Intervention de Georges Othily

Réunion du 2 décembre 2005 à 22h30
Loi de finances pour 2006 — Santé

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission qui nous est présentée est en progression de 10 %. Il traduit les priorités du Gouvernement, notamment la lutte contre le sida, et nous pouvons nous féliciter de cette audace. Cependant, monsieur le ministre, je me permettrai d'attirer votre attention sur la situation catastrophique de la santé en Guyane.

De nombreux rapports émanant tant de parlementaires que de hauts fonctionnaires de votre ministère ont largement décrit la situation sanitaire de la Guyane. Ces rapports ne souffrent d'aucune contestation : la situation sanitaire se dégrade de plus en plus. Les indicateurs de santé sont manifestement mauvais : l'espérance de vie est, en Guyane, significativement inférieure à celle de la France hexagonale et le taux de mortalité y est plus élevé.

Cet état des lieux s'explique en partie par l'existence endémique de pathologies spécifiques aux départements d'outre-mer, telles que le paludisme, la tuberculose ou la fièvre jaune.

L'importance de l'alcoolisme et de la toxicomanie y est tout aussi préoccupante, du fait notamment que ces pathologies concernent l'ensemble de la population et touchent les jeunes de plus en plus tôt.

Enfin, le sida mérite une attention particulière : la Guyane est en effet six fois plus touchée que la métropole et figure, selon un rapport des Nations unies, parmi les pays les plus affectés dans l'hémisphère ouest. En 2004, 1, 2 % des femmes enceintes étaient atteintes du VIH, ce qui vaut au département d'être classé en zone d'épidémie généralisée, selon les normes de l'Organisation mondiale de la santé. Les femmes sont autant touchées que les hommes et de nombreux enfants de moins de dix ans sont atteints.

Malheureusement, ce véritable fléau ne cesse de se développer. En effet, les frontières étant largement perméables et la France offrant des possibilités de prise en charge, les deux tiers des malades, durement touchés dans leur pays, viennent de l'importante immigration tant légale que clandestine.

Malgré les efforts financiers importants des pouvoirs publics, il reste beaucoup à faire pour enrayer cette pandémie qui ne cesse de progresser de façon préoccupante sur tous les continents.

Il est notamment urgent de promouvoir les actions de prévention, qui se heurtent, encore aujourd'hui, au déni de la maladie et à la stigmatisation des malades. En effet, le sida est encore un sujet extrêmement tabou : être séropositif en Guyane, c'est la mort sociale assurée. De ce fait, de nombreux patients ne révèlent pas leur maladie à leur famille.

La santé en Guyane est également menacée par la pollution au mercure, qui constitue un risque sanitaire très élevé pour les populations guyanaises, victimes d'empoisonnement.

Les activités d'orpaillage exercées en Guyane sont responsables de rejets importants de mercure. Le mercure déposé sur le fond sédimentaire s'accumule dans la chaîne alimentaire et constitue ainsi la source majeure d'exposition à la contamination des populations.

De nombreuses analyses de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et de l'Institut de veille sanitaire, l'IVS, ont révélé que le niveau de mercure était jusqu'à deux fois supérieur au seuil fixé par l'Organisation mondiale de la santé et qu'il était à l'origine de graves maladies, notamment intestinales et neurologiques.

Certes, le ministre délégué au tourisme s'est engagé à ce que le recours au mercure sur les chantiers aurifères de Guyane soit interdit dès le 1er janvier 2006, mais cette mesure ne permet pas de mettre un terme à l'orpaillage clandestin. Si nous ne faisons rien, les populations amérindiennes seront toujours victimes d'empoisonnement au mercure.

Cette situation alarmante de la santé en Guyane est amplifiée par une immigration galopante, une offre de soins insatisfaisante, une pénurie de professionnels de santé et des équipements sanitaires insuffisants.

S'agissant de l'immigration, il faut rappeler que peu de départements français ont connu une telle explosion démographique : limitée pendant trois siècles à 25 000 habitants, la population guyanaise a été multipliée par sept en moins de cinquante ans.

Blottie entre le Surinam et le Brésil, non loin d'Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, la Guyane représente un Eldorado et suscite de ce fait la convoitise de ses voisins.

Or, ses 3 000 kilomètres de frontières, constituées de deux fleuves et de forêts, sont franchis allégrement par les clandestins, ce qui rend la maîtrise des flux migratoires quasi impossible et conduit à l'engorgement de ses structures de soins.

Le chef de service de la maternité de l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni explique que, avec 1 900 accouchements par an pour vingt-quatre lits - contre 900 voilà dix ans -, son service est en état de surchauffe permanente et que cette augmentation s'explique en partie par un afflux de Surinamaises, attirées par notre système de santé, fiable et gratuit.

Sur le plan des moyens humains, la situation est tout aussi alarmante puisqu'il y a trois fois moins de médecins en Guyane qu'en France hexagonale. Cette pénurie, qui touche à la fois les généralistes et les spécialistes, concerne également les autres professionnels de santé.

Pour pallier le déficit de médecins et d'infirmières, le centre hospitalier de Cayenne se voit contraint de recruter à prix d'or et pour de courtes missions. Déjà grevé par le coût des soins - jamais remboursés, car dispensés à une population étrangère souvent en situation irrégulière - le budget du centre hospitalier affiche 20 millions d'euros de créances.

Avec une population dont le taux de croissance est de loin le plus important au plan national, la Guyane a la démographie médicale la plus faible de France. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de garder les professionnels de santé qui exercent en Guyane et de rendre attractive la venue de nouveaux professionnels de santé.

La création d'une zone franche sanitaire s'étendant à l'ensemble de la Guyane y contribuerait. La situation sanitaire guyanaise est la plus sinistrée de France. Une telle mesure permettrait une remise à niveau du secteur de la santé, pilier incontournable du développement économique d'une région.

J'apprécierais, monsieur le ministre, que vous me précisiez les engagements que le Gouvernement et singulièrement votre ministère pourraient prendre afin d'apporter des solutions satisfaisantes au grave problème de santé publique que connaît le Guyane.

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