Intervention de Pierre Hérisson

Réunion du 1er décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Ville et logement

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en ma double qualité de sénateur et de président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, mon ambition, au-delà de l'accès au droit commun pour cette population, est de redonner à chaque type d'aire d'accueil sa vocation initiale.

En effet, les aires permanentes d'accueil, depuis l'adoption de l'amendement au projet de loi portant engagement national pour le logement, entrent progressivement dans le champ du logement social.

Il convient donc de respecter cette mission de première importance de stationnement, d'accueil et, surtout, d'habitat social. C'est pourquoi, je compte sur la mobilisation des élus, au même titre que pour l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, pour permettre la réalisation de ces aires, comme le leur impose la loi de juillet 2000.

En effet, il est capital d'atteindre au plus vite, mais dans des conditions adaptées et pragmatiques, la mise à disposition de 40 000 emplacements, seul moyen pour mettre un terme aux stationnements illicites. Je rappelle qu'aujourd'hui seuls 8 000 emplacements ont été réalisés.

À ce titre, madame la ministre déléguée, je tiens à saluer l'effort du Gouvernement, qui a décidé d'allouer 40 millions d'euros pour la production d'aires d'accueil pour 2007, contre 30 millions d'euros prévus dans la loi de finances de 2006, soit 33 % d'augmentation.

Par ailleurs, il nous faut également prendre en compte un autre type d'aires de stationnement, qui répond à la problématique de sédentarisation des gens du voyage, à savoir les terrains familiaux, qui, je le rappelle, sont éligibles aux allocations logement. Aussi, à l'occasion des révisions des schémas, il apparaît nécessaire de renforcer leur prise en compte et d'introduire des dispositions concernant les gens du voyage dans le cadre des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, en lien avec les plans locaux d'habitat. De même, il nous faut rendre le lien plus opérationnel avec les documents d'urbanisme, par l'intermédiaire du schéma de cohérence territorial, et prendre en compte l'évolution de l'habitat.

Ces deux types de stationnement ont, je le rappelle, une vocation strictement permanente et sociale, à la différence des aires de grands passages. En effet, en ce qui concerne ces dernières, je souhaiterais que nous soyons dans une logique de mise à disposition d'un lieu répondant à une demande précise et ponctuelle, qui n'a pas de caractère permanent.

Madame la ministre déléguée, je tiens, à cet égard, à saluer les dispositions de l'article 89 de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la possibilité pour le préfet, après avis de la commission consultative départementale, d'appliquer un taux maximal de subvention de 100 % du montant des dépenses engagées dans le délai légal, dans la limite du plafond de dépense « subventionnable ».

Toutefois, il conviendra de compléter la loi en définissant précisément ce type d'aire selon certains principes que je me permets d'indiquer.

En effet, je souhaite que l'organisation puisse être clarifiée et déclinée comme c'est le cas pour les grands rassemblements religieux, qui relèvent des services de l'État. Il me paraît donc pertinent que chacun des 342 arrondissements de notre territoire puisse disposer d'un terrain pouvant accueillir un maximum de 200 caravanes, suivant la règle d'un hectare pour 50 caravanes. C'est pourquoi je pense que l'organisation doit être confiée à chaque sous-préfecture, en lien avec la collectivité locale qui accueille, selon une procédure stricte et encadrée, alors que malheureusement, en l'état actuel de la législation, celle qui existe est insuffisante.

Par ailleurs, la compétence liée du représentant de l'État dans l'arrondissement et du maire concerné me paraît incontournable. Les demandes motivées par leur caractère cultuel ou économique devraient répondre à un certain nombre de normes infranchissables et être adressées au représentant de l'État par les organisateurs au moins deux mois avant le stationnement envisagé. Chaque groupe devrait avoir un référent responsable et identifié, engageant sa responsabilité civile et pénale, sur une période donnée ne pouvant dépasser quinze jours.

L'autorisation de stationnement pourrait prendre la forme d'un arrêté préfectoral et intervenir à la suite de la signature d'une convention entre les différentes parties.

Les infrastructures, n'ayant pas de caractère permanent, pourraient se limiter aux équipements nécessaires à l'alimentation en eau potable, en électricité, à la collecte des ordures ménagères, ce qui présenterait l'avantage d'avoir un coût moindre et serait donc incitatif pour les collectivités. Les tarifs seraient abordables, dans la mesure où le financement serait, pour partie, assuré par l'État. Il est entendu que ces aires devront être accessibles aux services publics de proximité.

Je tiens à préciser que les associations de gens du voyage, avec lesquelles nous travaillons dans le cadre de la commission précitée, partagent cette vision des choses. La création d'aires de grands passages permettrait d'accélérer le processus engagé, et ce à moindre coût. C'est ce que nous recherchons tous, à condition bien sûr que les exigences d'un confort minimal soient respectées.

Aussi, je crois fermement qu'une organisation encadrée des grands passages par les services de l'État serait de nature à rationaliser les équipements, à limiter le financement et les budgets de fonctionnement, donc à garantir l'équilibre du dispositif.

J'ai bien conscience de l'image négative qu'ont les élus et nos concitoyens des gens du voyage. Toutefois, seule la réalisation d'aires d'accueil permanentes aménagées permettra d'empêcher le stationnement illicite et d'identifier précisément les réalités quotidiennes de cette population pour permettre sa réelle insertion au sein de la République.

À ce titre, qu'il me soit permis de rappeler que les quelque 400 000 gens du voyage sont des citoyens français à part entière et qu'il nous appartient de ne pas les laisser sur le bord de la route - expression doublement adéquate en l'occurrence - au risque d'entretenir sinon un système parallèle.

Aussi, nous devons renforcer le sentiment de citoyenneté chez les gens du voyage. À ce sujet, je veux rappeler le problème de leur inscription sur les listes électorales, donc de leur droit de vote. Dans la mission qui est la vôtre, madame la ministre déléguée, vous comprenez bien l'importance que revêt le « donnant-donnant » pour la Commission nationale consultative des gens du voyage. En effet, un certain nombre de points doivent évoluer. Ainsi, par exemple, les jeunes gens du voyage constatent que leurs camarades sédentaires âgés de dix-huit ans sont inscrits d'office sur les listes électorales, alors qu'eux-mêmes doivent apporter la preuve de leur rattachement à une commune pendant trois années consécutives pour avoir droit à leur inscription sur les listes.

Concernant le soutien financier apporté par l'État, tant dans la création que dans la gestion, je salue une nouvelle fois le sérieux et l'efficacité avec lesquels vous avez traité ce point, madame la ministre déléguée. Il est nécessaire de développer, parallèlement, tous les moyens incitatifs à destination des élus et de ne pas se focaliser sur des dispositifs contraignants.

En conclusion, gardons à l'esprit que le respect des devoirs de chacun préserve les droits de tous. Une nouvelle fois, madame la ministre déléguée, je souhaite saluer les moyens que vous mettez à la disposition de cette action. Sachez que, bien entendu, je voterai les crédits inscrits dans ce projet de budget.

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