Intervention de Michel Dreyfus-Schmidt

Réunion du 21 novembre 2007 à 15h00
Réforme de la prescription en matière civile — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Michel Dreyfus-SchmidtMichel Dreyfus-Schmidt :

Je vous laisse la responsabilité de cette observation. En tout cas, cela les intéressait beaucoup.

Mieux : le droit pénal reste aujourd'hui totalement en dehors de la proposition de loi dont nous discutons et que - je le dis d'emblée - le groupe socialiste votera, sous réserve d'un amendement que nous avons déposé et que j'évoquerai tout à l'heure.

Ce ne serait pas le cas, monsieur Zocchetto, si nous parlions de la prescription pénale.

En ce domaine, les choses ont été rendues de plus en plus compliquées. Le point de départ a été retardé, la durée allongée, et cela soulève des questions de preuves, ainsi que le groupe socialiste n'a cessé de le dire. Là aussi, les délais sont trop longs : on ne peut plus rien prouver ! Vous l'avez souligné à propos de ce projet de loi, mais c'est également vrai en matière pénale, même si, je le répète, ce n'est pas aujourd'hui le domaine qui nous occupe.

Dès 1996, aux Presses Universitaires de Toulouse, le professeur Alain Bénabent stigmatisait - c'est le titre de son ouvrage - Le chaos du droit de la prescription extinctive. En 2004, Mme la professeure Fauvarque-Cosson publiait des Variations sur le processus d'harmonisation du droit à travers l'exemple de la prescription extinctive et, la même année, Mme la professeure Lasserre-Kiesow intitulait sa réflexion au Jurisclasseur : « La prescription, les lois et la faux du temps ».

Il faut encore noter que, conformément aux voeux émis par le Président de la République Jacques Chirac - éminent spécialiste en matière de prescription, mais plus en matière pénale qu'en matière civile ! -lors des célébrations du bicentenaire du code civil, le 11 mars 2004, une commission d'universitaires dirigée par le professeur Pierre Catala a élaboré un avant-projet de réforme du livre III du titre III du code civil intitulé : « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général ».

En ce qui concerne la prescription, l'avant-projet de réforme a été officiellement remis le 22 septembre 2005 au garde des sceaux, à l'époque M. Pascal Clément, et a fait l'objet, en Sorbonne, d'un important colloque de présentation, le 25 octobre 2005.

En ce qui concerne encore la prescription, c'est le professeur Malaurie qui a signé l'exposé des motifs de l'avant-projet de réforme concernant le titre XX du livre troisième du code civil.

Sur la base de tous ces éléments, la mission d'information de la commission des lois du Sénat s'est mise au travail, conduite par le président Jean-Jacques Hyest, accompagné de nos collègues Hugues Portelli et de Richard Yung. Cette mission d'information a procédé à de nombreuses auditions entre février et juin 2007. Ses travaux sont à l'origine du dépôt de la proposition de loi de M. Hyest que nous examinons aujourd'hui : vous voyez qu'elle était, si j'ose dire, dans l'air du temps.

Comme vous l'avez entendu, cette proposition de loi prévoit la réduction de la durée et du nombre des délais de la prescription extinctive, la simplification et la clarification des modalités de décompte de cette prescription, enfin l'extension encadrée de ses possibilités d'aménagement contractuel. À ce titre, le texte adopté par la commission permet aux parties à un acte juridique d'allonger, dans la limite de dix ans, ou de réduire, dans la limite d'un an, la durée de la prescription, avec possibilité d'ajouter aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription.

C'est ce dernier point qui a suscité nos réserves : nous craignions en effet que la loi ne cesse ici de protéger le faible contre le fort, pour reprendre l'expression de Lamennais. Ce souci avait déjà incité le rapporteur, notre collègue Laurent Béteille, puis la commission, à prohiber toute possibilité d'aménagement contractuel dans le cadre des contrats d'assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.

C'est pourquoi nous avons aussi déposé un amendement, que la commission des lois a bien voulu adopter ce matin, tendant à rendre inapplicables ces dispositions d'aménagement conventionnel aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, loyers et charges locatives afférents à des baux d'habitation, et fermages.

Un salarié peut réclamer cinq ans de salaires non payés ; de même, les loyers non payés se prescrivent par cinq ans s'ils ne sont pas réclamés. C'est actuellement le droit et cela doit le rester. En effet, il ne faudrait pas que l'employeur puisse imposer au départ à son salarié un délai de prescription inférieur à cinq ans, ni que le bailleur professionnel ait la possibilité d'imposer à ses locataires un délai supérieur à cinq ans.

Comme je l'ai dit et sous réserve de l'adoption de notre amendement, le groupe socialiste votera la proposition de loi dans la rédaction résultant du rapport de notre collègue Laurent Béteille.

Je voudrais, en conclusion, vous faire part d'un regret : l'article 2279 du code civil disparaît...

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