La commission de la culture souhaite mettre fin à un régime de responsabilité des experts à deux vitesses, qui crée un biais entre le secteur des ventes volontaires et le reste du marché de l’art, et qui peut influencer l’exercice de la profession d’expert.
Deux éléments sont à prendre en considération pour bien comprendre les conséquences de la législation actuelle.
Tout d’abord, la jurisprudence se montre beaucoup plus sévère à l’égard des experts depuis une quinzaine d’années puisqu’elle impose en quelque sorte une obligation de résultat.
Parallèlement à ce durcissement, les compagnies d’assurance refusent d’assurer les experts pour des périodes trop longues, ce qui peut les mettre dans une situation personnelle financière à laquelle ils ne peuvent faire face lorsque leur responsabilité est engagée et qu’il leur est demandé de rembourser des sommes pouvant aller jusqu’à plusieurs millions d’euros.
L’erreur d’expertise peut, je le rappelle, être décelée parce que la connaissance d’un artiste a évolué et que le catalogue raisonné de son œuvre tient compte de découvertes récentes.
La conjugaison de ces phénomènes n’est pas sans conséquences sur le marché de l’art. On peut craindre que les experts exerçant hors du cadre des ventes volontaires n’aient tendance à devenir plus frileux, à prendre moins de risques et à émettre des réserves de façon plus systématique afin d’éviter que leur responsabilité ne soit engagée pendant plusieurs dizaines d’années.
Or de telles réserves ont une incidence sur les prix. Lorsqu’un expert attribue une œuvre non pas à Poussin mais à des élèves du maître, il divise le prix du tableau par cent, voire mille, selon certains spécialistes. Ne risque-t-on pas ainsi de favoriser une valorisation artificielle du secteur des ventes volontaires ?
Évidemment, l’idée de revenir sur la loi du 17 juin 2008 au bénéfice d’une profession suscite des réactions. Il convient bien entendu de garder à l’esprit la protection des droits des vendeurs et des acheteurs face à une profession non réglementée. Cela ne justifie cependant pas que l’on écarte trop rapidement un amendement qui tient compte de la réalité d’une profession et de multiples contraintes pouvant naître d’une situation inéquitable, préjudiciable au bon fonctionnement du marché de l’art.
J’ajoute que la commission de la culture propose d’imposer, en contrepartie de l’extension de ce régime dérogatoire, la délivrance d’un certificat qui introduira un formalisme minimum pour la profession d’expert, et cela ne se voit pas beaucoup aujourd’hui...