Comment mieux dire que la guerre que l’on mène aujourd’hui contre la délinquance n’est pas celle d’hier et a fortiori celle de demain ? Comment mieux dire que l’on ne peut pas combattre avec succès la délinquance avec des recettes qui étaient éprouvées et qui avaient fonctionné voilà quinze ans ? Comment mieux dire qu’il importe de renouveler nos approches au vu de la réalité, qu’il faut en permanence s’adapter et anticiper ?
C’est l’enjeu du combat que nous avons engagé contre toutes les formes de la délinquance, avec le souci permanent d’adapter notre stratégie d’action aux réalités auxquelles sont confrontés nos concitoyens.
La concentration de nos moyens passe aussi par la mobilisation et la coordination de tous les acteurs de la sécurité au plan local, national et international.
À l’évidence, la sécurité est, d’abord, l’affaire de l’État. L’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrit dans le préambule de la Constitution, affirme que la sûreté fait partie des droits inaliénables et imprescriptibles de l’homme.
Mais la sécurité, c’est aussi l’affaire de tous. Chacun a un rôle à tenir. Elle est de la responsabilité de tous les élus. C’est une affaire non pas d’opposition, de majorité, de gauche ou de droite, mais d’intérêt général. Elle relève aussi de la responsabilité des collectivités locales, avec notamment le déploiement justifié des polices municipales et, désormais, des agents de sécurité privée, ainsi que des citoyens eux-mêmes qui doivent rester vigilants.
La sécurité exige donc une mobilisation de tous.
C’est pourquoi l’État établit des coopérations opérationnelles entre ses différents services. Je pense tout particulièrement au travail remarquable qui est réalisé conjointement par les services de l’éducation nationale, sous l’autorité de Luc Chatel, et les services de police ou de gendarmerie pour assurer la sécurité de nos enfants dans les collèges et les lycées. Les médias, et c’est bien normal, relatent et relaient les faits les plus graves. Mais on oublie souvent de signaler nombre d’incidents qui ont pu être évités ou gérés grâce aux équipes mobiles de sécurité que nous avons mises en place ou à la vigilance des enseignants et des gestionnaires des établissements. Je pense aussi au travail accompli avec les services du ministère du budget, sous l’autorité de François Baroin, pour frapper les délinquants au portefeuille.
Par ailleurs, à l’échelon local, grâce au plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, nous coordonnons plus efficacement l’action des acteurs locaux de la prévention en plaçant le maire au cœur du dispositif. Pour exercer leur pouvoir, les maires disposent de moyens humains, comme les polices municipales, et d’outils, tels que la vidéoprotection ou les contrats locaux de sécurité.
Enfin, la sécurité implique une intense coordination sur le plan international.
Chacun pense naturellement en premier lieu à la lutte contre le terrorisme. L’expérimentation des scanners corporels, en matière de sécurité aérienne, prévue dans le projet de loi, en est l’un des aspects.
Mais la coordination internationale ne concerne pas seulement ce domaine, car c’est souvent au-delà de nos frontières que se développent ou prennent appui des menaces telles que la cybercriminalité ou les trafics de drogue. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, avec le concours du ministre de l’intérieur espagnol, Alfredo Perez Rubalcaba, pendant la présidence espagnole de l’Union européenne, un pacte européen contre la drogue qui a été accepté à l’unanimité par tous mes homologues le 3 juin dernier.
Le deuxième mot d’ordre concerne la mobilité des acteurs. La capacité de mobilité de nos forces doit s’adapter à la mobilité des délinquants. C’est une évidence, mais je veux que vous me compreniez.
Comment était-il tolérable que nos policiers, lancés à la poursuite de braqueurs, par exemple, doivent s’arrêter devant le boulevard périphérique parce qu’ils n’avaient pas le droit administrativement de les pourchasser au-delà ? Le boulevard périphérique n’était pas, bien entendu, une frontière pour les délinquants ! Désormais, avec la police d’agglomération, ce n’est pas non plus une frontière pour les policiers !
Ce perfectionnement, c’est celui de la police d’agglomération. Nous allons fêter son premier anniversaire dans quelques jours, puisqu’elle a été créée le 14 septembre 2009.
Les résultats sont extrêmement encourageants. Nous avons tiré un premier bénéfice évident de la mutualisation de ces moyens. Au cours des dix derniers mois, la police d’agglomération parisienne a enregistré une baisse de 9, 8 % de la criminalité organisée et de la délinquance spécialisée, une diminution de 3, 8 % des cambriolages, ainsi qu’une chute de 23, 2 % des vols à main armée.
Il n’est pas inutile de le répéter encore une fois, ces chiffres ne sortent pas d’un chapeau, ce n’est pas moi qui les maîtrise. Ils sont établis par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, organisme dont vous connaissez l’indépendance. Un certain nombre d’élus socialistes publient d’ailleurs des livres conjointement avec son président. On ne peut donc pas dire que les statistiques qui nous ont été communiquées par cette instance soient sujettes à caution.
Puisqu’elle marche à Paris, cette réforme sera transposée ailleurs. À Lille, le projet est en cours de réalisation. À Lyon, le calendrier est d’ores et déjà fixé au 1er janvier. À Marseille, nous définissons le périmètre. Nous l’envisageons, sur la base de la concertation, en liaison avec les élus et les préfets, dans d’autres agglomérations.
De même, s’agissant de la gendarmerie, la mise en place, dès cet automne, d’une « police des territoires » permettra une adéquation renforcée entre les bassins de vie et les bassins de délinquance. C’est en quelque sorte le miroir de ce qui avait été fait pour la police d’agglomération.
Il existe des différences de points de vue, et heureusement dirais-je. Ainsi, certains responsables socialistes veulent concentrer les moyens sur des départements identifiés. Il y a là une certaine logique, que je ne conteste pas. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de départements urbains. Or, j’entends, pour ma part, qu’aucun territoire, je dis bien aucun, ne soit négligé, et notamment les zones rurales ou semi-rurales.
La mobilité suppose aussi le positionnement de structures organisées. C’est pourquoi j’ai annoncé la création, d’ici à la fin de l’année, de vingt-six Unités territoriales de quartier, ou UTeQ, nouvelle génération, qui sont en réalité des brigades spécialisées de terrain – cette dénomination plus compréhensible correspond à une évolution –, là où le besoin s’en fait sentir, ce qui implique l’établissement d’un diagnostic.
À l’occasion d’un de mes déplacements au mois d’août, notamment à Perpignan et à Toulon, j’ai observé que la délinquance était organisée non pas par quartiers, mais par zones. Il faut donc que ces UTeQ nouvelle génération puissent être assez mobiles.
Elles assureront des missions extrêmement précises et ciblées sur l’intervention et la répression des crimes et délits. Leur champ d’action se situera dans des bassins de délinquance importants au périmètre circonscrit.
Elles auront un seul mot d’ordre : le terrain. En clair, elles ne seront pas composées d’agents d’ambiance ou d’éducateurs sociaux dans des bureaux. Elles assureront d’autres responsabilités.
Une adaptation constante au terrain est nécessaire. À cette fin, j’évaluerai la situation avec l’autorité judiciaire, les élus et les acteurs sociaux, afin de décider, au vu des résultats, des besoins et des attentes, du maintien ou non de l’unité en place, de son adaptation ou de son redéploiement sur une zone devenue plus sensible.
Il s’agit donc non pas d’une suppression des UTeQ, mais d’une évolution, notamment dans leur champ de compétence géographique. Deux de ces UTeQ nouvelle génération vont être mises en place dans les prochaines semaines à Perpignan et à Toulon. J’indique d’ores et déjà que vingt-quatre autres unités suivront.
À partir de là, nous devons avoir une stratégie de ciblage des actions. À chaque problème identifié doit correspondre une réponse ciblée.
« La police, c’est du pragmatisme » écrivait dans un quotidien, voilà quelques jours, Alain Bauer, le président de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Parce qu’il faut frapper là où ça fait mal, ce sont, aujourd’hui, sept plans d’action opérationnels qui sont mis en œuvre au service de la protection des Français.
Je citerai d’abord le plan anti-cambriolages. Un cambriolage est souvent ressenti, à juste titre d’ailleurs, comme le viol d’une intimité personnelle ou familiale. Les résultats en matière de lutte contre les cambriolages étaient très mauvais et s’étaient dégradés. Des explications sont proposées par les sociologues, mais là n’est pas notre propos.
Après une baisse massive entre 2002 et 2008, le nombre de cambriolages a augmenté l’année dernière, de 13 % en juillet, de 14 % en août et de 8 % en septembre. Face à cette situation, nous avons créé des unités spécialisées : les cellules anti-cambriolages. Mises en place entre septembre et mi-octobre 2009, elles sont aujourd'hui au nombre de 106 en France. Elles ont permis d’inverser la tendance : après l’augmentation incontestable du nombre de cambriolages l’année dernière, nous avons enregistré une baisse de 3, 5 % au cours des sept premiers mois de l’année 2010. Ainsi, la tendance a été non seulement endiguée, mais totalement inversée.
Parallèlement, le plan contre les trafics de stupéfiants, avec pour priorité l’éradication des deals de proximité, s’appuie sur l’effort de la police. À côté du combat noble contre le trafic de stupéfiants et les grandes filières, absolument indispensable, il y a le combat du quotidien. Des opérations lourdes ont été lancées, à la satisfaction des élus concernés, me semble-t-il. Je pense au département de la Seine-Saint-Denis – à Sevran, à Saint-Denis, notamment tout autour de l’esplanade. J’ai cru comprendre que ce plan avait répondu aux attentes qui s’étaient manifestées.
Le plan de démantèlement des bandes violentes est lui aussi très important. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes majoritairement, par définition, des élus de zones « extra-Île-de-France ». La réalité est très simple : le phénomène des bandes violentes n’existait pas ou très peu voilà une vingtaine d’années. Encore une fois, je parle sous couvert des anciens ministres d’État, ministres de l’intérieur, qui sont présents dans cette enceinte. Le phénomène qui se développe présente deux caractéristiques majeures. D’une part, il est un peu plus violent et implique l’emploi d’armes. D’autre part, on constate une féminisation sensible de ces bandes. Aujourd’hui, le phénomène concerne l’Île-de-France à 80%. Si vous n’aviez pas voté la loi « anti-bandes » au mois de mars denier, la situation se dégraderait inéluctablement et toutes les collectivités importantes, puis moyennes, auraient été concernées.
Il faut souligner aussi le plan de lutte contre le hooliganisme, le plan de sécurisation des transports en commun, le plan de lutte contre les violences scolaires et, enfin, le plan de sécurité des personnes âgées. Je ne peux pas revenir en détail sur chacun d’entre eux.
Permettez-moi cependant de redire un mot au sujet du plan anti-cambriolages. J’ai demandé que la police technique et scientifique intervienne sur chaque lieu de cambriolage. Les résultats sont spectaculaires. Pourquoi ? Parce qu’il est rare que quelqu’un se réveille le matin en se disant : « J’ai un problème de fin de mois, je vais aller cambrioler le voisin ! ». Les cambriolages sont plutôt le fait de petits ou de grands réseaux. Grâce à la police scientifique, on s’aperçoit que le cambrioleur interpellé a non pas un cambriolage à son actif, mais souvent une trentaine au minimum. Je ne veux pas mettre en cause l’insularité, mais je me dois de rappeler que, sur ce territoire de la République, nous avons interpellé, au milieu de l’été, une équipe de cambrioleurs qui en était à son soixante-quatrième cambriolage. Sans l’intervention de la police scientifique, il aurait fallu beaucoup de temps avant d’y parvenir.
À cet égard, je pense également à la délinquance itinérante, qui pose un vrai problème. Je vous le dis comme je le constate, sans céder à l’hypocrisie du politiquement correct : dès l’installation de certains campements illicites bien identifiés s’étaient développés cambriolages et autres faits de délinquance.
Les forces de sécurité ont reçu un mot d’ordre clair : les campements illicites où femmes et enfants vivent dans des conditions inacceptables doivent être démantelés et les réseaux, les malfrats et les crapules qui y sévissent doivent être arrêtés. Le Gouvernement n’entend pas interrompre cette politique.