Je voudrais dire tout d'abord à Fabienne Keller que les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont toujours très complexes : chacun est tenté d'accuser l'autre de se désengager, et des évolutions se dessinent parfois en cours d'année sur un certain nombre de lignes budgétaires.
Je ne nie pas cette réalité, mais je mets en garde contre les fausses nouvelles et les rumeurs, notamment en ce qui concerne le spectacle vivant. Je notifie actuellement un certain nombre d'éléments aux directions régionales des affaires culturelles ; nous en sommes aux derniers ajustements, aux derniers réglages, aux individualisations. Alors, ne prêtez pas trop d'attention à ceux qui, versant dans le catastrophisme, pleurent après des crédits qu'on leur aurait pris : pour le moment, c'est faux, puisque la décision n'a pas encore été prise par le ministre.
J'essaie d'additionner les énergies et les concours financiers des uns et des autres. Cela étant, vous avez raison, toutes politiques confondues, pour un certain nombre d'interventions, les collectivités territoriales financent plus que l'Etat, et c'est notamment vrai en matière culturelle.
C'est la raison pour laquelle aussi je m'attache à mobiliser le partenariat des entreprises privées à travers le mécénat, dont le Premier ministre vient d'étendre le champ d'application notamment à l'art contemporain et aux artistes vivants.
Mettre en valeur le mécénat et ses dispositions fiscales incitatives n'est en aucune manière annoncer ou préparer diplomatiquement un désengagement de l'Etat. Je souhaite que l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises privées, quelle que soit leur taille - pas uniquement les plus grandes, mais aussi les petites et moyennes entreprises - intègrent ces mesures et soutiennent davantage l'activité culturelle et artistique.
Je citerai à cet égard la fondation pour la cathédrale de Strasbourg. Peut-être pourrait-on reproduire sur l'ensemble du territoire national les dispositions spécifiques qui sont appliquées à Strasbourg. Mais la Haute Assemblée doit savoir que la grande vivacité de cette fondation s'explique par l'existence d'un droit fiscal spécifique à la région et qui n'est pas adapté à l'ensemble du territoire.
J'en viens à l'INRAP, dont la situation a été évoquée à juste titre.
Je n'accepte pas, sur le plan des principes comme au regard des conséquences concrètes du procédé, d'être contraint à financer, sous enveloppe, les déficits de l'INRAP. Je suis parfois obligé de le faire ; d'ailleurs, cela fait partie des discussions conflictuelles classiques que j'ai avec le ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie. C'est néanmoins une situation aberrante à laquelle il faut remédier.
Vous avez fait des propositions, et vous continuerez à le faire. L'Inspection générale des finances et l'Inspection du ministère de la culture sont saisies du dossier. Je compte et j'espère, d'ici à la fin de l'année, être en mesure d'aller dans le sens de vos recommandations pour que nous sortions de cette situation. Sinon, effectivement, mes priorités n'ont plus de sens. Je ne conteste aucunement l'utilité des dépenses, mais elles n'ont pas à être financées ainsi.
Madame Morin-Desailly, vous avez évoqué, et je vous en remercie, la complexité avec laquelle il faut analyser un budget culturel, pas uniquement comme un exercice comptable, mais en fonction des valeurs concrètes qu'il sert. Vous avez notamment abordé, comme l'a fait Marie-Christine Blandin, la question des artistes et des techniciens des annexes 8 et 10.
Vous me permettrez, à cet égard, de m'écarter un peu du champ initialement prévu pour ce débat afin de faire le point sur les événements récents.
La question a été réglée au mois de juin dernier ; personne, ni le MEDEF, ni la CFDT, ni la CGT, ni FO, ni la CFTC, ni la CGC, ni l'UPA, ni la CGPME, ne conteste la nécessité de trouver un système spécifique pour les artistes et les techniciens et de faire en sorte que leur situation, au regard de l'indemnisation du chômage, soit traitée par l'assurance chômage et par la solidarité interprofessionnelle.
Reste la question du calendrier ; elle a été évoqué avant-hier, 11 octobre, lors d'une réunion que je qualifierai de satisfaisante, et je ne dis pas cela pour me rassurer à bon compte : elle revêt pour moi une grande importance. Un débat s'est instauré pour savoir s'il était nécessaire d'attendre les conclusions d'une sorte de groupe technique diligenté directement par les organisations interprofessionnelles ou s'il fallait que la négociation puisse commencer sans délai. J'avais proposé l'intervention du groupe technique, estimant qu'il permettait de préparer la négociation. Mais certains partenaires sociaux au niveau interprofessionnel ont considéré que ce groupe risquait de peser sur leurs discussions et qu'il favoriserait, en outre, des manoeuvres dilatoires.
Les partenaires sociaux annonceront le calendrier de la négociation dans les tout prochains jours. Comme j'ai pu le constater, et chacun des participants pourra vous le confirmer, ils ont parfaitement conscience qu'il n'y aura pas de « grand soir » : ce n'est pas dans la journée du 31 décembre que tout pourra être réglé.
La discussion qui va s'engager est difficile d'un point de vue technique. Je suis très vigilant. M. Gérard Larcher et moi-même étions présents, ainsi que les présidents de la commission des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée nationale lors de la réunion qui a malheureusement été perturbée.
Nous avons manifesté notre disponibilité de deux manières : en premier lieu, nous avons reconduit la mission de Jean-Paul Guillot, qui reste donc à la disposition des partenaires sociaux pour chiffrer en tant réel chacune de leurs hypothèses ; en second lieu, Gérard Larcher et moi-même avons annoncé que nous étions prêts, à tout moment, au cours des négociations menées par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, à discuter si besoin était de l'intervention de l'Etat.
Selon moi, une sorte de Yalta est intervenu en Avignon. Il revient à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux entreprises, par le biais du mécénat, et évidemment aux citoyens, de financer la politique de l'emploi culturel. Les partenaires sociaux, quant à eux, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, doivent définir les règles de l'indemnisation du chômage. Je sais très bien que nous pourrons être sollicités ; cela a déjà été le cas dans le cadre du fonds de transition.
Les mesures que j'avais décidées sont entrées progressivement en vigueur, j'en conviens. Je vous rends cependant attentifs aux chiffres, puisque ce sont près de 13 000 artistes et techniciens qui ont aujourd'hui été réintégrés dans leurs droits des annexes 8 et 10 grâce aux mesures prises par le fonds de transition. Cela n'a donc rien de marginal, même si les mesures ont eu du mal à se faire connaître.
M. Yves Dauge m'a interrogé sur l'application de la loi Malraux et des dispositions fiscales évoquées pour la préparation du budget 2006. Cette question est digne d'intérêt. Le régime prévu pour les monuments historiques, qui a donné toute satisfaction, doit peut-être nous inspirer pour le prochain projet de loi de finances.
Sans trahir quoi que ce soit ni assumer des responsabilités qui ne sont pas les miennes, je peux dire que les initiatives parlementaires permettant de rétablir certaines mesures d'équité sur ce sujet devraient être positivement analysées, parce qu'il s'agit tout simplement de soutenir directement l'activité, l'emploi.
En ce qui concerne l'architecture, j'ai effectivement pris part, vendredi dernier, à l'occasion de la rentrée, à un débat avec les étudiants de l'école d'architecture de Lille. Nombreuses sont les questions qui se posent, je ne le nie pas, mais je tiens également à rappeler un certain nombre de réalités.
A cet égard, je voudrais couper court à la rumeur : il n'y aura pas de numerus clausus et les différentes étapes seront franchies, bien sûr, en fonction des réussites scolaires. L'architecture reste un diplôme d'Etat, même si la professionnalisation est nécessaire, notamment les stages.
La question des vacataires est complexe, dans la mesure où nous avons bien évidemment intérêt à permettre une sorte de mixité du corps enseignant dans les écoles d'architecture par la présence de professionnels. Nous titularisons progressivement de nombreux vacataires en programmant des concours de recrutements de maîtres-assistants. Nous traitons aussi ce problème, monsieur Dauge, en contractualisant les vacataires, mais cette piste doit être explorée de manière progressive.
En ce qui concerne la programmation, il n'existe pas de chiffre idéal. Comme je vous l'ai indiqué, le rythme annuel pour le patrimoine et les monuments historiques a été, bon an mal an, de 300 millions d'euros, hors intempéries.
Le budget 2006 permettra une montée en puissance considérable puisque 100 millions d'euro s'ajoutent aux 300 millions d'euros que je viens d'évoquer. Toutefois, la franchise me conduit à vous préciser que cette augmentation doit me permettre d'honorer toutes sortes d'impayés.
Si nous voulons faire face à nos obligations dans de bonnes conditions, nous devons franchir la barre du rythme annuel de 400 millions d'euros. J'ai commandé une étude pour obtenir les chiffres les plus précis possible. La direction de l'architecture et du patrimoine m'indique en effet, un peu « à la louche », que 6 milliards d'euros de travaux doivent être réalisés dans un proche avenir, dont 2 milliards d'euros de travaux très urgents. Il convient donc d'affiner ces données.
Il faut tout de même mesurer l'importance de l'effort consenti pour 2006 - nous aurons l'occasion d'y revenir. Je ne veux par relancer le débat, mais il s'agit non seulement d'argent, mais aussi d'une mesure à caractère symbolique.