Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de me féliciter de la tenue de ce débat et d'adresser mes remerciements à M. Christian Poncelet, président du Sénat, et à M. Michel Mercier, président du groupe UC-UDF, qui ont soutenu ma proposition de débattre dans notre assemblée des enjeux de la recherche en milieu polaire, alors que se déroule la quatrième année polaire internationale et que notre pays a engagé une grande révision de nos politiques à l'aune du développement durable.
Permettez-moi ensuite de souligner que la formule des questions orales avec débat, qui est propre à la Haute Assemblée, est particulièrement intéressante au moment où M. le Président de la République a souhaité engager une réflexion sur la réforme de nos institutions, et singulièrement sur le renforcement du rôle du Parlement. En effet, ce débat est organisé dans le cadre de l'ordre du jour réservé, qui est réparti entre les groupes politiques. Il est remarquable de noter que le Sénat a décidé d'en consacrer une part significative à des travaux de contrôle du Gouvernement et tout particulièrement de suivi des propositions des rapports parlementaires, soulignant combien notre assemblée - M. le président du Sénat aime à le rappeler - a pour « seconde nature » d'exercer un contrôle approfondi des politiques publiques.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'inscrit pleinement dans cette démarche en s'appuyant sur une méthodologie rigoureuse, inspirée des meilleures pratiques internationales. Ainsi, le rapporteur peut recourir, comme dans les comités scientifiques d'évaluation, à la contribution d'experts étrangers. Il peut également organiser des auditions publiques contradictoires ouvertes aux citoyens.
En outre, tout comme la commission des finances de notre assemblée, l'Office est également soucieux des effets de ses travaux. Là aussi, nous inspirant de l'évaluation des travaux scientifiques, nous mesurons l'audience d'un rapport au travers du nombre des citations dans les publications de référence.
L'Office est surtout soucieux du suivi de ses travaux et de la mise en oeuvre de ses préconisations. Dès lors, il apparaît légitime, comme cela a déjà été réalisé pour plusieurs rapports de cette instance, d'interroger le Gouvernement sur les suites qu'il a apportées ou qu'il compte donner aux propositions du rapport sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire, quasiment huit mois jour pour jour après sa présentation.
À cet égard, madame la ministre, je voudrais tout d'abord vous interroger sur la prise en compte, sur le fond, des enjeux de la recherche en milieu polaire comme contribution de la science au développement durable. Puis je souhaiterais que vous nous indiquiez comment le Gouvernement compte mieux prendre en considération le caractère stratégique des régions polaires et de ce qui s'y déroule, notamment en matière scientifique.
Je souhaite souligner combien toute mesure nouvelle en matière de développement durable ne peut se concevoir sans une articulation étroite avec une recherche fondamentale de long terme, tout particulièrement avec la recherche menée dans les milieux polaires.
J'insiste ici sur la recherche en milieu polaire, car ce sont en grande partie les découvertes réalisées aux pôles qui expliquent la prise de conscience d'aujourd'hui.
En effet, le legs est considérable.
D'abord, la découverte de l'affaiblissement de la couche d'ozone a eu lieu en Antarctique en 1987.
Ensuite, la reconstitution du climat sur les 800 000 dernières années, la mise en évidence du réchauffement et la démonstration de la responsabilité de l'homme ont également été réalisées à partir des forages glaciaires effectués au Groenland et en Antarctique.
Enfin, les travaux scientifiques ont pu mesurer précisément l'effet exponentiel d'une hausse de la température. Ainsi, une hausse de seulement 0, 3 degré entraîne une diminution de 10 % de certaines populations de manchots.
Mais permettez-moi de mentionner un exemple moins connu pour illustrer la contribution au développement durable de la recherche fondamentale effectuée en milieu polaire et plus spécialement la combinaison des recherches relatives au climat avec celles qui concernent la biodiversité pour mieux comprendre les enjeux d'aujourd'hui.
À I'époque où l'on croyait encore au « bon sauvage », Maupertuis écrivait ceci : « Je préférerais une heure de conversation avec un indigène de la Terra australis incognita plutôt qu'avec le plus grand savant d'Europe. » Je vous propose donc d'en rencontrer un spécimen, en l'occurrence le pétoncle austral. Celui-ci appartient à la même famille que la coquille Saint-Jacques, mollusque bien connu de nos régions et, surtout, de nos assiettes.