Intervention de Philippe Nachbar

Réunion du 28 octobre 2009 à 14h30
Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Philippe NachbarPhilippe Nachbar, rapporteur pour avis :

Le texte qui nous est présenté est équilibré, car, en contrepartie de la libéralisation de l’activité des ventes volontaires, il offre des garanties importantes au public : mesures de publicité en cas d’intervention d’un salarié, dirigeant ou associé d’un opérateur, information relative au délai de prescription des ventes, à l’intervention des experts dans l’organisation de la vente et aux garanties que ces derniers doivent souscrire en matière d’assurance, et, enfin, éclairage du public sur les prestations de courtage aux enchères par voie électronique. Nos textes doivent évidemment s’adapter aux progrès ô combien rapides de la technologie !

Il faudra que notre assemblée soit vigilante sur les textes d’application et sur la nécessaire publicité qui devra être apportée au public en matière de ventes électroniques. En effet, dans ce domaine aussi, la technique devance souvent le droit, au détriment des consommateurs.

Le Conseil des ventes volontaires, dont le rôle d’autorité de régulation a été précisé, devra en outre contribuer à garantir la moralité des acteurs de ce marché en identifiant les bonnes pratiques et en assurant la promotion de la qualité des services.

À cet égard, la commission de la culture a présenté deux amendements.

Le premier vise à identifier plus clairement le rôle d’observateur du marché de l’art joué par le Conseil des ventes volontaires, instance que nous souhaitons voir dépasser sa mission de régulateur pour devenir un informateur.

Aux termes du second amendement, que j’ai déposé et que la commission a adopté, le Conseil compterait parmi ses membres au moins un professionnel en activité, afin d’apporter un regard quelque peu différent sur les ventes volontaires.

Je veux également dissiper les inquiétudes qui ont pu se faire jour : il est important d’inclure seulement les biens corporels dans le champ d’application de ce texte relatif aux ventes volontaires. Les craintes qui ont été exprimées auprès de nous ne sont pas fondées : nous ne pouvons imaginer que les biens incorporels, tels que les brevets, les marques, les fonds de commerce – et pourquoi pas, demain, les droits d’auteur ? – soient désormais vendus aux enchères. La présente proposition de loi ne comporte aucune disposition en ce sens. Nous savons très bien que des règles de cession très précises régissent cette matière, qu’il s’agisse du code de commerce ou du code de la propriété intellectuelle.

La commission de la culture a également souhaité amender le texte sur deux autres points.

Le premier concerne le régime de responsabilité des experts, qui est actuellement à deux vitesses – passez-moi l’expression, mes chers collègues –, puisque deux régimes différents coexistent en matière de prescription.

Lorsque l’expert intervient dans le cadre d’une vente volontaire, le point de départ du régime est précis – c’est le jour de la vente – et le délai est de cinq ans.

En revanche, lorsque l’expert intervient hors du cadre des ventes publiques, la prescription s’exerce au bout de cinq ans et son point de départ est « glissant » ; nous connaissons bien cette notion juridique, qui est évidemment plus sensible en droit pénal qu’en droit civil, encore que la responsabilité soit importante en l’occurrence.

La commission de la culture a souhaité aligner les deux régimes, en fixant comme point de départ de la prescription le certificat d’expertise que le professionnel sera tenu de délivrer à l’issue de son intervention et qui, par conséquent, sera daté de façon certaine.

Il s'agit d’une disposition importante. En effet, comme nous l’avons souvent constaté, les professionnels manifestent une très grande prudence dans leurs expertises, par souci de précaution, afin que l’on ne puisse pas leur reprocher une erreur par la suite. De surcroît, les compagnies d’assurance hésitent à les couvrir du risque réel qu’ils encourent.

Le dernier amendement déposé par la commission de la culture vise à limiter aux biens neufs l’interdiction de revente à perte, puisque, par définition, le marché de l’art peut difficilement échapper au caractère fluctuant de la cote des créateurs ou de la valeur des objets mis en vente.

S’il adopte cette proposition de loi, le Parlement aura à l’évidence répondu à une partie des questions soulevées par le rapport Bethenod, que j’évoquais voilà un instant.

D'ailleurs, d’autres propositions qui figuraient dans ce document sont déjà entrées dans le droit commun, notamment en matière fiscale. Je pense, par exemple, à la suppression, pour les objets d’occasion, de la taxe applicable aux produits de l’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie, ainsi que de l’élargissement de la définition des « objets de collection ». Cette disposition a permis, notamment, d’appliquer aux meubles Art déco et Art nouveau le taux réduit de TVA à l’importation et la déductibilité de l’assiette de l’ISF. Mes chers collègues, vous permettrez à un sénateur de Meurthe-et-Moselle, où a fleuri l’école de Nancy, d’être plus sensible que d’autres à cette disposition !

Toutefois, deux autres questions, essentielles pour le dynamisme du marché de l’article français, restent devant nous : le droit de suite et la TVA à l’importation.

Ce sont des sujets communautaires, pour lesquels, par conséquent, nous n’avons pas la maîtrise en matière de réglementation. Cependant, la France doit les aborder avec détermination, en discutant avec ses partenaires européens de l’évolution prévisible du droit de suite, qui est à la fois patrimonial et lié à la rémunération, en même temps que de la TVA à l’importation, car, paradoxalement, nous favorisons l’exportation de nos œuvres d’art et pénalisons l’importation de celles des autres pays.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais aborder devant vous.

Ce texte établit un équilibre entre les intérêts légitimes du marché de l’art, des professionnels et du public. C’est pourquoi la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable à la proposition de loi de nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard, amendée par la commission des lois.

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