Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, avant d'aborder la discussion des amendements qui ont été déposés sur cet article 3, revenir sur son inconstitutionnalité manifeste. Je l'avais déjà mentionnée lors de mon intervention dans la discussion générale, et j'y étais revenue en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
C'est la majorité sénatoriale qui, à l'occasion d'un recours formulé devant le Conseil constitutionnel à l'encontre de la seconde loi sur les 35 heures du 20 janvier 2000, avait dénoncé une inégalité de traitement entre les salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes entreprises.
Permettez-moi de rappeler la réponse qui avait été faite par le Conseil constitutionnel aux requérants de l'époque.
« Considérant, en premier lieu, que les sénateurs requérants estiment contraire au principe d'égalité la différence de situation entre les salariés qui, jusqu'au 1er janvier 2002, travailleront dans une entreprise encore assujettie à la durée légale du temps de travail de trente-neuf heures et les salariés employés par une entreprise soumise à la nouvelle durée légale... »
Le Conseil constitutionnel avait contré cette argumentation en soulignant le caractère temporaire de la disposition.
Comment ne pas lui soumettre à nouveau cette inégalité de traitement, puisque le caractère temporaire disparaît au profit d'une reconduction régulière, une première fois en 2003 puis une seconde fois en 2005, avec cette proposition de loi qui prévoit la prolongation de la mesure jusqu'en 2008 ?
Le Conseil constitutionnel attendra-t-il 2012 ou 2015 pour dénoncer la rupture d'égalité ?
Cet article 3 est donc particulièrement grave. Il porte atteinte, au-delà des conditions de travail des salariés, au principe d'égalité.
Les salariés des PME, outre les difficultés inhérentes à la reconnaissance de leurs droits dans ces catégories d'entreprises, cumuleront une atteinte particulière, renforcée, à l'encontre de leur pouvoir d'achat.
Monsieur le ministre, avez-vous pris l'avis de personnalités compétentes sur ce point ?
Par ailleurs, l'utilisation de la voie parlementaire a permis à la proposition de loi d'échapper au contrôle du Conseil d'Etat, contrôle qui aurait été, me semble-t-il, particulièrement nécessaire et utile en la matière.
Cependant, si le Gouvernement n'engage pas de telles consultations, les commissions compétentes du Sénat seraient bien inspirées de le faire pour éviter une entorse particulièrement grave à ce principe fondamental de notre droit.
J'attends de la part de la commission saisie au fond, mais aussi du Gouvernement, une argumentation plus solide que celle qui a été avancée jusqu'alors.
Non, il n'est plus possible d'évoquer un caractère temporaire de la disposition car, au-delà des mots, il y a la réalité. Vous ne pouvez pas éternellement contourner le droit, vous devez le respecter !