Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 28 octobre 2009 à 14h30
Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

L’ampleur de ces montants peut expliquer que certains appétits s’aiguisent face à la perspective d’une libéralisation accentuée des opérateurs de ventes.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dispositif qui nous est aujourd’hui proposé soulève une double question : dans quelle mesure répond-il à l’impératif de préservation d’un réel équilibre des ventes volontaires de biens meubles ? Permet-il de concilier les intérêts de l’ensemble des acteurs concernés, qu’il s’agisse des opérateurs, des propriétaires de biens ou des acheteurs ?

J’en reviens aux deux objectifs des auteurs de la proposition de loi.

Le premier est, je l’ai dit, de mettre notre droit en conformité avec la directive européenne, qui a pour objet de faciliter la liberté d’établissement des prestataires de services et la liberté de circulation. La directive nous impose donc, en théorie, d’abroger le régime d’agrément des sociétés de ventes volontaires par le Conseil des ventes volontaires, de créer un guichet unique pour les procédures et formalités applicables aux prestataires et de supprimer l’obligation pour ces derniers de se constituer sous une forme juridique déterminée et rigide.

La proposition de loi répond à chacun de ces points au travers d’un certain nombre de ses articles. Contrairement à ses auteurs, la commission des lois a décidé, à juste titre, d’ailleurs, de maintenir le Conseil des ventes volontaires comme une autorité de régulation dotée de missions plus concentrées.

À nos yeux, l’urgence, au-delà de la transposition de la directive, est de protéger l’utilisateur du net.

Le présent texte opère une clarification bienvenue entre la vente aux enchères publiques organisée par voie électronique et le courtage aux enchères.

Le développement exponentiel du commerce en ligne constitue l’un des facteurs explicatifs du recul du montant global des ventes volontaires. Les sites dédiés à ce commerce ont fleuri et affichent bien souvent une santé financière inversement proportionnelle à la diminution des recettes des sociétés de ventes volontaires. Ils entretiennent néanmoins une confusion regrettable sur la nature exacte de leur activité. Il existe, en effet, une contradiction entre l’objet qu’ils mettent en avant, c'est-à-dire la vente aux enchères, et le régime juridique qui leur est effectivement applicable, celui du courtage. Cela se fait au détriment des utilisateurs, qui, en cas de pratique malveillante – je pense notamment aux « multicomptes » – n’ont guère de moyens pour faire valoir leurs droits.

Le système n’étant pas assez protecteur, nous sommes favorables aux modifications proposées par la commission à l’article 5 : le mandat confié par le propriétaire du bien pour procéder à sa vente doit rester un élément fondamental de la vente volontaire, de même que l’adjudication au mieux-disant des enchérisseurs ; en l’absence de ces deux éléments, l’exigence d’information est accrue et le droit de la consommation s’applique.

Le second objectif des auteurs de la proposition de loi est, je le rappelle, de doter notre pays de nouveaux outils pour lui permettre de préserver sa place, voire de la développer, dans le marché mondial des ventes aux enchères.

L’exercice est difficile, puisqu’il consiste à rechercher un équilibre qui sera forcément fragile, de par la disparité observée non seulement entre les professions concernées, mais aussi à l’intérieur de chacune d’elles. L’alignement systématique sur le dispositif anglo-saxon n’est certainement pas la panacée.

La loi du 10 juillet 2000 a conduit à une concentration du secteur pour le moins ambivalente. Les deux grandes sociétés de ventes britanniques ont largement su profiter de la brèche qu’elles attendaient depuis longtemps pour se placer en tête du montant de ventes volontaires. Drouot a réussi à conserver son rang, tout en accueillant Sotheby’s et Christie’s dans son actionnariat. D’autres sociétés interviennent dans des domaines très spécialisés. Cependant, derrière elles, nombre d’offices de commissaires-priseurs de province ont été forcés d’aliéner leur indépendance pour pouvoir survivre. Cela a été rappelé, la France est en recul continu. Le déséquilibre économique du secteur est donc patent.

Pour autant, les solutions proposées sont-elles pleinement satisfaisantes ?

Il apparaît, d’abord, que la libéralisation soutenue suscite une lutte d’influence entre les différentes catégories d’opérateurs. Assouplissement des conditions de vente de gré à gré des biens non adjugés, droit nouveau pour les commissaires-priseurs judiciaires de procéder à des ventes de gré à gré de biens meubles en qualité de mandataires, abrogation du monopole des courtiers en marchandises assermentés, limitation du droit de vente volontaire des huissiers et notaires, voilà un ensemble de mesures susceptible d’entraîner une grande confusion sur le marché des ventes, tant l’ouverture ainsi programmée risque de ne permettre qu’à un nombre restreint d’opérateurs de tirer leur épingle du jeu. Cette concurrence fera des dégâts, car l’appât du gain peut tout emporter sur son passage.

À cela s’ajoute l’impérieuse nécessité, rappelée en commission par le président Hyest, de moderniser le régime fiscal des ventes aux enchères, étant entendu que modernisation ne rime pas, bien au contraire, avec création de niches.

Madame le rapporteur, vous avez tenu à préserver la profession de commissaire-priseur judiciaire, souhait auquel nous souscrivons totalement, au regard du nombre des acteurs concernés.

Les auteurs de la proposition de loi ont manifestement eu à l’esprit de permettre d’abord une large libéralisation des modalités d’exercice des ventes volontaires, tout en s’appliquant, autant que possible, à renforcer les garanties apportées au public et à ne pas trop bousculer ceux qui, attachés à leur corporatisme, sont les chantres de la concurrence chez le voisin, mais pas dans leur jardin !

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