Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 8 octobre 2010 à 9h30
Réforme des retraites — Article 5 priorité suite

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Les grandes sociétés ont la possibilité de donner des actions gratuites à leurs salariés. Le recours à cette rémunération, qui ne serait pas un salaire, d’après les textes votés par vous-mêmes, chers collègues de la majorité, permet d’« instaurer des critères d’attribution plus performants et d’asseoir une meilleure politique de rémunération au profit des bénéficiaires ». Que d’hypocrisie ! On reconnaît que l’attribution gratuite de ces actions est une rémunération, mais l’on se refuse à l’assimiler à un salaire.

Il est facile de comprendre que, pour l’entreprise, l’avantage des actions gratuites réside dans leur coût extrêmement faible par rapport aux autres moyens de rémunération et leurs modalités permettant de récompenser l’ancienneté et les performances des salariés. Il s’agit ni plus ni moins d’un salaire au mérite déguisé et non soumis à la législation sociale.

Cette politique de rémunération différée, au cas par cas, pour ne pas dire à la tête du client, se situe au-dessus des lois et permet au grand patronat de s’exonérer de ses obligations sociales.

Pis encore, les bénéficiaires peuvent même se dispenser de leurs obligations fiscales, en plaçant leurs actions gratuites sur un plan d’épargne d’entreprise à l’issue de la période d’acquisition. Certes, celles-ci deviennent alors indisponibles pendant cinq ans, mais, en contrepartie, les bénéficiaires sont exonérés de l’impôt sur le revenu afférent aux plus-values d’acquisition et de cession.

Les sociétés sont également autorisées à déduire de leurs résultats fiscaux les charges entraînées par l’attribution gratuite d’actions en y intégrant notamment les frais de rachat des titres, les moins-values réalisées et les frais de gestion.

En réalité, ce salaire déguisé versé aux salariés, c’est tout bénéfice pour l’entreprise, qui se comporte en fait comme si elle ne déclarait pas une partie des salaires. On s’étonne ensuite que nos caisses de retraite et d’assurance maladie soient en difficulté !

En excluant les plus-values d’acquisition d’actions gratuites de l’assiette des cotisations de la sécurité sociale, de la CSG et de la CRDS, vous considérez que cette rémunération n’est pas un salaire. L’entreprise peut ainsi s’en donner à cœur joie, avec votre bénédiction, monsieur le ministre, pour se dispenser de contribuer à la solidarité nationale.

Nous pensons qu’il est temps de mettre un terme à ces détournements légalisés de notre droit social et de soumettre ces rémunérations à la législation sociale, notamment pour ce qui concerne l’assujettissement à la part patronale des cotisations sociales. Cela permettrait d’attribuer des ressources supplémentaires aux caisses de retraite. En agissant comme vous le faites, vous contribuez au contraire à assécher celles-ci. Vous favorisez uniquement les grosses entreprises et détruisez le principe de solidarité qui devrait présider au bon fonctionnement de la protection sociale.

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