Intervention de Maurice Blin

Réunion du 1er décembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Maurice BlinMaurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer de tirer le meilleur parti possible du peu de temps qui m'est imparti, ce qui n'est pas une tâche facile.

Le budget qui nous est proposé est le premier qui suit l'adoption de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Il est d'ailleurs, constatons-le d'emblée, en étroite continuité financière avec elle, ce dont il convient de se féliciter. Avec 21, 3 milliards d'euros de crédits de paiement, soit plus 2, 6 % à périmètre constant par rapport à 2006, il en respecte en effet les dispositions.

En outre, il confirme la progression du financement de la recherche par l'État jusqu'en 2010, disposition obtenue grâce à un amendement de la commission spéciale présidée par M. Jacques Valade et dont j'avais eu l'honneur d'être co-rapporteur.

Cette hausse s'équilibre entre, premièrement, la progression du budget des opérateurs traditionnels, que symbolise l'augmentation des crédits de la Mission interministérielle de la recherche et de l'enseignement supérieur, la MIRES, deuxièmement, le développement de la recherche par projets, fait nouveau, par l'intermédiaire de l'ANR et d'OSEO-ANVAR, enfin, troisièmement, l'encouragement à la recherche privée au moyen d'incitations fiscales, en particulier grâce au crédit d'impôt recherche.

Elle a aussi un autre mérite, et il n'est pas moindre : la relative rapidité avec laquelle ont été mis en place les organismes, qu'il soit nouveau, tel l'ANR, ou renouvelé, tel l'OSEO-ANVAR, organismes au travers desquels s'exprime le respect des étapes qu'impose une recherche digne de ce nom, c'est-à-dire soucieuse en même temps d'efficacité et d'économie, à savoir l'orientation, la sélection et, surtout, l'évaluation.

Cette dernière sera confiée à l'Agence de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'ARES, dont le décret fondateur vient enfin d'être publié. Son rôle est à la fois le plus délicat et le plus nécessaire : délicat, car toute recherche peut demander du temps, et le résultat, par définition, est incertain ; nécessaire, car un pays d'importance moyenne comme le nôtre ne peut lui consacrer que des ressources limitées. Cette recherche ne peut donc échapper, je le répète, et on ne le dira jamais assez, au principe d'économie.

Il reste, pour ceux qui s'en soucient, que l'augmentation de 3, 5 % des crédits affectés aux grands organismes publics de recherche comme le CNRS, l'INSERM, le CEA, et beaucoup d'autres, témoigne de la volonté du Gouvernement de sauvegarder la recherche à plus long terme.

En outre, et je tiens à le dire tant cet élément me paraît important dans cet ensemble de dispositions, certains de ces organismes explorent la voie qui permettra demain de rapprocher - faut-il dire enfin ? - recherche et enseignement. Elle mettra progressivement un terme à la lourdeur d'un système, singularité bien française, qui cumule à la fois le statut de « chercheur à vie » et le manque d'emplois sur lequel butent trop de post-doctorants. À l'image de ce qui se pratique depuis longtemps en Grande-Bretagne et aux États-Unis, le contrat négocié relaiera le statut.

Certes, le pacte pour la recherche garde des ombres, comporte des paris que le temps seul pourra lever. Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, qui réunissent l'État, l'entreprise privée et l'université ne se mettent que lentement en place. La part des PME dans la répartition des crédits de recherche est encore bien modeste, à l'inverse de celle des grands organismes publics qui se taillent la part du lion, et sont dominants.

La voie ouverte par vos soins, monsieur le ministre, reste donc, pour le moment, étroite. Mais elle devrait s'élargir dans la mesure où l'opinion a désormais pris conscience du rôle capital que la recherche jouera demain dans l'avenir du pays. À condition aussi que la multiplicité, la complexité des organismes qui auront à la gérer n'alimentent pas une bureaucratie qui l'étoufferait.

J'en viens à l'examen des programmes que j'avais à vous rapporter.

Le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » finance les grands organismes publics auxquels je viens de faire allusion. La hausse de leurs crédits montre - je le redis pour répondre à certaines inquiétudes qui se sont manifestées dans le monde des chercheurs - que la recherche « traditionnelle » par organismes et la recherche « nouvelle » par projets ne s'opposent pas, mais s'appuient et se relaient.

En revanche, le programme « Orientation et pilotage de la recherche » pose problème. En effet, conformément aux recommandations du Comité interministériel d'audit des programmes, le CIAP, ce programme a été amputé des crédits destinés au paiement des allocations de recherche. Ceux-ci figureraient à présent dans le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ».

Or, le programme « Orientation et pilotage de la recherche » ne dispose paradoxalement ni des dépenses de personnel de la Direction générale de la recherche et de l'innovation, ni, surtout, des crédits d'intervention de l'ANR, soit environ 825 millions d'euros, puisque cette agence doit être financée par une affectation d'impôt.

En conséquence, les crédits de ce programme ne représentent plus que 0, 6 % des crédits de la mission, alors même que ses objectifs, très ambitieux, pourraient être ceux de la mission tout entière.

Cette disposition est, à l'évidence, contraire au principe de la LOLF ; je pense que vous en conviendrez, monsieur le ministre. De plus, des programmes de trop petite taille enlèvent, en pratique, tout pouvoir aux gestionnaires de ce programme.

C'est pourquoi je vous proposerai, mes chers collègues, un amendement visant tout simplement à supprimer ce programme et à transférer ses crédits vers le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Cet amendement n'a, certes, qu'une portée symbolique, mais elle est forte, car il est indispensable que le Parlement rappelle à l'exécutif, à temps et à contretemps s'il le faut, le respect d'une règle qui vise à établir clarté et transparence dans l'élaboration et le contrôle de la dépense publique.

À propos du programme « Recherche dans le domaine de l'énergie », se pose une question simple, monsieur le ministre. L'an dernier, j'avais proposé, au nom de la commission des finances, un amendement tendant à réduire de 5 millions d'euros la subvention de l'État à l'Institut français du pétrole, organisme très performant, à la notoriété internationale reconnue, et qui bénéficie de la confiance et de l'appui des compagnies pétrolières dont les ressources ont, on le sait, augmenté.

J'avais retiré cet amendement à la suite de l'avis défavorable du Gouvernement. Je suis donc très surpris de constater que le même gouvernement propose, un an plus tard, une disposition qu'il avait combattue hier. J'aimerais, monsieur le ministre, en connaître la raison.

Le programme « Recherche industrielle » appelle, quant à lui deux remarques.

Tout d'abord, le financement d'OSEO-ANVAR est peu clair, car il passe par de multiples circuits. Par ailleurs, nous aurons, au début de l'année 2007, une audition pour suite à donner à une enquête de la Cour des comptes que le président Jean Arthuis avait sollicitée en son temps au sujet des derniers exercices de l'EPIC ANVAR et de sa transformation en OSEO-ANVAR.

Ensuite, s'agissant de l'Agence de l'innovation industrielle, ses crédits d'intervention jusqu'en 2007 ont fait l'objet, fin 2005, d'un versement unique de 1, 7 milliard d'euros par le compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État ». Au-delà de l'année prochaine, la pérennité des crédits de cette agence n'est donc pas assurée.

Ma dernière observation concerne un sujet difficile, celui des liens en matière de recherche entre le militaire et le civil. L'an dernier, il avait été traité d'une façon très simpliste et en quelque sorte pour la forme : 200 millions d'euros avaient été affectés à deux organismes, le CNES et le CEA, et à eux seuls. J'avais alors déploré cette logique de guichet qui aboutissait en réalité à abonder tout simplement les budgets de ces deux grandes maisons.

Or, en 2007, la situation reste inchangée. Pourquoi ? Le croisement entre recherche militaire et recherche civile, délicat, je le reconnais, en France et ailleurs, s'imposerait d'autant plus que, de l'espace à l'atome, celles-ci ont la même finalité : la sécurité.

Sous le bénéfice de ces observations et compte tenu de l'amendement de principe évoqué plus haut, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à voter le budget de la recherche pour 2007.

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