Intervention de Paul Girod

Réunion du 1er décembre 2007 à 22h15
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : participations financières de l'état

Photo de Paul GirodPaul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient la charge, à cette heure tardive, de vous présenter trois missions au cours de cette unique intervention.

La mission « Engagements financiers de l'État » suscite deux questions relatives à la participation financière de l'État et à sa politique foncière, qui ont l'une et défrayé la chronique. La commission des finances a consacré un certain nombre de réunions ouvertes à deux aspects de ces deux politiques.

La mission représente, pour 2008, 42 milliards d'euros, soit pratiquement la totalité du déficit. C'est la troisième mission du budget général. En outre, 96 % de ses crédits correspondent au seul programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui est presque exclusivement consacré à la charge de la dette négociable. Par rapport aux prévisions de la loi de finances de 2007, cette charge augmente de 1, 6 milliard d'euros, à savoir la bagatelle de 4 % supplémentaires. Elle représente quelque 40, 79 milliards d'euros en crédits « évaluatifs », j'insiste sur ce terme, sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

Je rappelle que cette hausse importante est la conséquence d'un « effet taux » - je veux parler de la remontée des taux d'intérêt, y compris à long terme - conjugué à un « effet volume » de la dette à amortir.

Il faut rendre hommage à l'Agence France Trésor, qui, bien qu'un peu chahutée au cours de l'automne, a réussi à se débrouiller au mieux. Mais l'avenir n'est malheureusement pas sûr dans ce domaine !

Je ne recommencerai pas le débat que nous avons eu mercredi dernier sur la dette. Je n'en aborderai que deux éléments et rappellerai les questions qui n'ont pas reçu de réponses.

D'une part, compte tenu du recours massif prévu pour 2008 à des émissions de court terme, il est devenu difficile de distinguer ce qui relève de l'emprunt de ce qui relève de la trésorerie. Ainsi, 22, 4 milliards d'euros sont consacrés au court terme cette année !

Madame la ministre, nous avons posé cette question plusieurs fois lors du débat sur la dette : quelle raison a poussé à l'abandon - relatif, mais tout de même - de l'endettement à long terme au profit de l'endettement à court terme ? Si nous avons reçu des explications, elles ne portaient pas sur le fond. Je renouvelle donc l'interrogation de la commission.

De surcroît, avec une telle orientation, les recommandations de la LOLF ne sont pas aussi bien respectées qu'elles devraient l'être, et notre vote sur l'article d'équilibre perd une partie de sa signification dans la mesure où, s'agissant du plafond de variation nette de la dette négociable de l'État, il ne tient compte que de l'endettement à moyen et à long terme.

D'autre part, il apparaît que l'État se permet le « luxe » de dépenser au moins six à dix millions d'euros supplémentaires par an, frais liés à l'écart de taux entre les émissions de dette « sociale » et les émissions de dette « souveraine », alors que nous disposons, depuis deux ans déjà, du moyen technique de les économiser. Mais le Gouvernement ne met pas en oeuvre l'article 73 de la loi de finances pour 2006, adopté sur l'initiative du Sénat.

Vous nous avez dit dernièrement, monsieur le ministre du budget, à quel point cela vous semblait inopportun. Il n'empêche que la loi est là, et nous serions heureux de voir sortir les décrets d'application ! Ce serait un minimum ! Cette loi ne vous contraint pas, elle vous donne une possibilité. Au moins, n'écartez pas d'un revers de la main les votes du Parlement !

Le contexte du financement de la dette est sensiblement moins favorable en 2007 et 2008 qu'il ne l'a été en 2006, alors que les taux remontent. Deux palliatifs vont maintenant faire défaut.

En premier lieu, nous avions mis en place en 2006 un système de gestion dynamique de la trésorerie, qui permettait de limiter les effets de la dette. Il s'agit malheureusement d'un « fusil à un coup ».

En second lieu, les rachats de dettes permis par les recettes de cessions d'actifs financiers ne sont prévus qu'à hauteur de 3, 7 milliards d'euros pour 2008. On est loin des 17 milliards d'euros de 2006 qu'avait autorisés la privatisation des sociétés d'autoroutes. Certes, il s'agit, là encore, de prévisions !

J'en viens ainsi tout naturellement au compte spécial « Participations financières de l'État », pour n'en dire d'ailleurs qu'un mot.

Tout d'abord, les événements qui sont survenus à EADS avaient conduit un certain nombre d'entre nous à se pencher sur l'aspect quelque peu léonin du pacte d'actionnaires qui liait l'État. Je suis donc allé regarder d'un peu plus près ce qui se passait pour les autres participations de l'État. Dans la liste des pactes d'actionnaires qui lient l'État, liste qui figure dans mon rapport écrit, on n'en trouve aucun qui comporte des clauses aussi dérogatoires au bon sens que le pacte d'actionnaires d'EADS !

Ensuite, les documents budgétaires font apparaître pour 2008 une prévision de privatisations de près de 5 milliards d'euros. J'ai cru comprendre que ce chiffre, purement indicatif, était déjà satisfait, ou presque, mais le Gouvernement s'est limité à une annonce de 5 milliards d'euros afin de ne pas nuire aux intérêts patrimoniaux de l'État. L'annonce a tout de même provoqué quelques remous. La prudence du Gouvernement était par conséquent tout à fait compréhensible, mais nous aurons besoin du projet de loi de règlement pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

L'analyse du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » permet des remarques plus substantielles.

Pour 2008, l'objectif de cessions d'immeubles est fixé à 600 millions d'euros, contre une prévision de 500 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007. Cet objectif devrait certes être déjà atteint, voire dépassé, dès cette année, mais c'est grâce à la vente du centre Kléber du ministère des affaires étrangères, pour une somme qui atteint 404 millions d'euros. Cette vente a défrayé la chronique. Il ne sera peut-être pas aussi facile de rassembler les 600 millions d'euros !

À ce propos, je voudrais formuler quelques observations sur la politique immobilière de l'État, dont le devenir me paraît aujourd'hui subordonné à un choix politique clair.

Dans une première hypothèse, on se contente de l'agence France Domaine, qui gère les ventes et les achats de bâtiments. Mais, dans ce cas, il ne fallait pas mettre en place le Conseil de l'immobilier de l'État, devant lequel, je le dis au passage, certains ministères mentent, probablement par omission, mais sereinement, alors qu'ils sont normalement obligés d'exposer leurs programmes ! Si l'on se contente de cette orientation, on ne voit pas très bien non plus l'intérêt qu'il y a à continuer de développer des loyers « budgétaires ».

Dans une deuxième hypothèse, on veut mettre en oeuvre une véritable politique patrimoniale de l'État, avec un système à la fois centralisé et rationnel. Dans ce cas, il faut aller plus loin dans la direction que vous avez déjà prise, madame, monsieur les ministres. Pour réaliser un véritable effort de gestion immobilière, en effet, on ne se contente pas de vendre et d'acheter. On s'attache à arbitrer, rechercher des opportunités et fonder une véritable problématique de gestion. Dans le cas de l'immeuble situé au 20 de l'avenue de Ségur, à Paris, nous sommes loin de l'épure !

Il faut tout de même réviser les règles actuelles d'intéressement aux cessions qui font des ministères des quasi-propriétaires. Si les ministères restent, comme aujourd'hui, intéressés à hauteur de 85 % aux opérations de vente et que seulement 15 % de la vente sont consacrés au désendettement de l'État, on les conforte dans cette situation au lieu de les inciter à en sortir.

Par conséquent, je suis de ceux qui pensent qu'il faudrait, d'une part, réviser le pourcentage d'intéressement des ministères dans le cas où ils conserveraient une gestion individualisée des bâtiments, ce qui n'est pas la position du Sénat, et, d'autre part, à tout le moins, consacrer 25 % du produit de chaque opération au désendettement de l'État.

C'est dans cette ligne que s'inscrit l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure et qui concerne les travaux d'aménagement ou de rénovation nécessaires pour les immeubles de l'État. Il s'agit de mettre en oeuvre une gestion rationnelle du patrimoine immobilier de l'État.

Je vous présenterai également, au nom de la commission, un amendement portant sur la SOVAFIM, qui va exactement dans le même sens que le précédent, à savoir l'introduction d'une certaine souplesse dans le système.

Malgré ces observations, quelquefois un peu vigoureuses, je le reconnais, la commission des finances recommande au Sénat d'adopter les crédits inscrits pour ces trois missions.

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