Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, Philippe Marini et moi-même avons rédigé cette proposition de loi avec l’excellente intention de contribuer à la dynamisation du marché de l’art français.
On ne peut qu’être impressionné par le rapport d’Artprice pour 2008 : il annonce que les États-Unis se classent au premier rang mondial du marché de l’art dont ils détiennent 42, 46 %, suivis par la Grande-Bretagne à hauteur de 29, 25 %, qui devance la Chine, laquelle occupe 7, 24 % du marché, précédant la France, dont la part est limitée à 5, 97 % ! Dès lors, on peut s’interroger sur ce marché et sur les ventes qui permettent d’atteindre ces chiffres extraordinaires.
L’analyse du marché de l’art français fait apparaître sa très grande pauvreté en œuvres d’art contemporain et ultra-contemporain. Elles sont parties, pour la plupart, vers les États-Unis, et, pour une petite partie, vers la Grande-Bretagne et l’Allemagne.
Peut-être les cotes extraordinaires des artistes américains, célébrés jusque dans les murs de Versailles, s’effondreront-elles un jour ? Je ne le leur souhaite pas. Qu’on ne me suspecte pas de la moindre mauvaise intention envers l’art ultra-contemporain des États-Unis !
Je tiens à attirer l’attention de nos collègues sur le fait que la situation actuelle découle d’un processus historique. Le marché de l’art était florissant du fait de la richesse de la production artistique en France, avec certains peintres qui venaient de pays étrangers, par exemple d’Europe centrale, d’Allemagne ou d’Espagne. Que l’on aime ou non la production artistique des États-Unis, il n’en demeure pas moins qu’elle est cotée en Bourse et est souvent l’œuvre d’artistes nés hors du territoire américain.
En raison de ses origines historiques, ce phénomène ne saurait être réglé exclusivement par des moyens juridiques. À cet égard, je rejoins d’ailleurs Mme Josiane Mathon-Poinat. Elle n’apprécie pas notre texte, mais elle souligne avec justesse qu’il faudrait, pour commencer, avoir des artistes, les encourager et s’employer à les faire connaître afin qu’ils percent sur le marché international. Sans doute a-t-elle mis le doigt sur la source essentielle de nos difficultés actuelles.
Pour notre part, nous avons fait de notre mieux pour dynamiser le marché de l’art et le rendre compatible avec la directive européenne.
Le moment est venu de rappeler que nos amis américains n’ont pas été complètement innocents dans cette affaire. Dans son très intéressant roman Tu chercheras mon visage, dont le titre original est Seek my face, John Updike, auteur américain récemment disparu, met en scène, sous la forme d’une interview faite par une journaliste, la veuve d’un très grand artiste américain, chef de l’école de New York, dans lequel on reconnaît Jackson Pollock. Cette dernière relate comment, dès 1944, les États-Unis ont tiré parti de l’arrivée sur leur territoire des principaux artistes européens venus y trouver refuge, chassés par la guerre. Les États-Unis ont alors mis en place une véritable politique dont l’intention très claire était de prendre le pouvoir artistique. Aux mains des Anglo-Saxons à présent, celui-ci est à l’origine du pouvoir économique que nous nous efforçons de contenir, mais avec des moyens limités.
Prenant exemple sur la remarquable modestie de M. Philippe Marini, principal auteur de cette proposition de loi, je ne multiplierai pas les amendements, et ce pour deux raisons :
D’une part, même si nous n’étions pas en total accord avec elle, la commission des lois a effectué un travail remarquable, extrêmement précis et calibré au millimètre, dont je tiens à féliciter Mme le rapporteur.
D’autre part, il est impossible d’arriver à une dynamisation complète du marché de l’art, qui est bien différent du marché des marchandises ordinaires ! Le secteur de la production courante souhaite naturellement voir augmenter ses exportations et diminuer ses importations. En revanche, dans le domaine de l’art, si l’on n’exporte pas des œuvres d’art moderne ou ultra-contemporain, ce sont nos trésors nationaux, nos meubles, nos vaisselles, nos peintures détenues par des collectionneurs privés voulant se faire un peu d’argent, qui sont concernés. À ce moment-là, on crie à la perte du patrimoine national. C’est donc une affaire extrêmement délicate.
Il faut agir au mieux pour aider les professions impliquées dans le marché de l’art à se sentir tout à fait à l’aise et à œuvrer dans le respect de la directive européenne, avec une efficacité accrue, mais qui restera toujours limitée.
Je présenterai mes quelques modestes amendements au cours de la discussion des articles.