Intervention de Catherine Vautrin

Réunion du 2 décembre 2005 à 22h30
Loi de finances pour 2006 — Solidarité et intégration

Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les programmes dont nous discutons aujourd'hui sont au coeur des enjeux actuels de notre cohésion sociale.

Par les moyens qui leur sont consacrés, ces programmes démontrent très clairement que le Gouvernement poursuivra en 2006 la mobilisation engagée depuis 2002 dans le domaine de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté et dans celui de l'intégration.

Le programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » vise à prévenir la pauvreté et l'exclusion, à favoriser une sortie de l'assistance des personnes les plus fragiles et à répondre à l'urgence sociale.

En ce qui concerne le dispositif d'accueil et d'hébergement, nous cherchons à améliorer l'offre d'hébergement en proposant un accompagnement social adapté aux publics et en limitant aux seules situations d'urgence le recours à l'hôtel.

Comme vous l'avez souligné, messieurs les rapporteurs, des efforts financiers importants ont été faits en faveur de ce dispositif depuis trois ans. Ils ont été consolidés par le plan de cohésion sociale. Nous les poursuivrons en 2006 dans deux directions.

L'offre d'hébergement d'insertion est augmentée de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, et de 1 500 places en maisons relais. Je partage, messieurs les rapporteurs, votre souci de mieux connaître les publics accueillis dans ce dispositif. J'ai demandé à pouvoir disposer de remontées trimestrielles, département par département.

Comme vous, je considère qu'il est prioritaire de redonner à chaque structure sa vocation originelle : un accueil spécifique pour les demandeurs d'asile dans les CADA, et un accueil pour les autres publics dans les structures plus généralistes de type CHRS. C'est l'objectif qui était visé dans le plan de cohésion sociale à travers l'accroissement de l'offre.

Vous soulignez également, monsieur Blanc, l'allongement des durées de séjour dans les structures, et plus particulièrement dans les CHRS. Vous avez raison !

C'est pourquoi ces créations de places s'accompagnent d'une mobilisation pour accélérer l'accès au logement social des personnes qui peuvent sortir de ce dispositif.

C'est tout le sens du projet de loi portant engagement, national pour le logement, dont vous avez discuté la semaine dernière.

Comme vous, monsieur Blanc, je suis convaincue de l'importance du programme des maisons relais en matière d'insertion, car il donne la possibilité à des personnes très précarisées de trouver enfin non seulement une solution d'hébergement pérenne, mais aussi le moyen de commencer à se reconstruire.

Le Premier ministre l'a annoncé dès le 1er septembre dernier : nous allons créer 5 000 logements d'urgence, car il n'est pas normal que des personnes qui ont fait des efforts de formation et qui ont retrouvé un emploi continuent d'être logées dans des conditions indignes. C'est la raison pour laquelle nous allons également créer 5 000 places nouvelles dans des hôtels sociaux labellisés, où ce travail d'accompagnement social sera possible.

En outre, nous consolidons le financement du dispositif d'accueil, d'urgence et d'insertion. Les crédits relatifs à l'hébergement d'urgence augmentent de 8, 2 millions d'euros, soit 6 % de hausse, et ceux des CHRS de 16 millions d'euros.

Monsieur Blanc, je reste vigilante quant aux dotations allouées au CHRS par rapport au financement de l'hébergement d'urgence. Les crédits de ces structures sont préservés et font l'objet d'un suivi particulier.

Pour répondre à vos observations concernant les crédits consacrés au rebasage des CHRS, la mission commune IGAS-IGF, sollicitée en 2004 par Jean-Louis Borloo et Nelly Olin, a conclu à un besoin de 12 millions d'euros. Ce rebasage sera réparti sur deux exercices : 2006 et 2007. Je me suis engagée en ce sens auprès des associations.

Cela nous permettra de mettre en oeuvre les préconisations du rapport des inspections. Le secrétaire général du ministère des affaires sociales a été mandaté pour suivre ce dossier prioritaire, qui porte sur plus de 760 structures et 31 000 places.

Vous évoquez, monsieur le sénateur, le retrait des caisses d'allocations familiales du financement de l'aide personnalisée au logement dans les CHRS. Je tiens à vous informer qu'une réflexion est en cours avec la CNAF sur ce point précis.

Monsieur Cazalet, pour répondre à votre préoccupation de mieux justifier les crédits inscrits au titre des dispositifs d'urgence sociale, notamment au titre de l'hébergement d'urgence, je vous informe que, dans le cadre des audits de modernisation demandés par le ministre chargé de la réforme de l'État, j'ai souhaité que la gestion des crédits d'hébergement d'urgence, qu'ils relèvent de la direction générale des affaires sociales, la DGAS, ou de la direction de la population et des migrations, la DPM, soit inscrite pour 2006.

Cet audit permettra d'analyser les facteurs d'évolution des coûts, la maîtrise de ces coûts et l'amélioration de la qualité des prestations.

Des pistes de réforme pourront ainsi être dégagées pour réaliser des gains de productivité et mieux maîtriser les dépenses.

Enfin, en ce qui concerne les crédits inscrits dans l'action 3, « conduite et animation des politiques de lutte contre l'exclusion », je vous confirme qu'ils concernent pour partie le financement d'une aide au poste dans le cadre de notre contribution au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP, et le financement des têtes de réseau des grandes associations nationales - Croix-Rouge, FNARS, Restos du Coeur, etc. - pour leurs actions à portée nationale.

Alors que le plan hiver vient d'être activé, chacun connaît le travail remarquable que réalisent toutes ces associations sur le terrain, et ne peut que louer l'action et l'implication de tous ces bénévoles.

Par ailleurs, vous avez abordé la question de la décentralisation du RMI et des politiques d'insertion.

Aujourd'hui, plus des trois quarts des départements ont un programme d'insertion. Des efforts sont faits pour augmenter le taux des contrats d'insertion parmi les allocataires du RMI. Toute notre politique de lutte contre la pauvreté et la précarité est guidée par ce souci d'accompagnement et de retour à l'emploi.

Madame Printz, vous avez abordé le dossier de l'insertion par l'activité économique. Ce sujet, vous le savez, est abordé dans la mission « Travail et emploi ». Je partage votre intérêt pour l'important travail effectué par ces associations et ces entreprises. L'effort de l'État s'élevait, en 2004, à 105 millions d'euros ; il sera de 193 millions d'euros en 2006. C'est dire si, là aussi, le Gouvernement est mobilisé.

Nous savons bien qu'il faut non seulement un accompagnement à la reprise du travail, mais aussi un accompagnement social, parce que, lorsqu'on est dans une situation de précarité absolue, on ne peut pas toujours reprendre tout de suite un emploi. Un accompagnement, une formation, un réapprentissage des codes sociaux sont nécessaires, ce que font très bien les associations et les chantiers d'insertion.

Pour répondre à votre préoccupation en ce qui concerne l'augmentation des dépenses du RMI pour les départements, je vous confirme l'engagement du Premier ministre à les compenser intégralement.

J'en viens au programme « Accueil des étrangers et intégration », dont les crédits augmentent aussi fortement : plus 4 %, soit 22, 6 millions d'euros supplémentaires.

Ce programme comporte trois priorités : l'intégration, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et l'aide au retour volontaire.

Je voudrais insister sur les efforts sans précédent qui ont été accomplis depuis 2002 pour améliorer la prise en charge des demandeurs d'asile, en rappelant notamment les objectifs que le Gouvernement s'était fixés dans ce domaine.

Le premier de ces objectifs est de proposer systématiquement un hébergement en CADA aux demandeurs d'asile.

Le nombre de places de CADA est passé de 10 317 en 2002 à 17 570 à la fin de cette année. Les capacités d'hébergement progressent de 69 %. J'ajoute que 2 000 places de CADA supplémentaires seront créées l'année prochaine, ce qui portera leur nombre à 20 000 fin 2006.

En confiant la gestion des places de CADA aux préfets de région, nous allons pouvoir en outre remédier aux déséquilibres entre les départements et éviter au maximum le retour aux chambres d'hôtel.

Madame Le Texier, je partage l'un de vos commentaires : on n'émigre pas, dans la majeure partie des cas, par choix. Vous avez raison ! Notre Gouvernement s'emploie à mettre en place des dispositifs d'accompagnement. Mais vous savez bien que, la seule vraie réponse, c'est le codéveloppement.

Tel était l'objet de la conférence de Barcelone des 27 et 28 octobre dernier, à laquelle assistait le Président de la République. Ce sont des conférences de ce type et des actions de fond qui permettront de répondre effectivement aux besoins de ces populations.

Notre deuxième objectif est de réduire de façon drastique les délais d'instruction des demandes d'asile ; il s'agit d'une question d'humanité. Nous progressons, mais je veux aller plus loin encore, afin que ces délais soient inférieurs à six mois. Ils sont encore aujourd'hui de neuf ou dix mois.

Nous avons par ailleurs calé la durée de versement de l'allocation temporaire d'attente sur celle de l'instruction de la demande d'asile, conformément à la directive européenne de 2003.

La réforme du droit d'asile commence à porter ses fruits ; nous savons que le chemin est long. La prévision du nombre de demandes pour 2005 se situe autour de 61 000, soit une baisse de 8 % par rapport à 2004.

En ce qui concerne l'accueil des nouveaux arrivants, je rappelle que, depuis 2002, nous sommes passés, avec le programme d'intégration, d'une situation d'indifférence à une situation de contrat.

Des outils ont été mis en place, afin de répondre aux besoins de cette politique d'intégration. L'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, qui existe depuis le 1er octobre, accueille les étrangers. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, complète ce contrat. Le Premier ministre l'a rappelé hier, la Haute autorité sera désormais également dotée de pouvoirs de sanction, qui permettront d'aller plus loin dans la lutte contre les discriminations.

Enfin, la cité nationale de l'histoire de l'immigration est en phase de préfiguration. Elle valorisera l'apport des étrangers au patrimoine français et reflétera la richesse de la diversité assumée par notre société.

C'est dans ce cadre que la nouvelle agence pourra mettre en place un contrat d'objectifs et de gestion, qui couvrira bien sûr les missions actuellement dévolues au FASILD. Ce contrat permettra de fixer des objectifs et donc de mesurer la performance des actions contribuant à l'intégration des personnes issues de l'immigration, comme le souhaite M. Cazalet.

Le contrat d'accueil et d'intégration a été expérimenté ; nous en sommes aux 100 000 contrats signés. Ce contrat sera généralisé à la fin du 1er trimestre 2006.

Nous devons aller plus loin et établir un lien entre la pratique de notre langue et la délivrance de titres de séjour, notamment de longue durée.

Nous devons également veiller au respect des engagements liés au contrat, tels que le suivi des cours de français. Nous savons notamment que la situation des femmes qui arrivent dans notre pays en dépend : c'est pour elles, le premier outil d'intégration. Si nous voulons qu'elles connaissent leurs droits, il faut qu'elles puissent apprendre notre langue de façon à être autonomes.

La lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité des chances sont également des priorités.

Je voudrais répondre à l'inquiétude de Mme Le Texier au sujet de la Haute autorité. Cette Haute autorité, dont vous avez voté la création l'année dernière, sur notre proposition, constitue véritablement le moyen de permettre à l'égalité des chances d'exister dans notre pays.

Monsieur le rapporteur spécial, la qualité d'autorité administrative indépendante de la HALDE ne nous permet pas de lui fixer des objectifs ou des indicateurs de performance. Je sais néanmoins que nous pouvons compter sur le président et son collège pour honorer les missions indispensables qui leur seront confiées.

Une politique d'intégration forte et pleinement assumée doit également lutter efficacement contre l'immigration irrégulière.

C'est pourquoi, outre les reconduites à la frontière, le Gouvernement a mis en place dans vingt et un départements, depuis le 15 septembre dernier, un dispositif expérimental d'aide au retour. Il s'agit d'offrir aux personnes concernées la possibilité de repartir en famille et de réaliser un projet dans leur pays d'origine.

Je voudrais enfin dire un mot sur les crédits en faveur des rapatriés : ils ont augmenté très sensiblement, en raison notamment des mesures prises en application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Trois options sont proposées aux bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance en faveur des harkis. Le montant exact de la dépense n'a pu être déterminé que le 1er octobre 2005, après que les bénéficiaires ont effectué leur choix. Les prévisions réalisées en 2004 par la mission étaient de 128 millions d'euros. La dépense prévue en 2006 sera du même montant.

J'en viens au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont le budget modeste ne doit pas cacher l'ambition des objectifs. Ceux-ci sont réunis autour de quatre axes : l'accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision, l'égalité professionnelle, l'égalité en droit et en dignité et l'articulation des temps de vie.

Vous vous interrogez, monsieur le rapporteur spécial, sur la mesure de la performance des actions conduites par les associations financées dans le cadre de ce programme. Je souhaite, comme vous, disposer d'indicateurs pertinents. Ainsi que vous le soulignez dans votre rapport, les principales associations financées font l'objet d'indicateurs satisfaisants. Les subventions qui leur sont allouées représentent un peu plus de 43 % des crédits du programme.

Toutefois, j'entends disposer d'instruments de mesure de l'impact de toutes les interventions du programme « Égalité entre les hommes et les femmes ».

Dans le cadre de la réforme de l'État, une démarche qualité a été lancée, afin d'évaluer la bonne utilisation des crédits affectés aux 174 lieux d'accueil et d'accompagnement des femmes victimes de violences, ainsi que leurs conditions de prise en charge.

Les dispositions prises de manière conventionnelle avec tous les opérateurs nous permettront de construire de nouveaux indicateurs.

Vous vous interrogez également sur l'impact des contrats d'égalité professionnelle et des contrats pour la mixité des emplois. Les deux dispositifs en question sont destinés à diversifier les métiers des femmes et à désenclaver le travail féminin, ainsi que Mme Debré le soulignait à l'instant. Ils visent, en outre, à inciter les employeurs à modifier leur politique de ressources humaines, afin de faire davantage de place aux femmes dans les métiers où elles sont encore peu nombreuses. Il me paraît donc très important d'en développer l'utilisation.

En 2006, la priorité portera sur la conclusion de contrats avec de grandes entreprises, afin d'accroître le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs et de diffuser le plus largement possible les différentes expériences.

Madame Printz, le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Effectivement, une femme meurt tous les quatre jours de violences conjugales.

Le 25 novembre dernier, j'ai annoncé des mesures, parmi lesquelles un renforcement des sanctions contre les auteurs de violences.

Nous agirons rapidement, puisque nous débattrons à l'Assemblée nationale, le 13 décembre prochain, du texte issu des propositions de loi de M. Roland Courteau et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il comportera des mesures visant à réprimer les mutilations sexuelles faites aux femmes. Mais nous travaillerons également sur l'extension de la circonstance aggravante.

De la même manière, je souhaite diversifier les modes d'hébergements des femmes victimes de violences, parce que, là aussi, nous devons accomplir des efforts substantiels, afin d'apporter des réponses à ces femmes qui sont non seulement cassées physiquement, mais également brisées moralement.

Ce sujet mérite véritablement un engagement sans faille de notre part. C'est tout le sens de la campagne de communication que nous mettrons en place l'année prochaine. En effet, le seul moyen d'éradiquer ces drames est d'en parler, afin de sensibiliser l'ensemble de notre société.

Le 12 décembre prochain, je défendrai en deuxième lecture le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui prévoit le refus d'enregistrement des accords collectifs si aucune négociation n'est menée sur l'égalité salariale. C'est, là aussi, une arme très dissuasive.

Qu'elles luttent contre la précarité et la pauvreté, qu'elles cherchent à mieux intégrer les personnes d'origine étrangère ou issues de l'immigration ou qu'elles favorisent l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes ces politiques visent le même objectif : promouvoir la cohésion sociale, sans laquelle notre pays ne pourra pas aborder l'avenir avec confiance, ni faire face avec détermination à tous les défis qu'il doit relever.

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