Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 12 octobre 2005 à 21h45
Règlement définitif du budget de 2004 — Débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Grâce à la décision d'un de vos nouveaux collègues, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le ministère de la culture et de la communication n'a pas, au titre de 2004, été soumis à la régulation budgétaire. En effet, l'ensemble des crédits dont vous aviez bien voulu le doter pour l'année 2004, reports de crédit 2003 sur 2004 inclus, sont restés libres d'emploi. C'est très important !

Désormais, ce ministère ne vit plus sur les reports. Même si, sur le plan de l'orthodoxie budgétaire, cela pouvait paraître choquant, pour le ministre, c'était une bouffée d'oxygène qui lui permettait de faire face à un certain nombre d'obligations. Mais, aujourd'hui, rue de Valois, « on en est à l'os », pour employer une expression triviale. A partir du moment où ligne par ligne, capacité d'intervention par capacité d'intervention, mes marges de manoeuvres et mes ajustements d'une priorité à une autre sont totalement restreints, les principes très féconds de la fongibilité, qui sont les principes mêmes de la LOLF, ne me permettent plus de bénéficier de reports de crédits.

La période faste est derrière nous, j'ai la franchise de le dire. Comme le montre l'exécution du budget pour 2004, mon ministère a consommé l'ensemble des crédits ouverts, avec des taux compris entre 90 % et 100 %, voire supérieurs à 100 %... ce qui signifie qu'il y a des impayés dans l'air. Oui, c'est la vérité, et c'est la raison pour laquelle je me bats pour redéfinir en amont les concepts.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si le ministère de la culture et de la communication est libre d'utiliser les crédits que vous votez, il peut alors exécuter strictement et régulièrement la loi de finances et présenter les résultats que vous attendez. En revanche, si l'on en revient à l'exercice néfaste des gels et dégels de crédits, ce ministère, ayant trop peu de marges de manoeuvre, sera obligé d'annuler ou de reporter des pans entiers de son action, ce qui créera des reports de charges et de crédits, faisant ainsi apparaître les orientations nouvelles comme vides de contenu.

Certains me reprochent de « flécher » des crédits. Ainsi, lorsque je prends des engagements - ce que j'ai fait pour la politique de l'emploi dans le domaine du spectacle vivant -, au moment où j'individualise les crédits en disant que telle somme ira pour telle région et pour telle mesure de soutien à l'emploi, on m'objecte qu'il faut affecter l'ensemble des mesures nouvelles à la création. Flécher des dizaines de millions d'euros suppose toutefois des contraintes redoutables !

J'entends la valse des mouvements browniens, mais j'essaie de faire en sorte que toutes les politiques contractuelles de l'Etat profitent à l'action culturelle et je regrette aujourd'hui - je réunirai bientôt les préfets de région sur cette question - que, dans la politique de la ville, dans la politique de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, ou dans la politique du logement social, une partie des actions culturelles et artistiques ait tendance à disparaître. C'est pour moi une nécessité absolue : dans un certain nombre de mes domaines d'intervention, les chiffres paraissent peu importants, mais ils symbolisent des actions concrètes dans la palette et la diversité de mes responsabilités.

Lorsqu'on s'engage dans ce type d'exercice, on est très vulnérable. Et je ne ferai pas trop de commentaires sur ces problèmes de gels de crédits ou d'annulations, parce que, si j'échappe à un certain nombre de rigueurs, je n'ai pas trop envie que cela se sache et je souhaite que l'on puisse confirmer mes financements...

Enfin, on ne peut pas gérer convenablement des chantiers dans ces conditions. Je sais que les élus locaux le comprennent et je les remercie par avance de leur soutien dans ce combat.

S'agissant des redéploiements, j'ai dû notamment procéder au refinancement en 2004 de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, mais aussi à des dépenses en capital.

En ce qui concerne la situation particulière de l'INRAP en 2004, ainsi que la Cour des comptes l'a noté, 11, 5 millions d'euros ont été redéployés à partir des titres III et IV du ministère pour assurer le financement de l'Institut en raison du rendement insuffisant de la redevance.

Nous n'avons franchi qu'une étape, mais nous avons progressé parce que chacun d'entre vous, lors des questions d'actualité tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, nous informait de situations aberrantes et que, à force de recenser les aberrations du système, nous avons modifié le dispositif global. C'était urgent, car on risquait de faire voler en éclat les équilibres fragiles auxquels nous étions parvenus pour faire en sorte que l'archéologie préventive reste populaire et apparaisse conciliable avec le développement.

Nous devons maintenant achever cette réforme parce que, tant que l'archéologie préventive ne bénéficiera pas d'un financement durable, solide et équitable, nous devrons nous livrer à des jeux d'écriture complexes. J'espère donc être en mesure de reprendre le plus rapidement possible les propositions que vous avez élaborées sur ces questions.

Nous réfléchissons avec l'ensemble des ministères concernés à la nécessaire évolution de ce système. J'ai mobilisé les uns et les autres, notamment les préfets de région, pour leur demander d'activer le rendement de la recette. Cela va beaucoup mieux aujourd'hui, mais je demeure prudent car les chiffres ne sont pas encore définitivement confirmés.

Le rapport prévu par la loi de 2003 relative à l'archéologie préventive sera présenté au Parlement à la fin de l'année. Parallèlement, une mission conjointe d'inspection, fruit d'une collaboration entre le ministère de l'économie et des finances et mon propre ministère, continue ses travaux. Et je sais aussi, monsieur le rapporteur spécial, que vous préparez de votre côté un second rapport sur ce sujet pour la fin de cette année. Sachez que la collaboration de mes services vous est plus qu'acquise, car je suis impatient que l'on remédie à cette difficulté.

J'en viens aux crédits du patrimoine. Avant ma prise de fonction, les taux de consommation de ces crédits étaient traditionnellement bas. Aujourd'hui, cette situation est révolue et nous avons amélioré les procédures afin d'accélérer la consommation des crédits, qui a augmenté de plus de 15 % entre 2003 et 2004.

Les crédits de paiement sont soumis à une gestion très tendue. A la fin de 2004, dans les régions, les impayés s'élevaient à 90 millions d'euros. J'ai donc demandé l'ouverture nette de 35 millions d'euros de crédits dans la loi de finances rectificative de 2004, crédits que je vous remercie d'avoir votés, mesdames, messieurs les sénateurs.

Si le cap de 2004 a pu être franchi, celui de 2005 se révèle très difficile, j'en suis bien conscient, malgré les hausses de crédits qui ont été décidées en loi de finances initiale ou en loi de finances rectificative, et en dépit des redéploiements qui ont été effectués.

Sur ce sujet aussi, nous vous devons la vérité des chiffres, dans la transparence absolue. Mais il ne faut pas pour autant raconter n'importe quoi ! Ainsi, en 1999, aucun de nous ne l'a oublié, notre pays a été touché par deux tempêtes. Nous avons donc prévu, en 2000, 2001 et 2002, les crédits nécessaires à la réparation des dommages provoqués par ces catastrophes naturelles et ces sommes sont venues s'ajouter aux crédits budgétaires « classiques », destinés à assurer l'entretien des monuments historiques et de l'ensemble de notre patrimoine. Espérons que de tels aléas climatiques nous épargneront à l'avenir !

Les crédits du patrimoine sont un élément essentiel de notre politique. Ils assurent la constitution d'un capital d'avenir pour notre pays. Si nous voulons que la France reste la première destination touristique mondiale, si nous voulons que notre patrimoine continue de rayonner dans le monde et de servir l'activité culturelle et artistique, il faut faire face à nos responsabilités.

Pour répondre à une question qui m'a été posée, sachez que les crédits prévus à cet effet s'élèvent à 305 millions d'euros, 220 millions d'euros provenant de la loi de finances initiale, 60 millions d'euros des crédits de report, et 25 millions d'euros des fonds de concours.

Ces chiffres ont pu être supérieurs dans les années qui ont suivi la survenue des catastrophes puisque les sommes consacrées à la réparation des dégâts subis venaient alors s'ajouter aux crédits d'entretien normal.

Je souhaite que nous franchissions une étape supplémentaire parce que, là encore, il s'agit de préparer l'avenir. J'ai donc demandé à mes services d'élaborer pour 2006 un outil de gestion performant afin de me permettre de piloter dans le temps les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, en consolidant en permanence tous les besoins de trésorerie liés à nos projets d'investissement dans tout le pays.

Il ne s'agit ni de remettre en cause le système des crédits déconcentrés vers les DRAC, ni de tout « caporaliser ». Il s'agit tout simplement de disposer, grâce à l'informatique de gestion, d'un tableau en temps réel qui me permettra d'apprécier les besoins, département par département, site par site.

J'ajoute que nous avons enfin mis un terme au scandale de la maîtrise d'ouvrage. Afin que les financements d'Etat ne bloquent pas la poursuite des chantiers, je dois être en mesure d'apprécier, en termes d'analyse et de programmation pluriannuelle, l'état d'avancement des chantiers et des besoins. Mais l'informatique de gestion est un outil renforcé et nouveau de nature à permettre des progrès utiles.

Dans cet esprit, je me félicite de la création par la commission des affaires culturelles du Sénat d'une mission d'information sur la sauvegarde et sur l'entretien du patrimoine architectural. Nous avons le devoir, dans l'intérêt de tous nos concitoyens, de réussir cette mobilisation politique.

J'ai lu ici et là que le fait d'avoir placé les Journées du patrimoine sous le slogan « J'aime mon patrimoine » traduisait le vide de mon crâne. Chacun a le droit que dire ce qu'il veut : vive la liberté d'expression ! J'estime cependant pour ma part que la mobilisation politique en faveur du patrimoine est un facteur essentiel, pour deux raisons : d'une part, l'argent investi dans le patrimoine est créateur d'activités immédiates et, d'autre part, c'est un élément majeur du rayonnement de notre pays.

Monsieur le président de la commission des finances, puisque vous avez évoqué la question, sachez que j'ai obtenu, à la suite d'un arbitrage rendu par M. le Premier ministre - et obtenir des arbitrages suppose beaucoup d'énergie, croyez-moi -, l'attribution de 100 millions d'euros de crédits issus des privatisations, des mises sur le marché d'actifs publics. Je compte évidemment sur le soutien de la Haute Assemblée pour donner une valeur juridique et financière définitive à cet arbitrage essentiel. En effet, cette aide n'est pas seulement un soutien en faveur du patrimoine, elle est aussi un soutien à l'emploi dans un secteur très sensible aux à-coups des commandes publiques. Elle est, enfin, symbolique : la vente du patrimoine de l'Etat va au patrimoine.

J'ajoute, pour lever toute ambiguïté, que pas un seul euro de cette dotation ne servira à combler le déficit de fonctionnement d'un quelconque établissement dépendant de mon département ministériel, parce que je tiens beaucoup à ce que ces crédits soient affectés directement au patrimoine. Il s'agira bien d'investissements en capital et je vous demande de m'aider à mobiliser ces fonds et à obtenir leur progression.

Les crédits doivent être débloqués d'ici à la fin de l'année puisque, en 2006, la LOLF interdira aux établissements publics de recevoir des dotations en capital.

Les besoins sont nombreux, et certains méritent d'être satisfaits. Mais ces crédits ne serviront en aucune manière, je le répète une nouvelle fois, monsieur le président de la commission, à financer les dépenses de fonctionnement des établissements publics : ils seront affectés aux grandes opérations patrimoniales qui sont devenues nécessaires.

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