Intervention de Éric Woerth

Réunion du 1er décembre 2007 à 22h15
Loi de finances pour 2008 — Remboursements et dégrèvements

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission finances, madame le rapporteur, au sujet des dégrèvements, je voudrais tout d'abord remercier Mme le rapporteur spécial de la présentation qu'elle a faite, dans son rapport, de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

L'analyse présentée dans le rapport des crédits fait ressortir les spécificités de cette mission et les limites de son architecture actuelle, héritée des travaux préalables à la mise en place de la LOLF.

La mission regroupe aussi bien des décaissements relevant de la seule mécanique fiscale, tels que les remboursements de crédits TVA et les restitutions sur acomptes d'impôt sur les sociétés, et des remboursements de crédits d'impôts, comme la prime pour l'emploi, qui sont la traduction de la mise en oeuvre de politiques publiques. Il faut d'ailleurs souligner que la première catégorie, celle des décaissements purement techniques, représente plus des deux tiers des crédits de la mission, ce qui limite la portée du constat selon lequel celle-ci est la plus importante du budget de l'État.

Cela explique aussi le fait que cette mission soit en décalage par rapport aux prescriptions de l'article 7 de la LOLF et que ses objectifs soient de fait limités à la qualité du service rendu au contribuable et, plus précisément, au respect de certaines normes de délai de remboursement.

Au sujet des indicateurs, Mme le rapporteur spécial remarquera, au-delà des chiffres et indicateurs restitués dans le cadre de ces exercices formellement contraints que sont les plans et rapports annuels de performances, les travaux de prévention visant à diminuer la fraude et le volume des réclamations contentieuses ou encore les conclusions de l'audit de modernisation sur la gestion de la prime pour l'emploi. Cette vision globale pourra conduire Mme le rapporteur spécial à porter une appréciation positive sur le travail des services, ce dont je la remercie par avance.

Il n'en reste pas moins qu'une part importante des crédits de la mission est étroitement liée aux dépenses fiscales, et c'est précisément pour cette part que la question de l'efficacité prend tout son sens.

Mme le rapporteur spécial suggère qu'une partie au moins de ces crédits trouverait sa place dans une norme de dépense élargie, ce qui pourrait aller dans le sens d'une meilleure gouvernance de la dépense publique. Néanmoins, cette orientation, a priori séduisante, qui fait l'objet d'un débat récurrent, se heurte à de nombreuses difficultés de principe et de mise en oeuvre.

En effet, seule la part des crédits d'impôt faisant l'objet d'un remboursement au contribuable est retracée dans cette mission, la part imputée sur le paiement de l'impôt étant de fait porté directement en atténuation de recettes.

Le remboursement ne constituant qu'une partie d'un crédit d'impôt pour une année donnée, il n'apparaît guère pertinent de le soumettre à une norme. De plus, une estimation précoce du coût des dépenses fiscales est parfois fragile, par exemple du fait de comportements d'optimisation fiscale du contribuable.

Ainsi, le coût du bouclier fiscal s'est avéré en 2007 très inférieur aux prévisions techniques de la Direction générale des impôts, du fait d'une certaine réserve des bénéficiaires potentiels, qui ne pouvait pas être anticipée. Nous verrons ce qu'il en est en 2008.

Par ailleurs, une partie de la dépense fiscale est largement émancipée des décisions gouvernementales : il s'agit des évolutions spontanées de dispositifs déjà votés. Si le pilotage sur des critères budgétaires est sans doute possible pour le flux de mesures nouvelles, il est nettement plus problématique pour le stock de dépenses fiscales existant. En particulier, le montant des dégrèvements d'impôts locaux dépend très fortement de la somme des décisions individuelles de fixation des taux par les collectivités territoriales, sur lesquelles l'État n'a que peu de prise.

Avant toute mise en place, les grandes orientations qui peuvent être proposées nécessitent donc une réflexion préalable très poussée. Il nous faut en effet concilier la préservation de la crédibilité de la norme de dépense avec le double souci de piloter les transferts de l'État aux collectivités territoriales et d'assurer leur autonomie financière.

Je vous donne acte du fait que nous devons progresser dans le pilotage des dépenses fiscales. Des améliorations pourraient être apportées dans deux directions.

Premièrement, il faudrait s'assurer de la nécessité et de l'efficience des dépenses fiscales nouvelles. Il serait de bonne gestion que celles-ci soient systématiquement accompagnées d'une étude d'impact et qu'elles soient créées pour une durée limitée, comme nous avons eu l'occasion d'en discuter ici même. Enfin elles feraient l'objet d'une évaluation avant que ne soit proposée leur reconduction. Cette dernière piste est, elle aussi, d'actualité.

Deuxièmement, il faudrait accroître nos marges de manoeuvre fiscale. La progression des dépenses budgétaires et des dépenses fiscales n'est pas strictement comparable du fait, naturellement, des différences de fiabilité dans leur chiffrage, mais également parce que le coût des dépenses fiscales évolue malgré l'absence de mesures nouvelles. Il me semble donc peu opportun d'intégrer les dépenses fiscales à la norme de dépense budgétaire, parce qu'elles ne sont pas de même nature. Il pourrait donc être élaboré un outil de pilotage dédié aux dépenses fiscales s'apparentant à une « norme de dépense fiscale » ou à un « objectif de dépense fiscale ». Sa définition pourrait permettre de lever les difficultés spécifiques qu'elles soulèvent.

Comme nous venons de le voir, la gouvernance des dépenses fiscales nécessite de procéder au cours des prochains mois à un examen très approfondi, auquel nous pourrions associer la commission des finances du Sénat.

Pour en revenir à l'architecture de la mission, je me réjouis que nos diagnostics, de même que celui de la commission des finances de l'Assemblée et celui de la Cour des comptes, convergent très largement.

La mission « Remboursements et dégrèvements » a été constituée, en quelque sorte par défaut, de décaissements de nature variée, qui ne s'articulent pas autour d'une politique publique unique déterminée, et c'est le moins que l'on puisse dire. Une part de ces crédits rend bien compte de diverses politiques publiques, mais, comme nous l'avons vu, seulement de façon très fragmentaire. Encore une fois, voyez l'exemple de la prime pour l'emploi.

Avec quelques années de recul, nous constatons que cette architecture n'est pas satisfaisante, ainsi que vous l'avez souligné, madame le rapporteur spécial.

Le Parlement juge que l'information portée à sa connaissance est ici peu pertinente et peu utilisable, du moins sous cette forme. Je partage cette opinion : une refonte de la mission est aujourd'hui souhaitable et nécessaire.

Comme l'a relevé Mme le rapporteur spécial, les suggestions faites à ce sujet tant par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat que par la Cour des comptes -vous avez fait référence à un courrier récent - ont été examinées par mes services avec la plus grande attention. C'est sur la base de ces suggestions que repose la réflexion actuelle sur le devenir de la mission.

Les grandes lignes de cette refonte sont claires et, pour l'essentiel, partagées. Les décaissements qui sont « la conséquence directe et automatique du processus de recouvrement de l'impôt », comme les remboursements de crédits de TVA ou les restitutions sur acomptes d'impôt sur les sociétés, pourraient être considérés comme des atténuations de recettes.

Quant au programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », il pourrait, comme cela a été suggéré, être rattaché en partie ou en totalité à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », donnant une vision globale de l'effort de l'État en faveur de celles-ci.

Pour les raisons exposées plus haut, à savoir la dichotomie entre le coût réel de la dépense fiscale et la part qui en est retracée en comptabilité budgétaire sous forme de remboursements et de dégrèvements, je ne crois pas, en revanche, que l'injection de certains remboursements et dégrèvements - ceux qui sont afférents à la prime pour l'emploi ou au crédit d'impôt recherche, par exemple - dans les missions de politique publique correspondantes soit une solution optimale. Mesdames, messieurs les sénateurs, on n'y verrait plus rien ! J'espère vous en convaincre à l'occasion de l'examen des amendements que vous avez déposés en ce sens.

Les travaux préparatoires à la refonte de cette mission, qui ne manqueront pas d'être riches et fructueux, notamment si, comme le Gouvernement le souhaite, l'Assemblée nationale et le Sénat s'y associent, pourraient aboutir rapidement, c'est-à-dire au cours du premier semestre de 2009.

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