Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouveau dispositif budgétaire ne prévoit pas de programme particulier en ce qui concerne la couverture sociale de nos 2 300 000 compatriotes résidant à l'étranger.
Certes, un programme « Français à l'étranger et étrangers en France » existe bien au sein de la mission « Action extérieure de l'État », gérée par le ministère des affaires étrangères, mais, là encore, cela ne se rapporte pas à la couverture sociale des Français expatriés.
Or cette protection sociale est l'une des interrogations décisives de nos compatriotes lorsqu'ils partent s'établir à l'étranger, qu'il s'agisse de la couverture sociale proprement dite - assurance maladie, assurance accident du travail, assurance vieillesse - ou, plus largement, de l'offre de soins en vigueur dans les pays d'accueil et des conditions sanitaires auxquelles ils seront confrontés.
Il me semble donc important d'évoquer certains de ces points devant vous.
Pivot essentiel de la couverture sociale des Français de l'étranger, la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, la CFE, créée en 1984, couvre une population de près de 185 000 personnes, dont la plupart au titre de l'assurance maladie, avec une croissance de 5 % à 6 % pour 2005.
Depuis plus de vingt ans, la CFE, son conseil d'administration, que j'ai l'honneur de présider depuis l'origine, et son personnel, se sont efforcés, avec le soutien des autorités de tutelle, dont votre ministère, d'améliorer la couverture mise en place par la loi du 13 juillet 1984 en développant ses actions, en les adaptant aux situations particulières rencontrées à l'étranger, en multipliant les mesures de justice sociale visant à réduire le coût de l'assurance volontaire maladie et à en permettre l'accès au plus grand nombre. Il a été ainsi procédé à des baisses successives des taux de cotisation et à la création de plusieurs catégories de cotisants.
La CFE, avec des cotisations moindres que celles de métropole, avec des remboursements identiques à ceux qui sont pratiqués en France, réussit à équilibrer ses comptes depuis l'origine, comme cela vient d'être récemment vérifié dans un rapport du COREC, le comité régional d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale - mission conjointe de la Cour des comptes et des autorités de la sécurité sociale - rendu en novembre 2005.
À la suite d'une inspection approfondie de notre caisse, un avis favorable a été rendu, indiquant que la caisse est gérée avec sérieux et efficacité. À l'occasion de ce contrôle, des recommandations positives ont été émises. La CFE ne manquera pas de les suivre, car elles sont de bon sens et permettront d'améliorer encore le service rendu à ses assurés.
Il faut reconnaître que, au-delà de la gestion saine et rigoureuse de la CFE, les Français de l'étranger sont également plus responsables et plus économes de leurs dépenses maladie.
C'est en partie pour ces raisons que, dès l'examen et le vote de la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance maladie, j'ai demandé à ce que les Français expatriés assurés auprès de la CFE soient exemptés de certaines des mesures mises en place, souvent inapplicables dans leurs pays de résidence.
Vous aviez bien voulu, comme votre prédécesseur, soutenir mes amendements, et c'est ainsi que les adhérents de la CFE ne sont pas soumis à la procédure du médecin traitant, du dossier médical personnalisé, du parcours de soins pour les soins reçus à l'étranger.
Néanmoins, des interrogations subsistent pour les soins reçus en France à l'occasion de séjours temporaires : pour les vacances, par exemple. En effet, la CFE appliquant les mêmes règles que le régime général pour le remboursement des soins et le calcul des prestations, comment appliquer ces mesures à des personnes qui résident habituellement à l'étranger ? Comment, par exemple, appliquer demain la participation forfaitaire de 18 euros sur des actes médicaux lourds intervenus à l'étranger, ou le déremboursement de 156 médicaments, à partir du 1er mars 2006, lorsque ces médicaments sont achetés à l'étranger ?
La CFE est donc de plus en plus souvent conduite à s'écarter des règles strictes du régime général, à prévoir des exceptions ou des dérogations, et le prochain conseil d'administration, qui se réunira les 12 et 13 décembre prochain sera appelé à vous faire un certain nombre de propositions dans ce sens.
Je souhaite qu'elles soient alors entendues par vos services, comme l'ont été en particulier celles qui sont liées au médecin traitant. Je dois reconnaître que les services de la direction de la sécurité sociale ont fait preuve de compréhension par rapport aux problèmes spécifiques de la Caisse des Français de l'étranger et de ses assurés, ce dont je veux les remercier ici en souhaitant qu'ils maintiennent cette attitude responsable et raisonnable.
D'autres sujets, plus complexes, nécessiteront des réponses claires et des décisions précises de vos services. Je pense en particulier au parcours de soins et à la notion de « contrat responsable ».
Les services ministériels nous ont apporté des précisions : « Les assurés de la CFE ne sont pas concernés par le parcours de soin et, lors de soins reçus en France, ils ne doivent supporter ni dépassements d'honoraires, ni majoration de leur participation aux frais ». Cette réponse a fait l'objet d'une correspondance au directeur de la CNAM, mais quelle sera la situation des assurés de la caisse face à certains médecins spécialistes en France qui ne seront pas clairement informés de cette situation et qui factureront des majorations d'honoraires pour situation hors parcours de soins ? Quelle devra être l'attitude de la CFE, et quelle devra être celle des assureurs complémentaires avec qui ses adhérents sont liés ?
Cesseront-ils d'être « responsables » s'ils prennent en charge ces majorations ? Dès lors que le dépassement d'honoraires s'applique à des personnes non concernées par le parcours de soins, la logique voudrait que le contrat complémentaire qui les prend en charge ne soit pas, de ce seul fait, déclaré « irresponsable ».
Je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur ce sujet d'importance, car nombre d'assurés de la CFE ont souscrit des assurances « complémentaires » qui ont élaboré des produits spécifiques adaptés à l'expatriation et à l'assurance de base proposée par la CFE. La caisse est d'ailleurs liée par convention à une vingtaine d'entre elles, ce qui permet une meilleure coordination pour le versement des prestations, et elle poursuit une politique de guichet unique afin de simplifier les démarches des adhérents. Elle doit donc savoir quelle position adopter vis-à-vis de ces assureurs.
J'aimerais également obtenir des précisions sur deux points au sujet de l'assurance volontaire vieillesse gérée par la CFE pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, sur lesquels il existe, me semble-t-il, un certain flou : le premier point se rapporte aux délais d'adhésion, le second intéresse la qualité des personnes pouvant adhérer à cette assurance volontaire vieillesse.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je dirai quelques mots des craintes de nos compatriotes expatriés quant aux risques sanitaires auxquels ils sont confrontés : paludisme, virus Ebola en Afrique et, plus récemment, la grippe aviaire en Asie, avec des risques de propagation dans les pays d'Europe de l'Est.
Les pouvoirs publics français se sont préoccupés du sort des communautés françaises à l'étranger face à ce nouveau virus, et l'on doit les en féliciter. La décision a été prise de doter nos ambassades et nos consulats de médicaments antiviraux et de masques de protection, à l'image de ce qui est fait en métropole. Si un vaccin est mis au point rapidement, ce que nous souhaitons tous, au cas où, malheureusement, la grippe aviaire deviendrait transmissible de l'homme à l'homme, je souhaite vivement que celui-ci soit diffusé largement et prioritairement auprès de nos compatriotes vivant dans les pays d'Asie concernés.
Monsieur le ministre, dans le contexte actuel de risques sanitaires que connaît le monde, il est essentiel que nos compatriotes qui souhaitent s'expatrier, ou qui le sont déjà, puissent être assurés d'avoir une couverture maladie et, plus largement, une couverture sociale française qui leur permette d'être pris en charge face à ces risques exceptionnels, mais aussi face aux risques encourus au quotidien dans le cadre de l'expatriation.
Il est primordial également que ceux-ci puissent bénéficier des mêmes droits qu'en métropole en ce qui concerne les accidents du travail, la retraite, le chômage et les prestations qui en découlent.
C'est pourquoi, tous, ils seront particulièrement attentifs, comme je le serai moi-même, aux positions et aux réponses que vous apporterez dans ces différents domaines, ainsi qu'aux actions que vous entreprendrez pour les soutenir dans leur expatriation.