Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents intervenants et pris connaissance des rapports du rapporteur spécial, M. Adrien Gouteyron, et des rapporteurs pour avis, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. David Assouline et M. Yves Pozzo di Borgo, qui remplace M. Jean-Guy Branger. Je tiens à les remercier de la qualité de leur contribution.
Je fais miennes la plupart des questions, des remarques, des préoccupations qui ont été exprimées ce matin.
Nous sommes, en réalité, mus par le même objectif : garantir les moyens adéquats à notre diplomatie et vérifier que nos objectifs et nos modes d'action sont en phase.
Je vais, bien entendu, m'efforcer de répondre aussi précisément que possible à vos différentes interventions, en les regroupant, si vous me le permettez, selon les principaux thèmes autour desquels notre débat s'organise.
À cet égard, j'ai relevé cinq « têtes de chapitre » : la question de notre réseau diplomatique et de son évolution ; celle de l'évolution de nos moyens et de nos effectifs ; le dossier de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ; la problématique des affaires consulaires et la question, toujours sensible, de la politique des visas ; enfin, j'évoquerai l'important thème, qui me tient particulièrement à coeur, de notre diplomatie culturelle et de ses orientations.
Je voudrais faire brièvement état, sur chacun de ces points, de mes propres réflexions, et répondre à vos questions plus précises.
S'agissant tout d'abord de notre réseau et de notre présence dans le monde, plusieurs d'entre vous - notamment MM. Gouteyron et Pozzo di Borgo - l'ont rappelé, le réseau diplomatique français est le deuxième, par la taille, après celui des États-Unis.
Doit-on considérer cette situation comme un atout ? Oui. Faut-il conserver notre réseau en l'état ? Non. En avons-nous d'ailleurs encore les moyens ?... Quelles sont les évolutions nécessaires ? Nous verrons !
Au cours de chacun de mes déplacements - vous m'accorderez qu'ils sont assez nombreux ! -, je mesure combien notre diplomatie, notre voix dans le monde sont tributaires d'une présence forte partout où nous devons faire prévaloir nos intérêts, politiques, certes, mais aussi culturels et économiques.
Cela étant, des réorientations sont indispensables, tout simplement parce que le monde bouge. Je voudrais partager avec vous les quelques réflexions que m'inspire cette question, centrale pour le Quai d'Orsay, de l'évolution de notre réseau diplomatique à l'étranger.
Je suis en premier lieu convaincu qu'il nous faut préserver une présence aussi mondiale que possible. Je retiens à cet égard bien volontiers la formulation de M. Adrien Gouteyron d'un « réseau diplomatique universel ». La France ne peut pas en effet vouloir s'adapter à la mondialisation et, en même temps, se rétracter ; ce serait courir le risque d'un très net affaiblissement.
Cela dit, et c'est une évidence, nous ne pouvons être présents partout de la même manière, et je rejoins sur ce point bien volontiers l'analyse développée par M. Yves Pozzo di Borgo. Notre dispositif actuel est encore marqué par une trop grande rigidité. Il est indispensable de faire évoluer nos dispositifs, notamment vers les grands pays émergents, même si j'ai pu constater lors de mon déplacement en Chine, il y a un mois, combien nous avons su accroître significativement notre présence dans cet immense pays. C'est là le défi qui nous est posé : définir et mettre en oeuvre un réseau souple, adaptable, modulable, organisé pays par pays en fonction de la nature réelle de nos intérêts, qui ne sont pas les mêmes partout.
Je ne peux qu'approuver MM. Adrien Gouteyron et Yves Pozzo di Borgo quant à l'impératif de rationaliser nos réseaux sur le plan interministériel. Cet objectif est aisé à fixer, mais, bien qu'il ait été réaffirmé par de nombreux gouvernements, il n'a jamais été atteint en raison, vous le savez, de la résistance farouche de certains départements ministériels mieux dotés que nous. Nos remarques, qui ne sont pas nouvelles, se heurtent à ce double mur de la tradition et de la facilité.
Notre présence à l'étranger ne saurait être la simple juxtaposition de réseaux ou de structures propres à chaque administration, mais, au contraire, une véritable « équipe de France » totalement interministérielle. Il est clair que ce n'est pas le cas.
J'ai évoqué l'idée de faire de nos ambassades des « bureaux conseil de la France » et aussi des « maisons des droits de l'homme » - ce n'est pas incompatible -, en appui à nos entreprises, à nos ONG, à nos collectivités locales, à nos universités, etc.
Se pose aussi la question de notre réseau en Europe, qui a été soulevée par MM. Yves Pozzo di Borgo et Robert del Picchia. Nous avons, et probablement pour longtemps, encore besoin d'ambassades fortes, car l'Europe est le premier horizon de notre diplomatie, d'autant qu'elle a été, vous me l'accorderez, récemment « réanimée ».
La visite de nos grands postes en Europe confirme que certains d'entre eux sont relativement lourds. C'est d'ailleurs l'avis de nos ambassadeurs sur place, qui - vous avez raison de le dire - devraient être les décideurs. Dans les grands pays voisins de la France, nos ambassades comprennent entre 300 et 400 personnes. Est-ce nécessaire ? Je ne le crois pas. C'est le tropisme de tous les ministères, et pas seulement du Quai d'Orsay, d'ajouter au fur et à mesure des personnes qui, après tout, sont certainement utiles. Cette tendance ne me semble pas raisonnable. Aux dires mêmes des ambassadeurs, nous pourrions revoir notre réseau en Europe.
D'importants redéploiements ont été mis en oeuvre ces dernières années, qui devront certainement être poursuivis si nous voulons nous renforcer dans les grands pays émergents. En effet, nous ne pouvons pas tout faire : si nous avons beaucoup de personnels dans ce réseau particulier que constituent les postes européens, nous ne pourrons pas développer notre présence dans les pays émergents. J'ai parlé de la Chine. Mais sommes-nous assez présents en Inde ? Pas du tout.