Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 1er décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Action extérieure de l'état

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le ministre, la politique extérieure de la France est aujourd'hui en question. Preuve en est la mise en place récente d'une commission, au sein de laquelle j'ai l'honneur, au côté de notre collègue Jean François-Poncet, de représenter le Sénat, chargée de rédiger d'ici à juin 2008 un livre blanc sur ce sujet.

L'examen du projet de loi de finances pour 2008 permet de traiter des crédits dédiés à la mission « Action extérieure de l'État », mais au-delà des chiffres, ce qui importe, c'est de décrypter les choix stratégiques qu'ils recouvrent. Or ces choix n'apparaissent pas clairement. Je voudrais donc vous interroger sur notre effort budgétaire global - au service de quelle stratégie ?-, sur l'évolution du réseau culturel à l'étranger et les risques de dislocation de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et, enfin, sur l'avenir de notre audiovisuel extérieur.

Comme l'ont rappelé nos rapporteurs, la part du budget consacré aux affaires étrangères dans le budget de l'État pour 2008 est légèrement supérieure à 4, 5 milliards d'euros, soit environ 1, 5 % du budget général, correspondant à 13 200 emplois équivalents temps plein. La relative stabilité constatée et les débats légitimes sur les moyens ne doivent pas occulter les questions stratégiques qui restent posées à la France en cette fin d'année 2007.

La première concerne les priorités de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera le 1er juillet prochain. Ce sujet a déjà été évoqué mercredi et jeudi avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mais il est nécessaire de le resituer dans votre vision globale de la politique étrangère.

Le budget de la présidence française fait l'objet d'un programme spécifique - le programme 306 - dans la mission « Action extérieure de l'État », et vous l'avez fixé, monsieur le ministre, à 190 millions d'euros, dont 120 millions d'euros en crédits de paiement. À titre de comparaison, c'est à peu près équivalent à la dernière présidence allemande, 180 millions d'euros. Nous n'en doutons pas, ces crédits sont justifiés, encore faudrait-il les flécher plus précisément.

Mais la véritable question concerne les orientations européennes que la France défendra : le Gouvernement impulsera-t-il auprès de nos partenaires européens un renforcement des ressources propres de l'Union pour jeter les bases d'un véritable gouvernement économique européen ? Les négociations avec la Turquie suivront-elles leur cours normal ? De nouvelles et nécessaires initiatives seront-elles prises en faveur de l'Europe de la recherche ? Comment traduirez-vous en actes l'urgence d'une réelle politique énergétique européenne, qui ne soit pas uniquement centrée sur le droit de la concurrence, mais qui prenne en compte également la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement et de protéger l'environnement ?

J'espère en tout cas, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de sa présidence la France fera entendre au reste du monde une autre voix que celle d'une Europe forteresse ouverte seulement aux plus riches ou aux plus qualifiés. Si l'on s'en tient aux dernières déclarations de votre collègue M. Hortefeux appelant à un pacte européen de l'immigration, il est permis d'en douter.

D'autres questions stratégiques se posent.

À la veille des élections législatives en Russie, dans un climat très lourd, quelques jours après la visite du Président de la République en Chine qui a vu la signature de très importants contrats commerciaux et industriels, ce débat budgétaire est également l'occasion d'éclaircissements, monsieur le ministre, sur la manière dont la France défend la démocratie et les droits de l'homme dans le monde. Où en est-on de notre dialogue sur ce sujet avec ces deux grandes puissances ? Comment articule-t-on nos principes avec les enjeux stratégiques, commerciaux et industriels ?

Dans quelques jours, le Président Sarkozy se rendra en visite officielle en Algérie. Malgré les propos scandaleux tenus par un membre du gouvernement algérien, qui n'ont été que mollement désapprouvés par le Président Bouteflika, personnellement j'approuve le maintien de cette rencontre. Car la France est là non pas pour récompenser ou punir, mais pour mener avec ce pays un dialogue exigeant et constructif. Comment la France compte-t-elle exprimer ses préoccupations sur les libertés démocratiques en Algérie ? La question se pose d'ailleurs de la même manière en Tunisie et en Libye.

Nous attendons aussi du Gouvernement qu'il apporte tous les éclaircissements nécessaires à la commission d'enquête parlementaire, présidée à l'Assemblée nationale par notre collègue Pierre Moscovici, sur la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. Celle-ci vous a déjà entendu jeudi, elle doit poursuivre ses auditions car quelques coups d'éclat fortement médiatisés ne peuvent tenir lieu de stratégie durable.

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