Intervention de Alain Anziani

Réunion du 7 septembre 2010 à 16h00
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Si M. Estrosi avait examiné les travaux du Gouvernement et du Parlement, il aurait vu qu’un tel partenariat est déjà prévu par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Or, comme l’a rappelé M. Courtois à la page quatorze de son rapport, le Conseil national des villes déplore la « quasi-absence de mise en œuvre de cette loi », imputable à la défaillance de l’État.

Dans la même veine, vous avez proposé de façon fracassante la déchéance de la nationalité. Faut-il ou non déchoir de la nationalité ? La réponse est venue, cinglante, du président de notre assemblée lui-même, qui vous a invité à relire l’article 25 du code civil, lequel permet déjà au juge de prononcer une telle déchéance.

Vous nous avez fait voter il y a peu de temps une loi instaurant la rétention de sureté. Ce matin, dans le quotidien Libération, notre collègue Jean-René Lecerf – il me permettra de le citer – a fait le bilan de ce dispositif : il constate que la rétention de sûreté – vous avez parlé de pragmatisme, monsieur le ministre – s’applique aujourd'hui à un cas. Une loi a été adoptée pour un cas !

Plus généralement, Mme le garde des sceaux a eu l’honnêteté de reconnaître que 40 % des incriminations pénales ne sont jamais utilisées.

Cette addiction à la loi donne-t-elle au moins des résultats ?

Le Président de la République a donné sa réponse le 30 juillet dernier à Grenoble. Avec lucidité, il s’est dressé en procureur de sa propre politique : l’insécurité ne diminue pas, a-t-il dit, et ce en dépit de toutes les mesures adoptées ces dernières années.

M. Courtois confirme cet échec dans son rapport. Certes, le nombre de faits de délinquance a baissé, mais la délinquance la plus grave et la plus traumatisante pour les victimes a, elle, augmenté. Les coups et blessures volontaires se sont accrus de 40 % depuis 2002. Vous n’avez pas mentionné ce taux – il figure à la page quinze du rapport – lors de votre intervention, monsieur le ministre.

Toutes les statistiques sont discutables, nous le savons, mais nous pourrions au moins nous accorder sur cette évidence : plus de lois n’ont jamais donné moins de délinquants.

Je me suis interrogé sur les raisons d’un tel écart entre les déclarations musclées et la faiblesse des résultats ?

Il m’est revenu en mémoire un dessin publié dans l’hebdomadaire Marianne : le dessinateur ironisait sur le fait que le Gouvernement veut faire monter la peur du gendarme... sans gendarme. Voici en effet une première explication à la faiblesse des résultats : plus de 9 000 ETPT, les équivalents temps plein travaillés, de policiers et de gendarmes ont d’ores et déjà disparu et 6 500 suppressions sont prévues d’ici à 2013.

La seule police nationale a vu fondre ses effectifs de 5 822 ETPT entre 2008 et 2011. Cette diminution va s’accentuer, 3 963 emplois devant encore être supprimés. Le sort de la gendarmerie est identique : au cours de la même période, 4 046 emplois ont été supprimés et on évoque une baisse de 2 500 postes pour les prochaines années.

Au total, le nombre de personnels dits « actifs », hors adjoints de sécurité, s’élève à 117 925, soit exactement 10 891 de moins qu’en 2002 !

Cette rigueur budgétaire frappe non seulement les effectifs, mais également les locaux – les 436 commissariats de France –, les véhicules, et même, nous l’avons vu récemment dans un reportage, la papeterie.

Ce qui est sans doute le plus grave, c’est que ces restrictions budgétaires qui résultent de la RGPP ne sont évidemment pas sans conséquence sur la vie quotidienne des policiers, voire sur leur vie tout court. Faute d’effectifs suffisants, ils sont en effet plus exposés. C’est ainsi que le nombre de policiers blessés en service a augmenté de 39 %. Au cours des deux premiers mois de l’année 2010, 1 100 policiers ont déjà été blessés en action.

Un autre chiffre m’inquiète. On évoque très souvent le nombre de suicides chez France Télécom. Or, selon les organisations syndicales, le nombre de suicides dans les forces de police est deux fois supérieur à celui que l’on constate dans cette entreprise.

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