Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 8 octobre 2010 à 9h30
Réforme des retraites — Article 5 priorité suite

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, le Gouvernement explique aux Français qu’il est important, voire urgent et nécessaire, de remettre en cause le système des retraites. « La » solution serait de revenir sur l’âge légal de départ à la retraite fixé actuellement à 60 ans pour les salariés ayant effectué une carrière complète.

Si l’allongement de l’espérance de vie est incontestable, en revanche, la méthode employée et la réforme que vous nous soumettez, monsieur le ministre, qui, au demeurant, est une réforme comptable à court terme, sont sujettes à caution.

Aucune négociation n’a été engagée avec les partenaires sociaux : vous confondez audition et dialogue social. Le présent projet de loi est examiné après engagement de la procédure accélérée. Le débat est limité dans le temps. Le Parlement est méprisé.

Les grands discours sur une République plus démocratique du Président de la République lors de la réforme de la Constitution voilà maintenant deux ans nous laissent un goût amer au regard de la pratique !

Je conteste la forme au même titre que le fond. Une réforme juste supposerait de donner plus à ceux qui ont moins. Or sur qui pèse le financement des retraites dans votre réforme ? Presque exclusivement sur les salariés !

Le besoin de financement s’élèvera à 40 milliards d’euros en 2050. Le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite contribuera à couvrir plus de la moitié de ce montant. Ces sommes vont être apportées par les salariés qui peuvent aujourd’hui partir à l’âge de 60 ans parce qu’ils ont les annuités nécessaires. Mais demain, il leur faudra attendre 62 ans. Je parle non pas de ceux qui, étant entrés sur le marché du travail plus tardivement en raison, par exemple, de la longueur de leurs études, auraient dû, de toute manière, travailler jusqu’à 62 ans, voire au-delà, mais de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles ou dont les carrières sont fragmentées, à l’instar des femmes.

Pis, vous accentuez les inégalités envers les salariés qui attendaient d’atteindre l’âge de 65 ans pour liquider leurs droits à la retraite – ce sont principalement les femmes – et qui devront désormais patienter jusqu’à 67 ans.

Travailler deux années supplémentaires, soit, mais encore faut-il trouver un emploi ! En fait, le report de l’âge légal de départ à la retraite ne constitue-t-il pas un jeu de dupes ? En effet, le revenu de solidarité active, ou RSA, risque fortement de devenir une véritable variable d’ajustement, passage obligé pour de nombreuses personnes en fin de carrière qui devront attendre d’être âgées de 62 ans afin de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein. Cet élément doit vraiment être pris en compte.

Les Français sont parfaitement prêts à faire des efforts, mais à condition que ces derniers soient justes, partagés équitablement et utiles. Or tel n’est pas le cas.

Enfin, vous délégitimez également le système par répartition aux yeux des jeunes générations. Ce système est un contrat intergénérationnel. Les salariés d’aujourd'hui cotisent parce qu’ils savent que les futurs salariés acquitteront à leur tour le même type de cotisations. Or les réformettes comptables qui nous sont proposées risquent d’effacer ce lien contractuel entre les générations.

Vous condamnez les jeunes âgés de moins de 25 ans à travailler bien au-delà de 65 ans, alors qu’ils rencontrent des difficultés extrêmes pour trouver un emploi, comme nombre d’orateurs l’ont indiqué. Pour mémoire, en France, le taux de chômage des jeunes actifs était de l’ordre de 23 % en 2009, bien en deçà de la moyenne mondiale de 13 % établie par le Bureau international du travail, ou BIT. Aujourd’hui, les jeunes doivent attendre plus de dix ans pour disposer d’un emploi stable : stages, petits boulots, contrats à durée déterminée sont leur lot quotidien. À cela, il faut ajouter les difficultés extrêmes auxquelles sont confrontés nombre d’entre eux pour trouver des structures d’accueil afin d’effectuer un contrat d’apprentissage ou un contrat en alternance.

Sauver notre système par répartition passe non seulement par la modification de paramètres financiers, mais aussi par une véritable réforme du marché du travail qui permette aux jeunes de trouver un emploi et aux seniors d’en conserver un.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe socialiste vous proposeront, mes chers collègues, de supprimer l’article 5.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion