Pour conclure sur ce point, j'aimerais dénoncer le mauvais procès que certains font aux aides personnelles, lesquelles auraient un coût trop élevé pour la collectivité. Certes, elles sont coûteuses, mais, au-delà de l'approche strictement financière, c'est en toile de fond l'incapacité des pouvoirs publics à maîtriser les loyers et à réguler le marché qui est en cause.
Ce débat souligne en tout cas que l'enjeu central est celui du développement d'une offre de logement accessible, mais diversifiée, c'est-à-dire correspondant à l'ensemble de la demande sociale.
Or, si je reconnais volontiers que le rythme de la construction s'est amélioré, la structure des logements financés est loin de correspondre aux besoins des ménages qui en ont le plus besoin. Ainsi, madame la ministre déléguée, vous projetez en 2007 la construction de 37 000 logements PLS contre seulement 6 500 logements PLA-I, alors que les deux tiers des demandeurs ont des ressources inférieures à 60 % des plafonds PLUS.
Cette tendance inquiétante n'est d'ailleurs pas nouvelle et elle devrait s'accentuer avec la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale. Notre collègue Valérie Létard indique ainsi dans son rapport que la part des logements financés par des PLS, c'est-à-dire des logements intermédiaires, est passée de 9, 7 % en 2000 à près de 30 % en 2005 et devrait même atteindre 40 % en 2008 et en 2009.
En outre, l'attribution de ces logements est trop faiblement encadrée pour les bailleurs privés. Si la première attribution est contrôlée, qu'en est-il ensuite ? Les difficultés de suivi risquent d'en faire des logements sociaux bien éphémères.
Quoi qu'il en soit, le nombre exorbitant de demandeurs de logement en attente - plus d'un million - appelle une mobilisation d'urgence en faveur d'un logement social à bon marché.
Dans le cadre de la loi portant engagement national pour le logement, nous avions été nombreux, à gauche et à l'UDF, à proposer d'affecter un coefficient supérieur aux logements PLA-I ou PST, pour inciter les communes qui entrent dans le champ de l'article 55 de la loi SRU à en construire.
Il nous a été opposé toute une batterie d'arguments, qui traduisent, au fond, le refus pur et simple de faire participer plus de communes aux efforts de mixité sociale. Malheureusement, ce principe semble en panne : sur les 740 communes concernées par l'application de la loi SRU, un tiers ont réalisé moins de 50 % de leurs objectifs et près d'une centaine n'ont strictement rien entrepris pour rattraper leur retard. Ce sont finalement les communes disposant déjà du plus fort taux de logements sociaux qui supportent l'effort de construction, masquant l'incurie des autres.
Une récente enquête menée par TNS-SOFRES l'a montré, une grande majorité de Français, surtout des sympathisants de droite, ont bien du mal à accepter l'idée que la mixité sociale se fasse dans leur environnement immédiat : cela ne devrait pas inciter certains élus à faire « chauffer » les pelleteuses... Pire encore, lors de l'examen du projet de loi ENL, nous avons dû batailler ferme pour empêcher le « détricotage » de l'article 55 de la loi SRU par la majorité.
Pour en revenir à ce projet de budget, je constate aujourd'hui la mutation du financement de la politique du logement, lequel s'oriente en effet de plus en plus vers des aides fiscales et implique toujours davantage les partenaires de l'État, notamment les collectivités territoriales et le 1 % logement.
Je ne suis pas opposé, par principe, aux dépenses fiscales, à condition que leur efficacité fasse l'objet d'une évaluation annuelle et qu'elles ne profitent pas exagérément aux plus favorisés. Or, comment justifier la réduction des aides à la personne, alors qu'explosent, dans le même temps, les avantages fiscaux accordés, sans contrepartie, aux investisseurs privés ?
Ainsi le coût du dispositif « Robien » est-il estimé à 400 millions d'euros en 2007, contre 300 millions d'euros l'année dernière. Ses effets pervers sur la construction de logements sociaux ne sont plus à démontrer. En favorisant notamment la hausse des prix, ce dispositif aura contribué, avec l'aide de l'État, à fabriquer une autre ségrégation sociale, par l'éviction des pauvres de toutes les zones urbanisées marquées par cette mécanique inflationniste.
Quant aux nouveaux dispositifs « Borloo », ils contiennent, certes, une contrepartie, mais ne répondent en rien aux besoins en logement des plus démunis puisqu'ils favorisent le parc locatif privé à loyers intermédiaires.