Intervention de Bertrand Auban

Réunion du 1er décembre 2007 à 22h15
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : pensions

Photo de Bertrand AubanBertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en effet en mon nom et en celui de M. Thierry Foucaud, corapporteur spécial, aujourd'hui empêché, que je vous présenterai les principales observations que la commission des finances a portées sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » dans le contexte particulier, cette année, de la réforme des régimes spéciaux et de la perspective du « rendez-vous 2008 » de la réforme des retraites prévue par la loi du 21 août 2003.

Les crédits de paiement pour 2008 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'établissent à 5, 12 milliards d'euros, soit une augmentation de 2, 81 % par rapport à 2007, marquant ainsi une « pause » dans la progression, alors que les crédits ouverts pour 2007 étaient en augmentation de 10, 9 %.

Cette hausse est consacrée pour l'essentiel aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, qui constituent 97, 3 % des dépenses du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », soit 3, 4 milliards d'euros.

La subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF est ainsi de 2, 9 milliards d'euros, celle qui est destinée à la RATP est de 390 millions d'euros.

Pour l'essentiel, les autres participations de l'État au titre de la solidarité de la nation à l'égard des régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre permettent de financer le congé de fin d'activité des conducteurs routiers - 94 millions d'euros, pour 5 000 bénéficiaires -, les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins - 719 millions d'euros, 38 000 actifs pour 120 000 pensionnés -, et divers régimes en déclin démographique comme celui des mines, voire en extinction tels que celui de la SEITA, celui de l'Imprimerie nationale ou celui de l'ORTF - au total 928 millions d'euros, mais seulement 13 000 cotisants pour 373 000 pensionnés.

Au nom de la commission des finances, deux séries d'observations peuvent être formulées.

S'agissant d'abord de la justification des crédits, le chaînage mis en place par la LOLF permet dorénavant d'examiner le projet de loi de finances à la lumière de l'exécution des exercices antérieurs et d'en retirer des enseignements concrets.

Ainsi, la subvention d'équilibre de la caisse de retraite de la RATP fait l'objet d'une « sous-budgétisation » évaluée à au moins 25 millions d'euros.

Elle résulte de l'augmentation de 30 % des départs en retraite en 2007, pris par anticipation sur la réforme des régimes spéciaux, et de l'arrêt des négociations par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, sur les conditions d'adossement de la caisse au régime général.

Par ailleurs, l'opération d'adossement du régime de la RATP aux régimes de droit commun devrait être réalisée en 2008 via le versement financé par l'État d'une « soulte » d'un montant compris entre 500 millions et 700 millions d'euros à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, suivant un échelonnement encore à déterminer. Si cette soulte devait être versée en 2008, un problème se poserait, car elle n'est pas « budgétée ».

À l'inverse, pour la troisième année consécutive, la subvention d'équilibre versée à l'Établissement national des invalides de la marine fait l'objet d'une surbudgétisation estimée à 25 millions d'euros pour 2008. Chaque année, celle-ci est réduite dans le cadre de décrets d'annulation de crédits - 26 millions d'euros en 2006 et 35 millions d'euros en 2007.

En conséquence, la commission des finances vous proposera un amendement tendant à affecter 25 millions d'euros issus du programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » à l'action n° 2 du présent programme au profit de la subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP. Au final, le présent amendement vise à équilibrer la répartition des crédits entre deux des programmes de la mission, tirant ainsi les conséquences, dans l'esprit de la LOLF, de l'enchaînement « vertueux » de l'analyse de l'exécution des crédits et de l'examen des prévisions de dépense.

En second lieu, j'évoquerai la mesure de la performance du programme.

Au nom du principe de lisibilité, on gagnerait à distinguer en deux actions différentes la SNCF et la RATP, régimes subventionnés par le présent programme à hauteur de plus de 3, 3 milliards d'euros. Celles-ci sont indistinctement regroupées alors que, par ailleurs, des régimes en voie d'extinction tels que l'ORTF et les retraites des régies ferroviaires d'outre-mer constituent des actions à part entière, clairement identifiables.

Enfin, il convient de signaler que les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF sont maintenant éclairés par de nouvelles informations relatives à l'âge moyen de radiation des cadres et à la durée moyenne d'activité. Cela répond à un souhait émis par la commission des finances lors de l'examen du projet annuel de performances pour 2007.

Ainsi, l'âge moyen de départ à la retraite à la SNCF est de 54, 5 ans, et de 53, 7 ans à la RATP. Ces chiffres constituent une moyenne et sont variables. Les conducteurs partent à 50 ans à la SNCF, à 52 ans à la RATP, les autres salariés partent à 55 ans à la SNCF, 59 ans pour les cadres à la RATP.

C'est donc, au titre de la solidarité de l'État envers les régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre, et eu égard aux réformes en cours, que la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi modifiés.

Il me revient à présent, mes chers collègues, d'aborder l'examen du compte d'affectation spéciale « Pensions », créé en 2006, en application de la LOLF. Celui-ci permet maintenant d'« embrasser » l'ensemble des recettes et dépenses afférentes aux pensions civiles et militaires qui auparavant étaient disséminées dans le budget de l'État.

Toutefois, le compte d'affectation spéciale « Pensions » n'intègre pas les frais de gestion. Pour en retracer le coût global, il est donc nécessaire de se reporter, au sein du budget général, à l'action « Gestion des pensions » du programme « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Il en ressort que le coût du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'élève à 47, 99 milliards d'euros, soit 17 % du budget pour 2008, pour le paiement de quelque 2, 1 millions de pensions civiles et militaires. Il convient d'y ajouter 68, 1 millions d'euros en crédits de paiement pour 2008 au titre de l'action « Gestion des pensions ». Ce montant est cependant loin de recouvrir l'intégralité des moyens humains dévolus aux pensions, car il ne tient pas compte des personnels consacrés à la préparation des dossiers de pension dans les différents ministères employeurs, qui sont évalués à 1 800 équivalents temps plein travaillé.

Les recettes afférentes aux pensions sont affectées au présent compte d'affectation spéciale et ce dernier doit être équilibré en dépenses et en recettes.

Les principales dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » portent sur le paiement des pensions civiles et militaires de retraite, pour 43, 4 milliards d'euros, des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, pour 1, 75 milliard d'euros, des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que des traitements versés au titre de la reconnaissance de la nation, pour 2, 8 milliards d'euros.

Les recettes afférentes sont constituées principalement par la contribution de l'État au titre des taux de la cotisation employeur, les cotisations salariales, les contributions des autres employeurs que l'État.

La « contribution employeur » de l'État constitue désormais la « variable d'ajustement » permettant d'équilibrer les recettes et les dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires.

Ces taux augmentent, passant d'un taux de 50, 74 % en 2007 à 55, 71 % pour 2008 au titre des personnels civils et d'un taux de 101, 05 % en 2007 à 103, 5 % pour 2008 au titre des personnels militaires.

Cette différence de niveau se comprend, car on compte aujourd'hui, pour les fonctionnaires civils, 1, 6 actif pour un pensionné, et, pour les militaires, seulement 0, 8 actif pour un pensionné.

Ces rapports démographiques sont appelés à se dégrader avec, respectivement, 1, 3 fonctionnaire civil actif et 0, 7 militaire actif par pensionné en 2010. Ainsi, les taux de « contribution employeur » continueront inexorablement à augmenter.

En réponse à une demande réitérée en 2006 et en 2007 par la commission des finances, le taux de cotisation employeur pour les organismes publics et semi-publics sera rehaussé pour passer de 39, 5 % en 2007 à 50 % en 2008. Il apparaissait que ce taux était insuffisant en regard du taux d'équilibre des personnels civils de l'État.

En revanche, malgré les observations réitérées lors de l'examen de chaque projet de loi de finances par votre commission des finances depuis l'examen du projet annuel de performances pour 2006, le « taux employeur » qui s'applique aux ouvriers des établissements industriels de l'État est reconduit pour 2008 au taux inchangé de 24 %.

Enfin, s'agissant de la performance du programme, à la demande de la commission des finances, un nouvel indicateur a été créé afin de mesurer la part des agents civils concernés par la décote ou par la surcote. Les mécanismes de décote et de surcote devraient avoir, en effet, un impact sur les comportements de départ à la retraite, la surcote encourageant la poursuite d'activité des personnes qui ont des carrières longues et la décote incitant les personnes qui ont eu des carrières courtes à reporter leur départ.

J'en viens maintenant à des considérations plus générales.

La commission des finances a relevé, dans le cadre du rapport d'information de vos rapporteurs spéciaux consécutifs à l'enquête de la Cour des comptes sur le service des pensions réalisée en application de l'article 58, 2°, de la LOLF, que la gestion des pensions, éclatée entre le service des pensions, les ministères employeurs et le réseau du Trésor public, ferait l'objet d'une réforme en 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques dont il faut espérer une rationalisation des systèmes d'information et une amélioration tant de la productivité que de la qualité du service.

Par ailleurs, la commission des finances suggère le lancement d'une réflexion sur la recherche d'autres moyens d'expression de la reconnaissance de la nation à l'égard des médaillés militaires et légionnaires, à titre militaire, en lieu et place de traitements dont le caractère symbolique et la modicité - 6 euros par an en moyenne - ne se trouve plus justifiée au regard de leur coût de gestion.

Enfin, la commission vous présentera également un amendement tendant à modifier les règles d'attribution de l'indemnité temporaire de résidence attribuée aux fonctionnaires retraités de l'État dans certaines collectivités d'outre-mer.

Ainsi, mes chers collègues, après avoir constaté l'oeuvre de clarification « lolfienne » de la présentation budgétaire du compte spécial « Pensions » et les perspectives de modernisation de sa gestion, la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de ces crédits.

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