Déposé par des élus de la majorité, un amendement au projet de loi Fillon de 2003 a modifié dans un sens très régressif le régime des astreintes, qui concerne aujourd'hui, nous l'avons dit, des millions de salariés.
Aux termes de cet amendement, le temps d'astreinte est assimilé à du temps de repos si le salarié n'a pas eu à effectuer d'intervention. Pourtant, qu'il y ait intervention ou non, le salarié d'astreinte a bien des contraintes - disponibilité, non-éloignement du lieu de travail, ... -, notamment celle de ne pas disposer de la liberté d'utiliser son temps de repos comme il l'entend.
Cet amendement a eu pour effet de remettre en cause un arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, qui spécifiait que, sans être du travail effectif, les périodes d'astreinte ne pouvaient être considérées comme des temps de repos.
En revenant sur cette jurisprudence, la loi Fillon a représenté un nouvel encouragement pour le patronat à remettre en cause les accords existants. La réforme de la durée du temps de travail n'est d'ailleurs qu'un encouragement supplémentaire, comme en témoignent les nombreux chantages à l'emploi auxquels on assiste depuis quelques mois, et dont j'ai fait la démonstration.
Plus largement, ces différentes régressions sociales sont assez symptomatiques de l'action que mène ce gouvernement, qui oscille entre deux types de manoeuvres politiques.
Premièrement, il cherche à individualiser le plus possible les relations entre les salariés et leurs employeurs. Ainsi, que ce soit avec la loi Fillon, qui abolit l'inversion de la hiérarchie des normes en matière de conventions collectives et qui permet alors aux accords d'entreprise d'avoir le dessus sur les accords de branche, ou avec la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui abolit définitivement la durée légale de 35 heures hebdomadaire pour tous, le Gouvernement cherche à isoler le plus possible les salariés et à les soumettre ainsi à un rapport de forces totalement inégalitaire avec l'employeur.
Deuxièmement, ce gouvernement cherche à donner à l'emploi la définition la plus restreinte possible en excluant tout ce qui découle du travail mais qui n'est pas nécessairement considéré comme tel.
Nous venons de voir le cas de la définition restreinte de l'astreinte donnée par la loi Fillon, mais on retrouve des manoeuvres similaires dans la loi de cohésion sociale - où le temps de trajet a été exclu du temps de travail effectif - et, d'une certaine façon, dans cette proposition de loi, où l'employeur peut exiger de ses salariés des heures supplémentaires sans les payer.
En somme, voilà les deux pendants d'une même volonté : celle de rendre les salariés de ce pays muets et corvéables à merci.
Nous désirons inverser cette tendance. C'est pourquoi nous défendons, par exemple, un tel amendement. Nous demandons, en effet, que la période d'astreinte ne puisse être imposée par l'employeur. Elle doit, selon nous, recueillir d'abord l'accord exprès du salarié, car nous voulons garantir à celui-ci le choix d'effectuer ou non des astreintes.