Intervention de Valérie Létard

Réunion du 1er décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Ville et logement, amendements 149 24 15

Photo de Valérie LétardValérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur la présentation chiffrée de ce budget, dont les grandes lignes nous ont déjà été présentées. Toutefois, il me semble que la mission « Ville et logement » présente deux caractéristiques qu'il convient de souligner.

Tout d'abord, la part des dépenses fiscales est importante : leur montant - plus de 11 milliards d'euros - est supérieur à celui des crédits de la mission, qui s'élèvent à 7, 2 milliards d'euros. Elles contribuent, pour une large part, au développement et à l'amélioration de l'offre de logement grâce à des incitations fiscales.

Ensuite, chaque année, on constate la mobilisation de ressources extrabudgétaires : leur caractère ponctuel peut faire craindre la disparition, l'année suivante, des recettes budgétaires correspondantes. Je pense aux 500 millions d'euros apportés cette année par la réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier.

Au total, les moyens de la mission « Ville et logement » s'élèvent donc à 18, 6 milliards d'euros, soit près de 1, 3 milliard d'euros de plus qu'en 2006.

J'aborderai d'abord les crédits consacrés à la politique de la ville.

Dans l'ensemble, l'État a respecté les engagements pris au titre du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et au titre du plan de cohésion sociale.

La mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine constitue en effet l'une des priorités de la politique de la ville. À cette fin, l'ANRU sera dotée pour 2007 de 625 millions d'euros en moyens d'engagement pour poursuivre un programme de rénovation sans précédent, qui mobilisera plus de 30 milliards d'euros jusqu'à son échéance, désormais fixée à 2013.

Toutefois, je m'inquiète que les crédits consacrés au financement de l'Agence dépendent, chaque année, d'apports extérieurs plus ou moins aléatoires. Il est en effet essentiel que les engagements de l'État soient tenus. Or, à ce jour, il manquerait à l'ANRU 60 millions d'euros pour boucler l'exercice 2006 en cours, qui plus est sur des recettes inscrites en loi de finances initiale pour 2006 dont l'origine n'a jamais été précisée au Parlement.

Je souhaite, madame la ministre déléguée, que vous nous éclairiez à ce sujet et que vous vous engagiez ici à sanctuariser les crédits requis chaque année pour respecter les objectifs du PNRU.

C'est d'autant plus important que l'ANRU va devoir faire face à un véritable « pic financier », qui résulte de la mise en oeuvre simultanée des différents projets de rénovation validés par le comité d'engagement. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire en sorte que le lancement des chantiers ne soit pas retardé ? Un nouveau report de l'échéance du programme n'est pas, à mon sens, une solution acceptable.

De la même façon, il est indispensable que les crédits en faveur de la cohésion sociale soient pérennisés et renforcés : les futurs contrats urbains de cohésion sociale disposeront en 2007 de 380 millions d'euros pour soutenir l'action des associations et financer les dispositifs de prévention, d'encadrement des jeunes et de réussite éducative.

On aurait pu craindre que les mesures exceptionnelles prises l'année dernière ne soient pas reconduites. Tel n'est pas le cas, et c'est heureux, car la commission des affaires sociales est particulièrement attachée à la présence de ces dispositifs d'accompagnement social dans les quartiers, dispositifs sans lesquels toute politique ambitieuse de rénovation serait vouée à l'échec.

J'en profite pour saluer les propos de mon collègue Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui rappelait à quel point il nous fallait non seulement mobiliser les crédits spécifiques de la politique de la ville, mais aussi ne jamais oublier les crédits de droit commun. C'est d'ailleurs par là qu'il faut commencer : les moyens de droit commun et les crédits tant en fonctionnement qu'en moyens humains doivent être présents partout, dans tous les quartiers, pour que l'action de la politique de la ville soit un véritable levier. Aujourd'hui, trop souvent, les crédits spécifiques ne viennent que pallier les insuffisances des moyens que l'État consacre.

Toutefois, des incertitudes subsistent dans plusieurs domaines : d'abord, sur les modalités de fonctionnement de l'ANCSEC, notamment dans ses rapports avec l'ANRU et la DIV ; ensuite, sur les critères de choix des territoires éligibles aux contrats urbains de cohésion sociale et sur les modalités du pilotage local de leur mise en oeuvre.

D'autres incertitudes pèsent sur les modalités de financement et de fonctionnement du fonds de prévention de la délinquance, créé par le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en cours de navette parlementaire. Cela nécessitera que l'on détermine avec plus de précision l'origine des moyens qui lui seront affectés, en espérant qu'ils ne viendront pas des budgets réservés à la politique de la ville.

Enfin, d'autres incertitudes subsistent sur la DSU. L'augmentation de 120 millions d'euros en 2007, conformément au plan de cohésion sociale, constitue certes un signal positif et fort ; mais il faut veiller à la bonne utilisation de cette dotation et améliorer l'effet de péréquation qu'elle produit pour les communes les plus défavorisées qui ne sont pas forcément éligibles aux politiques de la ville.

Plusieurs pistes mériteraient d'être explorées, notamment la prise en compte de la capacité d'ingénierie des communes et de la présence de services publics de proximité, ou encore la mise en place d'un contrat de sortie des dispositifs de la politique de la ville. Quel est votre sentiment sur ce point, madame la ministre déléguée ?

J'aborderai maintenant les crédits consacrés à la politique du logement.

Comme les années précédentes, les aides à la personne mobiliseront plus de 80 % des crédits disponibles. Pourtant, la situation économique des ménages se dégrade : malgré la revalorisation des aides de 1, 8 % au 1er janvier 2007, l'augmentation des prix de l'immobilier ne sera pas compensée.

Nous l'avons déjà évoqué, des difficultés liées aux conditions de versement de ces aides subsistent : le maintien du mois de carence avant le versement des allocations ; la revalorisation des aides, qui devrait être annuelle et indexée sur le nouvel indice de référence des loyers, l'IRL ; les petites prestations logement qui jusque-là n'étaient plus versées ; le seuil minimal de perception des allocations fixé à 24 euros mensuels. Nous en reparlerons lors de l'examen de l'amendement n° II-149 de MM. Dallier et Karoutchi tendant à financer le retour du seuil du versement des aides personnelles au logement de 24 euros à 15 euros.

Ces mesures d'économie conduisent en réalité les familles à se reporter sur d'autres types d'aides, par exemple sur les fonds de solidarité logement, qui sont gérés désormais par les départements et dont les charges augmentent fortement. Du fait du délai de carence d'un mois pour le versement des aides au logement, les familles en difficulté se tournent systématiquement vers les FSL.

J'en viens enfin au second programme du volet concernant le logement au sein de la mission « Ville et logement ». Trois objectifs sont privilégiés.

Il s'agit, premièrement, du développement de l'accession à la propriété, que je crois essentiel pour encourager les parcours résidentiels ascendants ; il sera favorisé par l'extension des conditions d'octroi du prêt à taux zéro, le PTZ, et du prêt à l'accession sociale, le PAS.

Il s'agit, deuxièmement, de la lutte contre l'habitat indigne et de l'amélioration de l'accessibilité et de la sécurité des logements, auxquelles l'ANAH consacre près de la moitié de sa subvention annuelle.

Il s'agit, troisièmement, de la construction et de la rénovation du parc public et privé. Un effort exceptionnel a été consenti par l'État, mais l'offre destinée aux ménages les plus modestes demeure largement insuffisante, notamment pour la construction de logements financés à l'aide d'un PLUS, un prêt locatif à usage social, et, surtout, d'un PLA-I, un prêt locatif aidé d'intégration. Ne faut-il pas renforcer les objectifs du programme de cohésion sociale sur ce point, madame la ministre déléguée ?

Ces quelques observations n'affectent pas le soutien de la commission des affaires économiques sur les orientations politiques que vous proposez dans le cadre des crédits pour 2007, madame la ministre déléguée. Ce budget est ambitieux, il a le mérite d'apporter des réponses aux problèmes qui se posent depuis plusieurs décennies et de mobiliser des moyens sans précédent, ce qui incite les acteurs locaux à s'impliquer financièrement et politiquement.

Aussi, sous réserve des trois amendements qu'elle a déposés en faveur des aides au logement et espérant qu'un effort plus important sera accompli en direction du logement très social, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et aux articles 62 et 62 bis qui lui sont rattachés.

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