Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet important, celui de la place de la France sur le marché de l’art et de la culture.
En 2000, la réforme ayant conduit à différencier les ventes aux enchères judiciaires et les ventes aux enchères volontaires avait été très largement dictée par la société commerciale anglo-saxonne Sotheby’s, laquelle avait saisi, dès le 1er octobre 1992, la Commission européenne au motif de l’incompatibilité de la réglementation française avec le principe de la libre prestation des services consacré par l’article 59 du traité de Rome. En conséquence, le 16 mars 1995, la France avait été mise en demeure par la Commission européenne d’adapter sa législation relative à l’organisation des ventes volontaires et à la profession de commissaire-priseur.
Aujourd’hui, la proposition de loi de MM. Marini et Gaillard franchit une étape supplémentaire, en appliquant, cette fois-ci, la directive « services » – devenue célèbre sous le nom de directive « Bolkestein » – à l’activité des ventes volontaires aux enchères.
Les quarante articles de la proposition de loi visent, selon les auteurs eux-mêmes, à « introduire plus de concurrence et plus de dynamisme sur un marché qui s’est trop longtemps assoupi et qui semble encore souffrir d’une certaine langueur, sans que l’ouverture introduite par la loi du 10 juillet 2000 ait véritablement porté ses fruits ».
Comme en 2000, l’influence des deux grandes sociétés internationales de ventes aux enchères que sont Christie’s et Sotheby’s n’est pas loin. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance des propos de leurs représentants respectifs en France, le premier saluant de grandes avancées, le second se félicitant d’une modernisation du marché attendue depuis longtemps.
En effet, sous couvert de vouloir redynamiser le marché de l’art en France et tout en se référant à la directive européenne comme ligne intangible, ce texte ne semble être qu’une commande de ces deux grandes maisons. Jouissant déjà d’une position de domination absolue – les chiffres cités tout à l’heure par Mme le rapporteur parlent d’eux-mêmes –, elles tireront un énorme profit de la réforme. Elles pourront ainsi obtenir des droits, dont elles disposent déjà à New York ou à Londres, notamment la possibilité d’être mandatées pour vendre de gré à gré, et elles viendront concurrencer directement, sur leur terrain, les galeristes et antiquaires, quelque 15 000 petites entreprises qui maillent le territoire d’une économie artistique et culturelle fort ténue.
Il est donc bien difficile de croire en cette réforme. Non seulement la proposition de loi visant à la mettre en œuvre n’astreint, de fait, à aucune étude d’impact, mais, de plus, les galeristes et les antiquaires, qui brassent pourtant l’essentiel du volume d’affaires du marché, n’ont pas été sérieusement auditionnés. En l’absence d’informations aussi cruciales, il est bien difficile aussi de croire que MM. Marini et Gaillard ont trouvé des réponses précises permettant, en outre, de « redynamiser » le marché de l’art français.