Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, avant d'ouvrir le débat, de saluer les nombreux représentants des associations d'anciens combattants présents dans la tribune.
Le budget des anciens combattants appelle de ma part et de celle du groupe socialiste des observations générales et des remarques sur des points particuliers qui sont à mes yeux au coeur de ce que la nation doit au monde combattant.
Les observations générales concernent d'abord le volume des crédits consacrés à ce budget. Je condamne le choix du Gouvernement qui, cette année encore, baisse ce budget de 60 millions d'euros.
Les arguments avancés par le secrétaire d'État et les rapporteurs de la majorité nous sont connus. Ils ne sont pas pertinents. La baisse du budget est simplement la conséquence de choix idéologiques : 15 milliards d'euros de baisse d'impôts ont été accordés aux contribuables les plus favorisés. Pour quel résultat, sinon celui de creuser un peu plus les inégalités ? Une toute petite part de ces 15 milliards d'euros aurait permis de donner une réponse positive aux principales revendications du monde combattant.
Ces combattants qui ont servi la France, répondant à l'appel de la nation, ne sont pas des quémandeurs. Nous connaissons leur courage, leur esprit de sacrifice et leur abnégation. C'est pourquoi le Gouvernement et le Parlement ont pour devoir de prendre en charge le droit à réparation que le pays tout entier leur reconnaît depuis 1918.
Je salue ici, au nom du groupe socialiste, le formidable travail accompli au quotidien par celles et ceux qui, au travers des associations, défendent les intérêts moraux et matériels de leurs adhérents et mènent auprès des jeunes un travail pédagogique autour du devoir de mémoire. Nous leur devons respect et reconnaissance.
Dans la deuxième partie de mon intervention, j'évoquerai un certain nombre de dossiers qui me tiennent particulièrement à coeur.
S'agissant tout d'abord de la retraite du combattant, le Gouvernement a finalement accepté un amendement déposé à l'Assemblée nationale augmentant cette pension de deux points, la faisant passer de 37 points à 39 points d'indice. Nous constatons que cette mesure prendra effet au 1er juillet 2008, ce que nous contestons vivement. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement prévoyant le 1er janvier 2008 comme date d'application.
Dans le même esprit, nous revendiquons une juste indexation des pensions militaires d'invalidité, qui ne devrait pas être inférieure à l'indice du coût de la vie. Or, depuis 2002, la perte de pouvoir d'achat de la pension est de 6 %.
Nous souhaitons que la question de la campagne double trouve enfin une solution positive.
La reconnaissance de la guerre d'Algérie, à l'unanimité de la représentation nationale, conduit logiquement à reconnaître à ces anciens combattants les mêmes droits qu'aux autres générations du feu.
En ce qui concerne la rente mutualiste, nous considérons que c'est un dossier qui appelle un suivi régulier et que le plafond de la rente doit être relevé à l'indice 130. Le Gouvernement ne l'a pas décidé, mais nous pensons que cette mesure permettrait d'achever le rattrapage auquel le Président de la République s'est engagé pendant la campagne présidentielle. Un amendement a été déposé en ce sens.
S'agissant des orphelins de guerre, victimes de la barbarie et de l'agression nazie, les dispositifs existants doivent être complétés. Le pays doit aller au bout de la logique qui a été engagée par le décret du 1er juillet 2000. Certes, il y a encore du chemin à parcourir, mais il faut s'y engager, c'est une question d'équité. Les sentiments d'injustice et de frustration qui hantent l'esprit des orphelins sont trop forts pour être ignorés plus longtemps.
Je souhaite évoquer maintenant un dossier qu'il est impossible de laisser en l'état, celui des veuves d'anciens combattants les plus démunies, notamment des veuves d'agriculteurs, d'artisans, de commerçants, et les veuves de salariés longtemps payés au SMIC. Certaines vont même devoir payer maintenant la redevance audiovisuelle dont elles étaient exonérées jusqu'à présent.
Ces veuves vont grossir le flot des personnes en très grande difficulté et beaucoup vivent dans une très grande précarité.
L'an dernier, le Parlement a voté la création d'une allocation différentielle de solidarité pour les veuves disposant de ressources inférieures à 550 euros par mois. Votre prédécesseur ne l'ayant pas fait, vous avez publié tardivement les textes d'application, mais avec des critères trop stricts. Dès lors, peu de dossiers ont été retenus. Dans mon département, la Moselle, sur une dizaine de dossiers déposés, aucun n'a été retenu.
Cette année, devant l'Assemblée nationale, vous avez annoncé que le plafond de 550 euros serait porté à 681 euros. Mais, monsieur le secrétaire d'État, 681 euros, c'est le seuil de pauvreté ! Ainsi, vous maintenez ces veuves dans une situation inadmissible. Nous vous demandons donc de relever le plafond de ressources au niveau du minimum vieillesse, soit 800 euros. Un amendement a été déposé en ce sens.
Par ailleurs, il est indispensable que les critères d'attribution de l'allocation soient revus pour permettre au plus grand nombre de veuves d'en bénéficier.
Bien que nous fassions totalement confiance aux représentants des anciens combattants au sein des structures de l'ONAC pour gérer au mieux cette allocation différentielle, il serait plus conforme à la LOLF que les crédits fassent l'objet d'un article distinct de la loi de finances.
Je conclurai, monsieur le secrétaire d'État, en évoquant le destin tragique des anciens membres des unités RAD-KHD, des hommes et des femmes d'Alsace-Moselle incorporés de force dans des organisations paramilitaires allemandes et qui ne sont toujours pas indemnisés.
Une partie de ping-pong s'est engagée depuis trop longtemps entre l'État et la fondation « Entente franco-allemande », qui dispose des ressources nécessaires pour financer une juste indemnité. De deux choses l'une : ou bien l'État paie ou bien l'État fait payer la fondation. Une troisième voie est encore possible, celle d'un partage entre l'État et la fondation. Il ne faut pas laisser le temps faire son oeuvre à la place de la responsabilité politique.
Je vous serais très reconnaissante, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir me faire connaître votre position et si vous avez engagé des pourparlers avec la fondation.
Je terminerai par une question concernant les « malgré- nous », ces Alsaciens-Mosellans anciens prisonniers des camps soviétiques et pour qui existe une discrimination selon le lieu d'implantation des camps dans lesquels ils se trouvaient. En effet, seuls ceux qui étaient situés à l'est de la frontière germano-russe de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et nommée « ligne Curzon », ont été pris en compte, contrairement à ceux qui étaient dans les camps situés à l'ouest de cette ligne. Que comptez-vous faire pour eux, monsieur le secrétaire d'État, afin de pallier cette différence de traitement ?
Par ailleurs, sur ce même sujet, dans le cadre de votre politique de mémoire, nous souhaitons que le vécu et les souffrances endurées par les Alsaciens-Mosellans durant la période de l'annexion fassent partie intégrante de l'histoire de notre pays et soient enseignés comme tels dans les écoles.
Il reste encore un point non réglé à ce jour et sur lequel M. Sarkozy s'est engagé lors de la campagne présidentielle, c'est l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux réfractaires du Service du travail obligatoire, le STO : « il est temps que notre pays reconnaisse enfin aux réfractaires leur droit imprescriptible à réparation en leur attribuant le titre de reconnaissance de la nation », a-t-il dit. Que pensez-vous faire à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État ?
En conclusion, le Gouvernement ayant fait le choix de favoriser par sa politique fiscale les plus privilégiés de nos concitoyens, au détriment de ce qui aurait pu et dû être fait pour les anciens combattants par justice, respect et reconnaissance, il est impossible au groupe socialiste de voter votre budget.