Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 1er décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd'hui est très décevant car, encore une fois, il est en diminution.

Alors que le candidat Nicolas Sarkozy, aujourd'hui Président de la République, s'était engagé à prendre des mesures en faveur des anciens combattants et des victimes de guerre, et avait promis d'améliorer leur situation, nous déplorons aujourd'hui qu'une fois le temps de la campagne passé les promesses ne soient visiblement pas tenues.

Les anciens combattants et leurs familles étaient en droit d'espérer mieux, mais les largesses fiscales de l'été ont sérieusement limité la marge de manoeuvre budgétaire du Gouvernement. Le monde combattant nous rappelle en permanence les valeurs de notre pays, les droits et les devoirs inhérents aux actions qu'ils ont accomplies, et qui impliquent une reconnaissance légitime au travers du devoir de mémoire et du droit à réparation. Les anciens combattants connaissent le prix de la guerre et oeuvrent pour promouvoir la paix et la citoyenneté. Leurs attentes sont importantes symboliquement, mais modestes financièrement.

Nous vous le demandons, monsieur le secrétaire d'État, il faut aujourd'hui solder le passif du gouvernement précédent et accéder à leurs requêtes concernant la retraite, la rente mutualiste et l'allocation de solidarité.

Nous constatons avec regret que, avec 3, 370 milliards d'euros pour 2008 contre 3, 428 milliards d'euros en 2007, les crédits affectés aux missions de ce secrétariat d'État sont une fois de plus en diminution de 1, 69 %, et même davantage si l'on tient compte de l'inflation.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'État, est malheureusement placé sous le signe de la continuité, puisqu'il est encore en baisse. Pourtant, les anciens combattants ont droit au respect de la nation tout entière.

Notons que le maintien des budgets à leur niveau depuis 2002 aurait permis de satisfaire en grande partie les revendications des anciens combattants. Sans même remonter jusqu'à 2002, le montant du budget de 2007 répondait sans enthousiasme aux besoins légitimes de nos aînés. Depuis vingt-huit ans, les titulaires de la carte du combattant réclament la juste revalorisation de leur retraite. Or la promesse faite par le précédent gouvernement, consistant à porter cet indice à 48 points, soit une croissance de trois points par an pendant cinq ans, n'a pas été tenue. Une première revalorisation de la retraite du combattant est intervenue le 1er juillet 2006, portant l'indice de 33 à 35 points, et le projet de loi de finances de 2007 a accordé deux points supplémentaires. Nous voilà à 37 points d'indice, bien loin des promesses formulées précédemment.

L'actuel Président de la République s'est engagé à porter la retraite du combattant à l'indice 48 sur cinq ans. Il aurait été bon qu'un geste plus significatif soit réalisé en cette première année du quinquennat. La baisse de ce budget, sensiblement égale à 58 millions d'euros, correspond à trois points d'indice de retraite. Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, l'effort n'était pas insurmontable, et je peux vous assurer que la déception est grande et amère dans le monde des anciens combattants.

La retraite du combattant constitue l'une des traductions les plus symboliques du droit à réparation. Il s'agit de la transcription pécuniaire de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont combattu pour notre pays. Le montant de ces pensions, non réévalué de 1978 à 2006, a connu depuis une faible amélioration. Conformément aux engagements pris par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, et conformément à sa maxime : « ce que j'ai dit, je le ferai », nous espérons que l'impulsion qui est lancée aujourd'hui se poursuivra dans les budgets ultérieurs, l'impératif étant d'atteindre d'ici à la fin de la mandature présidentielle les 48 points d'indice.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que, lors de la présentation de votre projet de budget pour 2008, vous indiquiez : « Compte tenu de la population concernée par la retraite du combattant, un crédit de 5 millions d'euros supplémentaire est inscrit, autorisant de nouvelles entrées pour la retraite du combattant. » Vous ajoutiez : « L'effort engagé par le Gouvernement dans ce domaine sera ainsi poursuivi, mais il devra tenir compte des contraintes budgétaires et des conclusions de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui a été récemment entamée à la demande du chef de l'État, et dont les conclusions seront rendues en 2008. »

Vous pensez bien, monsieur le secrétaire d'État, que ce type de propos n'est pas de nature à nous rassurer ! D'autant que la revalorisation de l'indice de retraite de deux points n'a été possible que parce qu'une redistribution de crédits s'est opérée. Je vous le rappelle, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » a été amputé de 1, 71 million d'euros alors que le programme 167 « Liens entre la nation et son armée » l'a été, quant à lui, de 1, 22 million d'euros.

En ce qui concerne le plafond de la retraite mutualiste, vous annoncez une augmentation de la dotation de 4 %, soit un abondement de 9 millions d'euros. Dois-je rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que la loi de finances pour 2007 avait fait évoluer l'indice de 122, 5 à 125 ? II est donc normal que cette augmentation se retrouve dans le budget pour 2008.

Cela étant, le monde combattant espère depuis de nombreuses années que le plafond de la rente mutualiste du combattant soit relevé à l'indice 130, pour achever un rattrapage indispensable. Au cours de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, qui s'était engagé à rattraper sans plus tarder les cinq points manquants, annonçait au monde combattant : « Concernant l'augmentation à 130 points du plafond majorable de la rente mutualiste des anciens combattants, je suis en mesure de vous assurer que cette revalorisation de cinq points sera envisagée. [...] Je sais que le monde combattant est attaché à l'objectif d'atteindre l'indice 130, et vous pouvez compter sur ma détermination pour faire avancer cette revendication. »

Où en est-on des promesses du Président de la République ? Le projet de loi de finances pour 2008 n'intègre aucune mesure nouvelle de relèvement.

Venons-en à l'allocation différentielle de solidarité. Créée par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2007, ce dispositif concerne les veuves d'anciens combattants disposant de moins de 550 euros de ressources mensuelles. Cette allocation en faveur des conjoints survivants les plus démunis voit ses crédits portés à 5 millions d'euros, avec la traduction en année pleine de la décision de l'an dernier, dont on peut regretter la mise en oeuvre tardive. Votre prédécesseur n'avait pris aucun décret d'application avant son départ, et il a fallu attendre le 31 août dernier pour qu'un décret prenant effet au 1er août intervienne !

On peut également s'inquiéter du fait que l'examen des dossiers soit à présent réalisé directement dans les départements, et non plus sur le plan national, ce qui risque d'engendrer de graves complications, certains départements ne possédant pas de commissions départementales de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants. Nous souhaitons surtout dénoncer avec force la faiblesse de cette allocation.

Lors de la discussion qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale sur ce budget, vous indiquiez avoir demandé à l'ONAC d'étudier la possibilité de porter cette allocation au moins au niveau du seuil de pauvreté, soit 681 euros selon l'indice INSEE. Souhaitons que les conclusions de cette étude ne tardent pas à nous être présentées, et qu'elles soient favorables au monde combattant. Pour que cette mesure réponde aux attentes, il est indispensable que les critères soient revus afin de permettre au plus grand nombre d'en bénéficier.

Par ailleurs, nous demandons que cette allocation différentielle de solidarité ne soit pas englobée dans les crédits sociaux de l'ONAC, mais fasse l'objet d'un article distinct de la loi de finances, ce qui permettra de la pérenniser.

Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'État, que le fait de porter, pour l'allocation différentielle des conjoints survivants, le plafond de ressources de 550 euros à 650 euros n'aurait absorbé que 0, 20% du budget. Les demandes du monde combattant restent très largement raisonnables !

Avant de conclure, je souhaite évoquer la question des orphelins de guerre dont les parents ont été victimes de la barbarie. Le sort différent qui leur est réservé n'est pas justifié, et nous nous interrogeons sur cette situation inéquitable.

Par ailleurs, l'interprétation qui est faite des articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est restrictive et exclut de fait des familles du régime d'indemnisation prévu. Le programme 158 se voit amputé de 1, 71 million d'euros, ce qui enlève toute possibilité - et c'est fort regrettable - de reconsidérer cette question.

Pour conclure, je souhaite réitérer la demande que j'avais formulée l'année dernière, celle de retenir la date du 19 mars pour la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie. Les anciens combattants y sont profondément attachés, en lieu et place de la date du 5 décembre, qui n'a, selon nous, aucun caractère symbolique ni historique.

Monsieur le secrétaire d'État, la disparition, chaque année, de milliers d'ayants droit ne doit pas se traduire en économies budgétaires, alors que de nombreuses injustices perdurent dans l'application du droit à réparation. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter pour nous assurer que les mesures qui ne sont pas inscrites dans ce budget, malgré les promesses, le seront dans celui pour 2009 ? Il est temps que les promesses se transforment en actes, ce qui, à ce jour, vous en conviendrez, n'est malheureusement pas le cas.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et apparentés ne votera pas ce budget.

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