les investissements de développement qu'elle fait non plus en France mais ailleurs.

Il n'y a pas si longtemps encore - j'en parlais à l'instant à Mme le ministre -, notre commerce extérieur était excédentaire et notre balance des paiements largement bénéficiaire grâce aux « invisibles » et aux touristes.

Je voudrais tout de même attirer votre attention sur un point. Certes, ce sont les consommateurs qui paient in fine, mais tous ne sont pas Français. Lorsque nous vendons des Airbus et des moteurs d'avions dans le monde entier ou que nous entretenons les 17 000 turboréacteurs installés par la SNECMA - je m'y suis rendu ce matin -, nous gagnons de l'argent que nous facturons à des consommateurs étrangers.

Il ne me déplaît pas que ces consommateurs contribuent, lorsque nous sommes compétitifs, aux dépenses sociales françaises. C'est la raison pour laquelle le fait de demander aux entreprises de contribuer en partie à la dépense sociale a le mérite, dans la mesure où notre vocation - et c'est un sujet majeur - est d'être excédentaires sur le plan commercial, de faire supporter à des étrangers des dépenses sociales que nous ne pourrions pas financer si nous ne nous adressions qu'aux consommateurs français à travers la TVA sociale.

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