Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même suivrons la position qu'a exprimée à titre personnel le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Bernard Piras.
L'examen des crédits de cette mission fait très largement écho au mouvement social récent, suspendu pour l'instant, qui a conduit le Gouvernement à entamer une négociation à laquelle il se refusait, le Premier ministre allant même jusqu'à déclarer que la réforme était faite et qu'il ne restait plus qu'à l'appliquer.
Je ne m'attarderai pas sur les crédits alloués à cette mission. Ceux-ci marquent une pause, et les crédits de paiement comme les autorisations d'engagement sont similaires à ceux de 2007. Or nous savons qu'il en manque - Bernard Piras, notamment, l'a souligné - et qu'il aurait été préférable, au contraire, de les augmenter : cela aurait permis d'éviter, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'adopter la mesure qui autorise la SNCF à emprunter pour financer la retraite de ses agents, ou de fixer les plafonds d'avances pour le régime général à 36 milliards d'euros et à 8, 4 milliards d'euros pour le régime agricole. Du jamais vu, mes chers collègues !
Vous comprendrez donc que mon attention - comme, je l'espère, la vôtre - se porte sur le sort que votre gouvernement entend réserver aux régimes des agents de la SNCF, de la RATP, des salariés de la Banque de France ou des gaziers et électriciens.
Je ne partage pas, loin s'en faut, votre analyse de la situation des régimes spéciaux, que le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Leclerc, décrit comme étant sous perfusion.
Ce faisant, il élude tout à fait volontairement la situation d'autres régimes tels que ceux des commerçants, des artisans, des agriculteurs. Ceux-là, vous le savez, sont sous assistance respiratoire, et pourtant vous ne les mentionnez pas, alors qu'ils nécessitent eux aussi le recours à la solidarité nationale. Vous taisez également le fait que les régimes spéciaux que vous décriez actuellement ne bénéficient que dans une proportion très limitée de la compensation généralisée par les caisses du régime général.
De la même façon, on aurait pu se pencher sur les régimes qui bénéficient de la surcompensation apportée par la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, que les budgets de nos collectivités alimentent sans que pour autant les pensions de leurs agents s'en trouvent améliorées.
Ce silence se comprend aisément : parler de tous ces aspects, ce serait reconnaître la nécessité d'une réforme structurelle de grande ampleur du financement de toutes les retraites. Vous ne pourriez plus, comme vous le faites actuellement, viser uniquement les régimes spéciaux !
Pourtant - vous ne l'ignorez pas, mes chers collègues, d'autant que M. le ministre l'a lui-même reconnu le 2 octobre dernier -, il ne s'agit pas d'une question d'argent : les économies réalisées seront minimes, et Dominique Leclerc le sait fort bien. C'est donc une question dogmatique, idéologique. Il ne s'agit pas non plus, contrairement à ce que peut affirmer M. Leclerc, d'un tabou : c'est bien plutôt une obsession de la droite et du MEDEF !
La question reste donc de savoir si votre gouvernement entend s'attaquer davantage aux régimes des agents ou à la remise en cause des droits spécifiques. Sur le fond, c'est radicalement différent ! Au demeurant, il semble bien que vous envisagiez de vous attaquer d'abord aux régimes de retraites, puis aux droits spécifiques.
Or ces droits, ne vous en déplaise, sont bien souvent financés dans des proportions non négligeables par les agents eux-mêmes. C'est particulièrement vrai dans le cas des IEG, les industries électriques et gazières, puisque ce sont les branches elles-mêmes qui financent les spécificités de leur régime.
Pour mémoire, à la SNCF, la cotisation des cheminots est à un taux bien plus important : un effort est donc consenti qui induit une réduction de fait du salaire. Il est vrai que la participation de l'État représente 54 % du financement de ce régime, mais, s'il l'assume, ce n'est pas par bonté d'âme : c'est qu'un règlement européen de 1969 sur la démographie l'y contraint, comme il contraint tous les autres pays européens.
Je conclurai par un mot sur le montant des pensions des salariés concernés. Vous le savez, leurs retraites sont bien plus faibles que celles des autres, de 10 % en moyenne. J'ai bien compris que des négociations sur ce sujet étaient entamées dans les entreprises ; nous en attendons les résultats.
Quoi qu'il en soit, les sénateurs du groupe CRC ne peuvent voter les crédits de cette mission.