Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat de modernisation du Quai d'Orsay, signé au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances s'achèvera en 2008. En trois ans, des progrès considérables ont été accomplis en matière de gestion. À cet égard, je salue le travail des responsables et des agents du ministère des affaires étrangères.
Pour ceux qui, comme moi, sont partisans de donner une priorité forte à notre appareil diplomatique, plutôt que de mener une politique de « réduction de la voilure », c'est la voie de l'avenir : la réforme, encore la réforme, toujours la réforme !
J'ai sur cette réforme une double position.
Je souhaite, d'abord, une intégration accrue des services de l'État à l'étranger, notamment en termes de gestion, sous la responsabilité d'un ambassadeur-préfet qui serait un véritable chef administratif : sur les 780 implantations de l'État à l'étranger, seules 250 sont de la responsabilité du Quai d'Orsay.
Je veux ensuite que soit préservé un réseau diplomatique universel, conforme au rang de notre pays et à son histoire. Cela implique que, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, la France dispose de postes diplomatiques partout dans le monde, sans doute plus que l'Allemagne, moins présente historiquement que notre pays en Afrique.
L'incidence d'une « réduction de la voilure » serait minime sur le plan budgétaire, mais pourrait être lourde sur le plan diplomatique. Cela n'empêche pas de tenir compte des réalités et de revoir d'autres composantes de la présence française ou de redéployer les effectifs vers l'Asie et les pays émergents. C'est sans doute difficile, mais je rappelle que les quinze plus petites ambassades françaises dans le monde représentent près du tiers du coût de la présence diplomatique française en Allemagne et près de la moitié de notre présence en Italie. Ces chiffres sont assez significatifs.
En matière de réforme, il nous faut éviter les faux-semblants. Ainsi, je ne veux pas surestimer l'intérêt budgétaire d'implantations communes franco-allemandes. Certes, leur intérêt diplomatique peut être avéré, mais je crains qu'elles n'introduisent une complexité génératrice de difficultés compte tenu des différences culturelles qui existent entre nos deux pays.
Pour préserver un outil unique de rayonnement et d'influence, il vous faut, monsieur le ministre, maîtriser des tensions fortes sur la dépense : je veux parler des contributions internationales.
À ce titre, 580 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances, mais 800 millions d'euros sont attendus, en prenant notamment en compte l'opération de maintien de la paix au Darfour. C'est près de deux fois le coût de notre réseau diplomatique.
J'ai signalé cette sous-budgétisation et le ministre du budget nous a annoncé que le Gouvernement était prêt à augmenter la dotation. J'attendais un amendement à cette fin. Monsieur le ministre, vous nous direz ce qu'il en est.
Les dépenses liées aux contributions internationales ont vocation à être maîtrisées
Entre 2000 et 2008, le montant des contributions obligatoires de la France a crû de 56 %, Les opérations de maintien de la paix, les OMP, expliquent une large part de la hausse. Mais, hors OMP, les cotisations de la France en tant que membre des institutions internationales sont passées de 364 millions d'euros en 2000 à 441 millions d'euros en 2008, soit une augmentation de 77 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable.
De ce point de vue, je m'inquiète de ne trouver dans les projets de loi de ratification des conventions internationales, contrairement aux engagements du ministère, aucune étude d'impact budgétaire crédible présentée au Parlement. Je rappellerai l'exemple récent de la loi du 23 novembre 2007 relative à l'accord de Cotonou sur le cadre financier pluriannuel 2008-2013 des aides de la Communauté européenne aux pays ACP - Afrique, Caraïbes et Pacifique -qui ne contenait aucune étude d'impact fiable.
Je veux évoquer maintenant les tensions fortes qui pèsent sur l'enseignement français à l'étranger, les écoles, pour lesquelles la subvention est de 291 millions d'euros, et les bourses, pour lesquelles la subvention est de 67 millions d'euros.
Le fonds de roulement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, baisse fortement et devrait atteindre 23 jours en 2008, alors que d'importants projets de rénovation immobilière sont à mener.
L'AEFE doit faire face à la « quadrature du cercle » : être à la fois un service public de l'enseignement pour les Français de l'étranger et un vecteur de rayonnement culturel, sans que ces deux missions se « cannibalisent », mais aussi investir et rénover le patrimoine immobilier, sachant que le relèvement des frais de scolarité nécessaire à l'équilibre des projets sera dorénavant partiellement à la charge de l'État.
Cette « quadrature du cercle » est illustrée par la récente décision de prendre en charge les frais de scolarité des enfants français scolarisés à l'étranger dans des lycées en gestion directe, conventionnés ou même homologués.
La prise en charge des classes de seconde, de première et de terminale par le budget de l'État représente en année pleine 47, 9 millions d'euros.
Je partage l'esprit d'une mesure devant permettre aux familles résidant à l'étranger de bénéficier de droits semblables à ceux des familles résidant en France. En revanche, je souhaite éviter que cette mesure n'ait des effets inflationnistes, en écartant un double effet d'aubaine : d'une part, le désengagement des entreprises françaises du financement des études des enfants de leurs employés expatriés ; d'autre part, l'augmentation, sans aucun contrôle possible, des tarifs des établissements privés hors réseau.
La prise en charge des frais de scolarité des dix établissements français les plus coûteux, tous hors réseau, représente 5, 8 millions d'euros pour 480 élèves. En conséquence, nous n'éviterons pas qu'ils soient plafonnés, tout en faisant en sorte que ce plafond tienne compte de réalités et varie selon les régions du monde. Je fais toute confiance à mes collègues représentant les Français établis hors de France pour qu'ils suivent de près cette situation et comprennent le sens de mes interrogations et de mes suggestions.
Dans un contexte de rigueur accrue pour l'administration du Quai d'Orsay, dont certains postes de dépense évoluent de façon dynamique, il n'y a pas deux solutions, il n'y en a qu'une seule, la réforme.
Elle est en cours. Ainsi, l'externalisation de la valise diplomatique permet de réaliser des économies non négligeables. Le Parlement suit les travaux de la Cour des comptes, comme le récent référé sur l'informatisation du ministère, qui pourrait donner lieu - pourquoi pas ? - à une audition devant notre commission des finances, puisque nous avons regretté en début d'année les dysfonctionnements informatiques des centres pour les études en France, les CEF.
Nous attendons également un référé sur l'opération de partenariat public-privé relative au bâtiment des archives diplomatiques de La Courneuve.
Le Parlement doit aussi être l'un des acteurs de cette réforme et la susciter en organisant le suivi des rapports de contrôle qu'il réalise, au moment du vote des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Il y a là un enjeu de crédibilité.
De ce point de vue, je tiens à évoquer de nouveau la situation de la Maison de la francophonie. Je vous donne un grand coup de chapeau, monsieur le ministre, ainsi qu'à votre collègue chargé de la coopération et de la francophonie, car vous avez été réactif sur un dossier qui méritait un examen très attentif et que M. Bockel a rouvert. Je pense que nous avons progressé. Nous attendons bien entendu les conclusions des personnes que vous avez missionnées.
Je suis persuadé que nous aboutirons à une solution nettement moins coûteuse pour les finances publiques et tout aussi flatteuse pour l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, ...