Intervention de Pierre Mauroy

Réunion du 17 février 2005 à 9h30
Modification du titre xv de la constitution — Vote sur l'ensemble, amendements 13 2

Photo de Pierre MauroyPierre Mauroy :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue du débat de bonne tenue que nous venons d'avoir sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, la majorité des sénateurs socialistes votera ce texte. Je dis « la majorité », car vous avez pu constater qu'un certain nombre d'entre nous ont exprimé une position différente dans la discussion générale - Jean-Pierre Masseret a exprimé cette tonalité - et dans le débat sur les amendements. Ils ont décidé de s'abstenir au moment du vote, conformément à la décision qui a été prise par le parti socialiste, décision qui s'est d'ailleurs appliquée à l'Assemblée nationale.

Vous connaissez nos modalités de fonctionnement : elles impliquent la discipline de vote, mais nous avons estimé que la perspective du référendum relevait de dispositions particulières.

Nous voterons ce texte, mes chers collègues, car il est un préalable à l'adoption du traité constitutionnel européen, que les socialistes approuvent dans leur large majorité ; notre position de ce matin est donc cohérente avec le choix démocratique fait par les adhérents du parti socialiste lors de leur référendum interne du 1er décembre dernier.

Nous voterons ce texte, bien que nous regrettions vivement que nos amendements n'aient pas été retenus, notamment l'amendement n° 13 portant suppression de l'article 2 du projet, pour lequel j'ai été l'interprète de notre président de groupe, Jean-Pierre Bel, pour souhaiter un scrutin public.

Il est apparu, dans le débat sur cet article, qu'un certain nombre d'entre vous s'interrogeaient sur sa pertinence au regard de nos principes juridiques concernant les pouvoirs du président de la République et ceux du Parlement. En effet, au détour de la nécessaire révision constitutionnelle, on nous propose, pour des raisons de pure opportunité liée à la question de l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne - qui ne devrait d'ailleurs pas être posée ici -, de lier par anticipation les pouvoirs constitutionnels des futurs présidents de la République et de restreindre les prérogatives du Parlement, alors que nous souhaitons, au contraire, les élargir.

Cette démarche est grave. J'ai la conviction que les dispositions de l'article 2 seront contestées, qu'on les regrettera plus tard et que le Sénat se serait honoré de s'y opposer ! Il ne l'a pas fait ; nous en prenons acte et nous le regrettons. De même, nous regrettons que le Sénat se soit opposé aux différents amendements que nous avons proposés.

Toutefois, nous voterons ce texte, car, comme l'a rappelé Bernard Frimat, si le traité n'est pas parfait, il ne comporte aucun recul par rapport aux traités précédents. Robert Badinter a démontré en quoi il était incohérent de se focaliser sur la question de la Turquie, qui n'a rien à voir avec le traité constitutionnel.

Pour ma part, j'ai rappelé que les socialistes approuvent le traité constitutionnel parce que l'identité européenne est consubstantielle à l'identité socialiste. Par ailleurs, le traité repose sur des principes fondamentaux - qui ont rassemblé les pères fondateurs du projet européen, ceux qui les ont suivis et, aujourd'hui, les jeunes générations -, à savoir la paix, avec la réconciliation franco-allemande devenue la pierre angulaire de la construction européenne, le retour de la géographie dans une Europe défigurée par le rideau de fer, le modèle politique, social, économique et culturel européen qui a irrigué le monde, un projet politique fondé sur la démocratie, la liberté, le respect des droits de l'homme, et l'Etat-providence que, malgré ses difficultés actuelles, bien des peuples au monde nous envient !

Mais notre « oui » est aussi un « oui » socialiste, qui ne peut se confondre avec l'approbation de la politique économique et sociale menée par le gouvernement de M. Raffarin. Nous condamnons fermement cette politique qui remet en cause les 35 heures et qui conduit à la hausse du chômage et à la baisse du pouvoir d'achat. Le Premier ministre a d'ailleurs reconnu devant vous que les motivations des uns et des autres pour approuver le traité signé par les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement européens, étaient naturellement différentes. Par conséquent, la droite a ses raisons et nous, socialistes, avons les nôtres ; nous avons surtout la volonté de poursuivre notre combat dans tout le pays. C'est ce qui me paraît essentiel.

Nous approuvons enfin le traité parce qu'il n'obère pas l'avenir de l'Europe, notamment de l'Europe sociale, et qu'il dépendra uniquement des peuples souverains et de la réalité politique du Parlement européen qu'elle soit demain plus solidaire, plus démocratique, moins soumise au libéralisme dominant actuellement, plus forte économiquement et porteuse d'un message universel de paix.

Je me permets d'ajouter que la construction européenne née au lendemain de la guerre est une grande idée du XXe siècle. Nous voulons la poursuivre pour installer un continent européen fort de ses 400 millions d'habitants et servir nos idéaux de liberté, de paix et de justice sociale.

Voilà pourquoi, monsieur le président, les sénateurs du groupe socialiste dans leur majorité voteront le projet de loi constitutionnelle.

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