Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 12 octobre 2005 à 21h45
Règlement définitif du budget de 2004 — Débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Hélas ! nous sommes bien mal outillés, et qui voudrait mesurer le détail du devenir, par exemple, des 415 millions d'euros d'aide aux troupes, festivals et scènes subventionnées ne trouvera pas de réponse dans les rapports de la commission des finances. J'ai la nostalgie de la clarté des comptes administratifs de ma région !

Mais, parce que nous avons accompagné, en les approuvant ou en les contestant, les politiques culturelles, nous nous réjouissons de ce débat, même si nous savons l'absence d'enjeu stratégique majeur.

Jean-François Copé nous le disait il y a quelques heures, c'est aussi l'efficacité de la dépense publique qui est en débat. « L'efficacité en matière de dépense culturelle » : beau sujet pour un séminaire de Bercy ! Je crains un grand désaccord sur les critères.

Revenons aux chiffres.

Il y a deux ans, l'environnement budgétaire est favorable ; le rapporteur évoque une « bouffée d'oxygène budgétaire ». Hélas ! pour beaucoup d'acteurs culturels, ce sera l'année de l'asphyxie.

Le rapporteur nous signale une chose inédite : on ne dépense, toutes politiques confondues, que ce qui était strictement prévu et on réduit même de 13 milliards d'euros le déficit budgétaire.

C'était donc l'année de possibles marges de manoeuvre pour la culture, dont le rapport Guillot nous rappelle combien elle est intimement liée à la production de richesse : richesse humaine de lien, de local, d'universel, d'épanouissement, d'émancipation, mais aussi, les chiffres le prouvent, richesse matérielle, équivalant, par ses retombées, au chiffre d'affaires de l'industrie automobile. Le secteur génère 20 milliards d'euros, connaît une croissance de 5 %, emploie 300 000 personnes. Hélas, c'était en 2004 que s'appliquait le protocole d'accord du 26 juin 2003, suicidaire pour une société à préoccupation humaniste.

Et nous n'oublions ni les effets durables de la baisse du budget de la culture en 2003 - il a diminué de 4, 3 % -, ni les dégâts des gels managés par les DRAC. D'ailleurs, si l'on met en perspective cette baisse avec la hausse de 2004, on se rend compte que la culture ne retrouve pas, à la fin de l'année 2004, les moyens dont elle disposait avant son amputation en 2003.

La LOLF instaurera, nous dit-on, « les moyens de rapprocher les résultats obtenus par le Gouvernement des intentions qu'il avait exprimées ». Eh bien, en 2004, le Gouvernement avait les moyens de mieux faire : par son autorité, en dénonçant le protocole de 2003, et en promulguant une loi, comme l'avait fait Catherine Tasca ; par ses financements, en épaulant encore mieux le spectacle vivant dans sa diversité, car, comme chacun le souhaite, c'est non pas le chômage mais l'emploi culturel qu'il est souhaitable de financer. Hélas, le protocole était dur pour les plus fragiles et favorable aux plus nantis, paradoxalement dispendieux. Il n'a donc pas répondu à cette attente.

Le Gouvernement pouvait aussi s'engager sur l'efficacité des palliatifs enfin, en veillant à l'utilisation réelle du fonds provisoire issu de la Convention avec l'UNEDIC. En effet, s'il est juste, monsieur le ministre, de reconnaître votre capacité de négociation et votre engagement sur certaines propositions du comité de suivi, l'accès des intéressés- les exclus du nouveau système d'indemnisation - au fonds spécifique fut largement entravé.

Les 20 millions d'euros initialement prévus, les 80 millions d'euros en 2004 pour 13 000 allocataires potentiels, n'ont pas dû faire l'objet de nombreuses avances. Au 21 septembre 2004 on en était à 961 000 euros : localement, les portes se fermaient, les demandeurs étant déboutés ou mal informés. Quant à la plaquette informative, nous l'avons découverte en novembre 2004 !

Cela étant, je sais que les moyens dont il est question se situent aux frontières du ministère de l'emploi, de celui de la culture, et de l'UNEDIC. Mais ne sommes-nous pas prêts à aborder, comme la LOLF l'inspire, les sujets pas missions et programmes ?

Aujourd'hui, nous mesurons les effets dommageables des résistances de certains partenaires : des techniciens et artistes découragés et exclus, parce qu'ils n'ont pas trouvé à temps les réponses nécessaires ; des réalisateurs aux abois, en particulier dans le domaine du documentaire, parce qu'ils se trouvent sous les coups cumulés des distributeurs et de leur formatage, des règles du protocole qui leur imposent de rassembler un certain nombre d'heures, et même de leur propre société de perception des droits d'auteur, désormais régie par des critères anti-culturels.

Pendant ce temps, certaines sociétés de production surfent sur l'argent et les commandes publiques, en amont, et vampirisent le système de l'intermittence, en aval. C'est comme cela qu'elles construisent leurs bénéfices. Et je ne parle pas des salaires exorbitants des concepteurs d'émissions, fussent-elles aliénantes ou dégradantes.

Autre dommage : un budget de l'UNEDIC coincé entre déficit et opacité. Pourtant, les partenaires s'obstinent à couvrir les mauvais procédés, comme l'absence coûteuse de plafonnement du cumul « salaires et indemnités » dans les annexes 8 et 10.

Enfin, parmi les épées de Damoclès, FO, le MEDEF et la CFDT n'ont-ils pas refusé de réunir un groupe de travail pour étudier la renégociation et d'établir un calendrier ? L'issue favorable ne s'est-elle pas encore éloignée hier, le 11 octobre 2005, date qui assombrit sérieusement la méthode de patience et d'ouverture ?

Pourtant, les partenaires ont été respectés par le Gouvernement et par les parlementaires. L'expertise indépendante du rapport Guillot ainsi que sa participation donnent à tous des outils d'analyse honnêtes.

Monsieur le ministre, je ne trahirai pas vos paroles en rappelant que vous affirmiez « être prêt le temps venu à prendre vos responsabilités par voie législative, si la discussion ne reprenait pas ».

Notre commission, sous la présidence de Jacques Valade, a fait son travail avec la mission sur la création artistique. Nous, parlementaires, avons fait notre travail, au sein du comité de suivi, puis au sein des groupes : les signataires de la proposition de loi représentent aujourd'hui, dans les deux chambres, des députés et des sénateurs de tous horizons politiques, soit plus de 470 représentants nationaux des électeurs !

La mise à l'ordre du jour de cette proposition de loi relève, aujourd'hui, de la responsabilité du Gouvernement, et elle devient une urgence démocratique : le 31 décembre 2005 s'approche à grands pas...

En effet, aucun budget ne peut prendre chair s'il n'y a pas d'acteurs de terrain. Je pense aux moyens humains dont dispose votre ministère, particulièrement dans les services déconcentrés, et je ne me réjouis pas des 94 départs à la retraite en 2004, non remplacés, qui leur auraient été bien utiles.

Je pense bien sûr aux artistes, techniciens, et réalisateurs et, ce faisant, aux habitants, qui, plus que jamais, face aux mutations très profondes qui s'ébauchent sur la planète, auront besoin de ceux qui donnent à voir et à comprendre le monde, pour que la culture et le respect de l'autre l'emportent sur les tentations barbares.

Voilà où nous plaçons « l'efficacité » de la dépense publique culturelle. La réussite se perçoit, et ne se mesure pas toujours, en intelligence, en beauté, en bonheur. L'échec se ressentirait en agressions, en replis identitaires, en conflits. Certes, je m'indigne que l'on brade le revenu futur des autoroutes ; mais au moins, si 100 ou 150 millions d'euros sont alloués à la culture plutôt qu'aux sous-marins et porte-avions nucléaires ou aux activités polluantes, nous aurons choisi l'avenir !

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