Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève compte tenu du délai qui m'est imparti dans cette nouvelle procédure d'examen de la loi de règlement dans le cadre de la LOLF.
Je me félicite que M. le ministre de la culture ait accepté que son budget soit, si j'ose dire pour une oeuvre d'art comme le sien, « sur la sellette » devant le Sénat. Mais il sait l'intérêt que la Haute Assemblée porte à la politique culturelle.
Comme le montre le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, cette année aura marqué une étape significative dans le retour à une présentation plus sincère du budget du ministère de la culture.
Dès 2003, le Gouvernement avait souhaité rompre avec une pratique que personne ne songeait à remettre en cause et qui avait vu se creuser l'écart entre les dépenses nettes d'une part et les crédits votés d'autre part.
Cet écart, particulièrement sensible en matière de dépenses d'investissement, faussait l'autorisation budgétaire et dispensait en quelque sorte le ministère de se livrer à une évaluation précise de ses besoins effectifs.
Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2004, la Cour des comptes enregistrait un renversement de tendance positif puisque le taux de consommation des crédits de paiement avait augmenté, pour s'établir à plus de 90 % contre 72, 4 % en 2003. Et, à la fin de l'exercice 2004, le ministère a résorbé l'essentiel des reports excédentaires qui n'avaient cessé de croître au cours des années précédentes.
Cette opération vérité était nécessaire - et de nécessité il fallait faire vertu -, d'autant que les dispositions de l'article 15 de la LOLF limitent à 3 % les possibilités de report de crédits d'un exercice sur le suivant.
Cette discipline budgétaire rendra toute sa réalité à l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement. Elle vous imposera également, monsieur le ministre, une programmation très fine, reposant sur une évaluation plus précise des besoins réels du ministère.
Cette tâche ne sera pas facile, l'exemple que vient d'évoquer Yann Gaillard sur les crédits consacrés au patrimoine architectural dans la loi de finances pour 2004 le montre bien.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, il était prévu une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques, hors grandes opérations, de 10 %. Le montant des autorisations de programme était ainsi passé de 204 millions d'euros en 2003 à 224 millions d'euros en 2004. Le Sénat s'en était réjoui, et j'avais salué, dans le rapport que j'avais présenté au nom de la commission des affaires culturelles, cet effort particulier réalisé dans un domaine qui revêt depuis longtemps pour la Haute Assemblée une importance particulière.
Mais faute de pouvoir continuer à puiser, comme les années précédentes, dans les confortables réserves des reports de crédits, le ministère s'est retrouvé dans une situation délicate pour honorer ses engagements.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire parfaitement Yann Gaillard, mais j'observe que dans de nombreux départements les chantiers ont été ralentis, voire suspendus, et que les appels d'offres correspondant au lancement de nouvelles opérations se sont raréfiés. Les entreprises spécialisées, qui sont habituellement plutôt modérées, ont tiré le signal d'alarme et ont indiqué que certaines se trouvaient dans des situations difficiles, au point que quelques-unes avaient dû déposer leur bilan.
Ces tensions se sont manifestées malgré l'effort réel réalisé par le Gouvernement. Je tiens d'ailleurs à vous rendre un hommage particulier, monsieur le ministre, parce que vous avez pu obtenir 20 millions d'euros de redéploiements de crédits et 31 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, auxquels s'ajouteront les engagements d'affectation au patrimoine historique d'une partie des recettes dites de privatisation.
Les règles nouvelles de la LOLF vont vous imposer, monsieur le ministre, de persévérer dans la voie de la vérité des comptes que le Gouvernement avait choisie de privilégier dès 2003. Nous devons donc tirer tous les enseignements des difficultés rencontrées dans l'exécution du budget de 2004, de façon à parvenir à un meilleur ajustement des moyens et des besoins de votre ministère.
Ces difficultés m'inspirent deux voeux - j'espère qu'il ne s'agira pas de voeux pieux - et trois brèves questions.
Je souhaite tout d'abord que le ministère poursuive les efforts engagés sous votre impulsion - une impulsion que je tiens à saluer - pour se doter d'une programmation mieux ajustée de ses dépenses, à l'échelon national comme à l'échelon déconcentré.
Cette programmation ne sera cependant possible que si votre ministère sait pouvoir compter sur les crédits que lui ouvre la loi de finances initiale. J'espère, et c'est mon second voeu, que le Gouvernement fera preuve d'une très grande modération - et c'est un euphémisme - dans la pratique des gels et des annulations de crédits dans ce que l'on appelle pudiquement la « régulation budgétaire », qui a produit des effets désastreux à maintes reprises, notamment dans le domaine du patrimoine historique.
J'en viens à mes trois brèves questions:
Tout d'abord, quelles conclusions pouvons-nous tirer des tensions constatées en 2004 quant au niveau souhaitable des moyens de paiement consacrés au patrimoine historique ? Ensuite, quels objectifs vous fixez-vous dans ce domaine ? Enfin, comment ces objectifs peuvent-ils s'inscrire dans les perspectives qui avaient été ouvertes par le plan national de septembre 2003 pour le patrimoine et qui avaient pour ambition de porter ces enveloppes financières, hors grandes opérations, à 260 millions d'euros en 2008 ?
Je vous remercie des précisions que vous pourrez nous apporter, monsieur le ministre, car elles contribueront à nourrir la réflexion que va engager la commission des affaires culturelles en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, dans le cadre de la mission d'information sur le patrimoine dont le bureau du Sénat vient d'autoriser la création.