Je constate cependant que vous n'êtes pas avare de commissions et d'instances de réflexion. Sans vouloir vous prêter des intentions coupables, je connais les craintes de chacun : ces instances ont parfois pour objet de faire durer les choses ou de préparer des coups bas.
Vous annoncez la création de la commission Kaspi sur les commémorations, le renouveau et la lutte contre le désintérêt. La commission Becker va réfléchir, nous dites-vous, sur le « sens à donner aux commémorations du 11 novembre 2008 », et ce dans un périmètre européen. Vous nous parlez d'une réflexion ministérielle sur la campagne double, alors que celle-ci a largement eu le temps de se faire, de se défaire et de se refaire depuis le tortueux cheminement du rapport Gal. S'agissant de l'indemnisation des orphelins, enfin, vous nommez le préfet Jean-Yves Audoin pour « étudier le statut des orphelins de guerre », avant de désigner par la suite une commission.
Je préférerais vous entendre cadrer plus précisément les promesses que vous avez faites devant nos collègues députés.
S'agissant des engagements du Président de la République, pourquoi ne pas vous engager solennellement sur un plan quinquennal, assorti de dates et de moyens, pour l'ensemble des revendications dont il a promis la satisfaction ? Cela aurait le mérite de la clarté !
Je souhaiterais également des engagements plus précis sur l'achèvement de l'indemnisation des orphelins de victimes du nazisme. Vous savez, comme nous tous, qu'un certain nombre de personnes s'estiment lésées. Selon les termes de votre prédécesseur, l'élément fondateur de l'éligibilité au bénéfice du décret de 2004 est l'acte de barbarie. Mais il n'est plus tenable d'ergoter sur ce qui fut barbare ou le fut moins. Décidons donc, pour en finir dignement, d'étendre le bénéfice de ce décret à tous les orphelins de guerre, particulièrement des résistants morts les armes à la main.
Quant aux conflits contemporains et aux psychotraumatismes de guerre, il faudra bien que le droit à réparation s'applique enfin à tous, y compris aux victimes de la guerre du Golfe et à celles des irradiations nucléaires consécutives aux essais effectués dans le Sahara et en Polynésie française.
Pour conclure rapidement un propos difficile à résumer en si peu de temps, je vous le dis, avec le monde combattant je serai très vigilant - nous travaillerons avec vous, monsieur le secrétaire d'État - sur le droit à réparation, sur la mémoire et sur les dates de commémoration.
Vous déclariez dernièrement, dans le journal Le Figaro, votre attachement à l'enjeu « de savoir transmettre ». Oui, transmettre, mais comment ? Aujourd'hui, en effet, des voix s'élèvent pour prôner l'instauration d'une date unique, une sorte de « Memorial Day » à l'américaine. Notre rapporteur, Mme Janine Rozier, dont je ne crois pas déformer les propos, y semble favorable, monsieur le secrétaire d'État.
Ne l'êtes-vous pas également à mots couverts ? Votre création d'une commission chargée de réfléchir aux commémorations est-elle innocente ? Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous avez dit que les parlementaires, auteurs de la proposition de loi tendant à instituer le 27 mai une journée nationale de la Résistance, seront invités à exposer leur point de vue à la commission présidée par l'historien André Kaspi. Soyez assuré que j'ai retenu l'invitation et que j'y serai !
Pour honorer la mémoire des militaires tombés pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc, ainsi que celle des victimes civiles d'avant et d'après le 19 mars 1962, je veux souligner le stratagème peu glorieux du Gouvernement pour donner force de loi à la date du 5 décembre au lieu et place de la date légitime du 19 mars. Il l'a fait par le biais d'un décret qui a acquis valeur législative par l'article 2 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ! Je l'ai appris en lisant, dans le Journal officiel, votre réponse à la question de l'une de nos collègues, Mme Sylvie Desmarescaux !
Non, la mémoire n'est pas une abstraction que l'on pourrait, une fois l'an, servir à des écoliers ennuyés, sous prétexte qu'ils ne s'ennuieraient qu'une fois ! Elle est faite de dates-phares qui ont du sens, qui rappellent des sacrifices, des combats, des engagements concrets à toutes les époques de notre histoire où il fallut que les hommes et les femmes de notre pays se lèvent contre ce qui menaçait notre indépendance, notre liberté, la paix du monde. Et les collégiens de mon département, que j'accompagne une fois l'an à Auschwitz-Birkenau, le savent désormais.
Malgré la reconnaissance de certaines avancées, mais en toute connaissance de leur très large insuffisance, c'est en vertu du respect qu'il porte au monde combattant que notre groupe votera contre votre budget.