... et bardé de certitudes – on y procédait à des études de cas où revenaient régulièrement les notions de retours sur investissement, de cash flow, etc. –, je me suis trouvé confronté à la réalité, ce qui m’a notamment conduit à présider un comité d’hygiène et de sécurité. À cette occasion, un représentant du personnel qui se trouvait être un prêtre-ouvrier m’a déclaré ceci : « Monsieur le directeur, ce que vous dites est très bien, mais venez avec nous voir comment vit votre personnel avant qu’il n’arrive dans votre établissement. » Rendez-vous fut pris et j’ai essayé de suivre un peu la vie de ces personnes, notamment des femmes, qui travaillaient dans mes services, à la buanderie, au nettoyage, dans des conditions très difficiles. Je me suis rendu compte que ces femmes – c’était moins vrai pour les hommes – faisaient en fait deux journées de travail : lorsqu’elles arrivaient dans l’établissement que je dirigeais, elles avaient déjà une journée de travail complète derrière elles, généralement accomplie très tôt le matin. S’y ajoutaient des problèmes invraisemblables, qui les épuisaient, pour trouver des lieux où faire garder leurs enfants.
J’ai regardé, ensuite, combien ces salariés étaient payés exactement. Car je n’avais eu auparavant qu’une vue globale des traitements : quelques minutes suffisaient pour signer 2 000 traitements ; tout avait été vérifié par la technostructure interne. Eh bien, quand j’ai vu précisément ce que chacun percevait à la fin du mois, j’ai eu honte !
Je tenais à évoquer ces personnes dans cette discussion, monsieur le ministre, parce que, pour elles, le recul de 60 ans à 62 ans est un véritable drame !