Les annonces de la campagne électorale sur la révision de cette participation française semblent lointaines...
En outre, la politique étrangère qui est conduite est brouillée par des émissaires très spéciaux et par la proclamation urbi et orbi d'une « rupture » qui tarde à se manifester, notamment à l'égard de l'Afrique.
Il s'agit d'une politique étrangère active, certes, qui semble retrouver une fierté nationale dans le nombre des commandes passées par les pays étrangers à notre « supervendeur »... Cet aspect « mercantile » de la politique étrangère est important pour notre économie, mais est-ce le seul message porté par notre diplomatie, le seul aspect sur lequel communiquer ?
A contrario, c'est une politique étrangère avare en propositions nouvelles : sur le désarmement, sur la lutte contre la prolifération nucléaire - d'ailleurs, faut-il vendre des centrales nucléaires à n'importe quel État ? -, sur le combat contre la pauvreté... nous ne voyons rien venir, ou si peu !
Le moins que l'on puisse dire de ce premier budget du quinquennat, c'est que, loin de la rupture annoncée, il s'inscrit dans la continuité, il décline les travers déjà constatés par ailleurs dans ce projet de loi de finances pour 2008, à savoir l'insuffisance, l'injustice, et donc l'insincérité.
Mes amis socialistes ont eu l'occasion, à propos de chaque mission, de mettre en évidence les nombreux défauts d'un projet de budget qui sera certainement revu et corrigé... après les élections municipales. Courageux, peut-être, mais certainement pas téméraires !
Je m'attarderai simplement sur quelques points.
Le paradoxe de la mission « Action extérieure de l'État » réside dans le fait qu'un si petit budget soit consacré à une très grande mission qui relève, au plus haut point, des fonctions régaliennes de l'État, à savoir représenter la France, faire vivre la politique extérieure de notre pays, participer à la construction de l'Europe, développer notre puissance culturelle vers l'extérieur, en bref projeter et faire rayonner la France sur la scène mondiale.
Hélas ! vu la minceur des crédits alloués cette année, le ministère des affaires étrangères ne disposera pas des moyens nécessaires pour accomplir cette haute mission, au moment où les projets de « réforme » s'accumulent : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, réforme des services de renseignement, etc.
En fait, je crains que ce vent de réformes venu de l'Est - c'est-à-dire de Bercy ! - ne tourne qu'autour d'une stricte logique comptable qui, loin de permettre de résoudre les problèmes posés, ne fera, à terme, qu'accentuer les tensions budgétaires.
Les propos des responsables de ce ministère sont, hélas ! éloquents quant au formidable décalage existant entre les ambitions affichées et les moyens accordés.
Il est question d'une rigueur accrue pour l'administration du Quai d'Orsay ; va-t-on ainsi continuer la politique de « coupes claires » dans le réseau diplomatique et de réduction d'une administration qui a déjà réalisé des efforts substantiels en termes de diminution des effectifs ?
Peut-on sérieusement envisager de mettre en oeuvre une grande « politique étrangère et européenne », généreuse, créative et influente tout en rognant ses moyens, en réduisant le personnel mis à son service et en faisant des économies de bouts de chandelle ?
Sous des dehors de réforme et de modernisation, c'est toujours la même farouche volonté de déconstruire l'État qui anime ce gouvernement, avec cette idéologie obsessionnelle du « moins d'État », dont l'expérience prouve qu'elle est une thérapeutique qui souvent contribue à tuer le malade.
Même si parfois la solidarité majoritaire oblige à quelques euphémismes diplomatiques et à des contorsions sémantiques, les rapporteurs en ont signalé les insuffisances : déclin irrémédiable de notre politique culturelle, scientifique et d'éducation extérieure, sous-estimation de nos contributions obligatoires, financement chaotique de notre audiovisuel extérieur, diminution de l'ordre de 6 % des crédits de coopération militaire, affaissement des crédits consacrés à l'aide au développement...
Cette situation a été aggravée avec la création du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui disposera des crédits alloués au codéveloppement - environ 25 millions d'euros -, alors que la politique d'aide au développement continue de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères... On nuit ainsi à la cohérence, à la visibilité de l'action du ministère des affaires étrangères en matière d'aide publique au développement. Quelle mauvaise raison politique pousse à « déshabiller » ainsi une mission budgétaire déjà mal en point ?
Je profite de cette occasion pour vous poser une autre question, monsieur le ministre : comment allez-vous faire pour mener avec votre collègue une politique commune et efficace en matière de visas ? Pouvez-vous nous expliquer, concrètement, comment seront pratiqués les tests ADN ? Quels malheurs sortiront de cette nuisible boîte de Pandore ? Ces interrogations méritent une réponse claire ; l'image de la France, sa force d'influence dans le monde sont en jeu, vous le savez bien.
J'en viens à ma conclusion.
Avec une aussi faible augmentation des crédits, le constat est sans appel : le projet de budget que vous nous présentez ne permettra pas de mener une politique extérieure adaptée aux nécessités du moment.
Vous faites preuve, monsieur le ministre, cela est vrai, d'une grande volonté politique, très médiatisée certes, mais louable, face à tant de malheurs et de crises non résolues. Hélas ! les moyens de votre ministère, victimes du « moins d'État », auront du mal à suivre. Vous êtes un homme d'expérience, monsieur le ministre, et vous savez que la volonté sans les moyens peut vite devenir une stérile gesticulation.