Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, première des libertés, comme l’a rappelé le rapporteur pour avis M. Jean Faure, la sécurité demeure aussi la préoccupation première de tous.
Ne nous perdons pas dans de vaines querelles sémantiques qui dégénèrent en querelles politiciennes, mais gardons à l’esprit l’objectif unanimement partagé : nous devons faire reculer la délinquance, sous toutes ses formes, par une performance accrue de nos forces de sécurité intérieure. Le projet de loi soumis aujourd’hui à notre assemblée doit y contribuer.
Ce projet de loi constitue le deuxième grand texte de programmation en matière de sécurité depuis 2002. Il s’inscrit en effet dans la suite de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI 1, du 29 août 2002.
La LOPPSI 2 présente toutefois des différences significatives avec le précédent texte. Elle tend à définir les objectifs et les moyens budgétaires et juridiques de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile jusqu’en 2013. Ainsi, alors que la LOPSI 1 n’intégrait pas la sécurité civile dans son champ de programmation, la LOPPSI 2 traite pleinement ce volet.
Loin d’être de pure forme, ce changement traduit une évolution notable dans l’approche des questions de sécurité nationale. Il prend en compte les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a conforté la responsabilité du ministère de l’intérieur dans la préparation et l’exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile.
Par ailleurs, alors que la LOPSI 1 était centrée sur une problématique de moyens, la LOPPSI 2 associe à cette préoccupation une logique de performance. À cet égard, elle ne peut être dissociée de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Avec un système d’évaluation, l’état 4001, qui n’a pas changé depuis les années soixante-dix, et qui reste donc le même quelle que soit la couleur du gouvernement, la lutte contre la délinquance a enregistré de réels succès depuis 2002. Je le rappelle après mes collègues, car le résultat illustre le bien-fondé des mesures précédentes : entre 2002 et 2009, la délinquance générale a reculé de 14, 4 %, la délinquance de proximité de 35 % et les atteintes aux biens de 27, 2 %. Cependant, les résultats sont contrastés en 2009, notamment s’agissant des atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui ont crû de 2, 7 %. Cela nous amène à redoubler de vigilance et à améliorer l’efficacité de l’organisation des forces de sécurité.
À cet égard, mes chers collègues, je voudrais insister sur un point essentiel. Au cours des dernières années, dans tous les pays, la délinquance s’est adaptée aux systèmes de sécurité et a évolué, en tirant notamment profit du développement des nouvelles technologies. La sécurité intérieure en France ne peut plus, dès lors, ni commencer ni s’achever aux frontières de la métropole et des territoires ultramarins. Il existe au contraire une véritable continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, et nul ne peut désormais s’en abstraire. En un mot, l’horizon de la sécurité intérieure a été insensiblement repoussé au profit d’un concept véritablement global. Enfin, le contexte économique de crise n’est pas sans incidence sur certains comportements délictueux, en particulier les atteintes aux biens.
Devant cette nouvelle donne, la LOPPSI 2 se fixe pour ambition d’apporter une réponse, efficace et justement calibrée, aux formes les plus usuelles de délinquance comme aux plus modernes.
Ce texte permet également de mettre un terme à une « incongruité législative », que j’avais soulignée en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité », lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. En effet, en 2009 comme en 2010, le budget de la mission « Sécurité » était adossé à la LOPPSI 2, alors même que le Parlement n’avait pas encore été amené à se prononcer ! Un tel montage, inacceptable, ne pouvait perdurer dans la mesure où il contribuait à brouiller la bonne lisibilité de l’évolution des budgets des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».
L’article 1er de la LOPPSI 2 renvoie à un rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013.
La programmation financière contenue dans ce rapport présente la spécificité de distinguer les crédits de paiement uniquement par mission, et non par programme, ce qui lui confère davantage de souplesse.
Entre 2009 et 2013, les crédits de la mission « Sécurité » devraient ainsi augmenter de 310 millions d’euros, soit 2, 7 %, pour atteindre 11, 7 milliards d’euros.
Cette progression peut être qualifiée de modeste, car elle demeure inférieure à l’inflation attendue sur la période. Il faut voir là la contribution de la mission « Sécurité » à l’effort de diminution des dépenses publiques dans le cadre de la RGPP.
L’augmentation envisagée des crédits pour la mission « Sécurité civile », qui sera dotée de 436 millions d’euros, est beaucoup plus substantielle : elle se monte à 55 millions d’euros, soit une progression de 14, 5 %. Elle doit toutefois être relativisée dans la mesure où elle s’explique par le désengagement outre-mer du ministère de la défense. Certaines des missions de ce ministère seront ainsi prises en charge par la sécurité civile, qui doit dans ce cadre acquérir de nouveaux hélicoptères.
Au total, en passant de 11, 8 milliards d’euros en 2009 à 12, 2 milliards d’euros en 2013, les crédits consacrés à la sécurité intérieure progresseront donc, sur la période, de 365 millions d’euros, soit 3, 1 %.
Au regard des perspectives de hausse des crédits tracées par la LOPPSI 2, on ne peut toutefois manquer de s’interroger sur la conformité de cette évolution avec l’intention exprimée par le Gouvernement de stabiliser les crédits des missions budgétaires en 2011. Ainsi un gel des dépenses de l’État, en valeur, de 2011 à 2013, hors pensions et charge de la dette, a-t-il été annoncé. Le Premier ministre a par ailleurs précisé que « les dépenses de fonctionnement courant [...] diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 ».
Plus encore, la programmation triennale sur la période 2011-2013 présentée par le Gouvernement au Sénat à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques, le 8 juillet dernier, ne reprend pas la trajectoire budgétaire fixée dans la LOPPSI 2. S’agissant des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », elle se montre en effet plus restrictive que la programmation proposée dans le présent projet de loi.
Les différences entre la programmation triennale et la LOPPSI 2 appellent donc inévitablement une remise en cohérence de la part du Gouvernement. L’incertitude actuelle est en effet grandement préjudiciable à la bonne lisibilité des crédits consacrés à la sécurité intérieure au cours des trois prochaines années.
Sous cette réserve d’importance, le rapport annexé au présent projet de loi distingue les crédits qui seront destinés à financer spécifiquement les priorités de la LOPPSI 2.
Les dépenses de personnel – titre 2 – ainsi « ciblées » doivent permettre de financer les mesures relatives à la situation des personnels, prévues par le protocole relatif aux corps et aux carrières dans la police nationale, ainsi qu’à celle des personnels de la gendarmerie nationale, prévues dans le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE. Elles se montent à 766 millions d’euros sur la période 2009-2013.
S’agissant de la problématique de la dépense de personnel et de l’évolution des effectifs, on ne peut rester sourd aux craintes récemment exprimées au sujet des suppressions de postes engagées dans le cadre de la RGPP. Il faut néanmoins rappeler que la densité des forces de sécurité intérieure dans notre pays est supérieure à celle de nombre de nos voisins européens. À titre de comparaison, le ratio des effectifs de police rapporté à la population totale s’établit à un policier pour 248 personnes en France, mais à un policier pour 278 personnes au Royaume-Uni, et à un pour 326 en Allemagne. Une telle remise en perspective est indispensable.
Les autres crédits de la LOPPSI 2, c’est-à-dire les crédits de fonctionnement et d’investissement, s’élèvent à 1, 7 milliard d’euros. Ils visent à couvrir les grands programmes destinés à mettre en œuvre les orientations déclinées dans le rapport annexé.
Au total, 69, 8 % des crédits « ciblés » dans le cadre de la LOPPSI 2 sont consacrés à des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Selon les informations communiquées par le Gouvernement, pour la police nationale, ce sont 878 millions d’euros en crédits de paiement et 1, 2 milliard d’euros en autorisations d’engagement qui sont « fléchés » par la LOPPSI 2 entre 2009 et 2013.
Au titre de la modernisation technologique, 456 millions d’euros permettront notamment de financer des programmes tels que la modernisation des systèmes d’information et de communication, pour 46 millions d’euros, ou encore le développement des moyens d’investigation et la lutte contre la cybercriminalité, pour 22 millions d’euros.
Pour la gendarmerie nationale, 764 millions d’euros en crédits de paiement et 1, 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement devraient être dédiés, entre 2009 et 2013, à quelques grands programmes tels que le développement des capacités d’investigation technologique, avec un budget prévisionnel de 56 millions d’euros, ou la diffusion de la biométrie au service de la gendarmerie, pour 14 millions d’euros.
Au total, du point de vue budgétaire, la LOPPSI 2 fournit donc un cadre législatif attendu. Mais ne nous leurrons pas. Il n’a jamais existé, et il n’existera jamais de société parfaitement sûre, même dans les régimes qualifiés de policiers : le concept d’une sécurité totale, absolue, reste une vue de l’esprit, quels que soient les moyens engagés.
De même, les stériles querelles sémantiques ou politiciennes que j’évoquais en préambule de mon propos doivent être écartées. Ainsi, la police de proximité, sujet hautement polémique, a trop longtemps versé dans l’accompagnement social, alors que la politique de sécurité doit avant tout s’appuyer sur les deux piliers cardinaux que sont la prévention et la sanction. Dans ce domaine, comme dans d’autres, seul le pragmatisme est gage de résultats.
Dans le même esprit, comment ne pas s’interroger sur les préventions de certains à l’égard de la vidéoprotection ? Les résultats probants obtenus grâce aux caméras de surveillance, en matière de lutte contre la délinquance et de prévention de la délinquance, doivent bien au contraire nous inciter au développement le plus large possible de cette technologie au service de la sécurité de nos concitoyens.
En 2002, j’écrivais dans mon rapport sur la LOPSI 1 qu’« aujourd’hui, l’insécurité est devenue un véritable défi pour l’État ». En dépit des progrès réalisés, cette conclusion demeure valable.
Face à ce constat, le jugement pouvant être porté sur la LOPPSI 2 repose au moins autant sur la trajectoire budgétaire qu’elle fixe à nos forces de sécurité que sur la stricte application de cette feuille de route dans les années à venir. La réussite, ou l’échec, de cette loi d’orientation relèvera donc d’un double défi : à la fois la volonté politique ferme de maintenir le cap, mais aussi notre capacité financière à soutenir la dépense.
Le cap est donc fixé, il faut désormais le tenir.
En conclusion, la commission des finances donne un avis favorable à l’adoption de l’article 1er du projet de loi, ainsi que du rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013, sous réserve des précisions que le Gouvernement devra apporter sur l’articulation et la compatibilité entre la programmation prévue par ce texte et la mise en œuvre des engagements pris par la France dans le programme de stabilité 2010-2013 transmis au Conseil et à la Commission européenne.