Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, différents rapports ont alerté les responsables politiques sur la pénurie de médecins qui s'annonce. On a déjà évoqué ce sujet, mais j'y reviens, car c'est important.
Votre prédécesseur avait mis en place, en juin 2003, un Observatoire national de la démographie des professions de santé. Les résultats de ses premiers travaux, rendus publics le 18 novembre dernier, montrent clairement que le vieillissement du corps médical - 20, 4 % des médecins ont plus de cinquante-cinq ans -, conjugué aux effets d'une diminution continue du numerus clausus dans les années quatre-vingt-dix, posera un « problème aigu de renouvellement ».
Ainsi, selon les projections établies par l'Observatoire, fondées « sur l'hypothèse d'un numerus clausus à 7 000 à partir de 2006 », le nombre de médecins en activité devrait passer de 205 200 en 2002 à 186 000 en 2025. Compte tenu de l'accroissement de la population, la densité médicale reculerait d'environ 15 %, passant de 335 médecins pour 100 000 habitants à 283 médecins pour 100 000 habitants, « niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt ».
Une autre tendance lourde, qui est liée à une augmentation continue de la réussite des étudiantes au concours de première année, réside dans le fait que les femmes deviendront, peu après 2020, plus nombreuses que les hommes dans le corps médical. Pour l'Observatoire, cette féminisation pourrait modifier « fortement la répartition du mode d'exercice » dans la mesure où, à l'heure actuelle, les femmes privilégient l'exercice salarié plutôt que libéral.
Cette évolution a son importance, car la dégradation des effectifs annoncée devrait concerner presque exclusivement la médecine de ville - 18 500 médecins de moins d'ici à 2025 -, et davantage les spécialistes - moins 23 % - que les généralistes - moins 9 %.
Dans les conditions de fonctionnement actuel des filières - internat qualifiant, choix des spécialités -, l'ophtalmologie, avec une baisse de 43 %, la psychiatrie, avec une diminution de 36 %, et 1'ORL, avec un recul de 31 %, seront les disciplines les plus touchées. Mais d'autres accuseront aussi une baisse globale de 20 % à 30 %, comme la rééducation et la réadaptation fonctionnelle, la médecine interne ou la radiologie. C'est d'ailleurs plus particulièrement sur cette dernière spécialité que je concentrerai mon propos.
La radiologie est en effet devenue un secteur incontournable de la pratique médicale quotidienne, dont les progrès font avancer considérablement l'établissement du diagnostic et les décisions thérapeutiques. Le radiologue est le premier correspondant du médecin généraliste, tant dans les quartiers urbains qu'en milieu rural.
Signe de cette affirmation, l'activité radiologique, pour répondre à la demande des prescripteurs, augmente de 10 % par an dans notre pays. Or on manque déjà d'effectifs dans cette spécialité !
Dans les hôpitaux, par exemple, de nombreux postes de praticiens hospitaliers en radiologie sont vacants. En 2002, hors CHU, 19 % des postes à temps plein et 33, 2 % des postes à temps partiel étaient vacants. En 2003, en CHU, 17, 3 % des postes étaient vacants.
Par ailleurs, on est loin, à ce jour, de la « séniorisation » des gardes et astreintes. Ce principe, s'il permet des avancées en termes de sécurité et de qualité de prise en charge des patients, va désorganiser les services d'imagerie du fait des repos de sécurité et de l'intégration des gardes dans le temps de travail.
Il existe, en France, 616 sites d'urgence - SAHU, UPATOU, POSU -, alors que le nombre total de praticiens hospitaliers incluant les temps partiels est de 1 728. Il y a donc une inadéquation entre le nombre de sites où sont réalisés des actes de radiologie en urgence et le nombre de praticiens hospitaliers de radiologie, ce qui ne permet pas le respect des bonnes pratiques.
Quelles sont les perspectives à court et à moyen terme ?
Pour commencer, l'année 2006 sera une année blanche en termes d'achèvement du cursus de formation d'internes DES en radiologie. L'internat de radiologie passant de quatre à cinq ans, il n'y aura pas de nouveaux diplômés accédant à la profession cette année-là, le terme de la formation d'une promotion d'effectif normal étant ponctuellement repoussé d'un an.
Par ailleurs, la pyramide des âges - en 2001, l'âge moyen des radiologues était de 44, 2 ans - et le taux de féminisation, déjà relativement élevé, devraient inscrire cette spécialité dans les tendances décrites par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS. On doit s'attendre à une chute globale du nombre de médecins radiologues de 26 % d'ici à 2025.
Dans le secteur libéral, on peut penser que ces perspectives démographiques retentiront prioritairement sur les petits cabinets de quartier ou sur ceux qui sont situés en zones rurales, tenus par des radiologues isolés ou par de petits groupes, ce qui sera particulièrement dommageable, car ils constituent des circuits très courts, garants d'une radiologie de proximité moins onéreuse, et évitent l'« embolisation » des centres radiologiques hospitaliers ou des cliniques.
Le problème, en radiologie, ce n'est pas le matériel, ce sont les hommes : aurons-nous les moyens démographiques de faire face ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre dans l'immédiat, monsieur le ministre, pour augmenter le recrutement de spécialistes de cette discipline afin d'éviter une régression, alors que les progrès de l'imagerie médicale s'affirment chaque jour ?