Cet amendement concerne la question essentielle de la gradation des accords relatifs à l'organisation du temps de travail.
Il est évident que l'on ne peut décemment donner quelque valeur que ce soit aux accords signés au niveau d'une entreprise ou d'un établissement en matière de définition du volant d'heures dites « choisies ». Les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de vingt salariés disposent, dans le meilleur des cas, d'un délégué du personnel, éventuellement mandaté par une organisation syndicale représentative, et sont assez souvent, hélas, privés de toute représentation du personnel.
Dans le cas qui nous occupe, avec qui un accord d'entreprise ou d'établissement se négocie-t-il ? De fait, les accords sur l'organisation du temps de travail dans les PME ne peuvent décemment être passés qu'à partir de la négociation collective de branche.
Prenons un exemple : imaginons que l'on décide d'appliquer les dispositions de l'article 3 dans des secteurs comme le commerce de détail - où les entreprises de moins de vingt salariés sont particulièrement nombreuses -, ou encore dans l'hôtellerie-restauration dite « traditionnelle », dont les unités comptent le plus souvent moins de vingt salariés.
Appliquer cet article reviendrait à permettre aux dirigeants de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière, si prompts a exiger la baisse de la TVA, d'imposer à leur personnel de nouveaux dépassements horaires, alors même, monsieur le ministre, que vous venez de valider un avenant à la convention collective qui met purement et simplement un terme à la mise en oeuvre des 35 heures.
Appliquer l'article 3, c'est favoriser une « balkanisation » des conditions de travail des salariés, au petit bonheur la chance, et c'est mettre en place un droit du travail à géométrie variable.
Dans les faits, nous nous trouvons en présence d'une situation où l'on ne peut même pas être sûr que les nouvelles règles imposées aux salariés, en termes d'horaires de travail, respectent parfaitement le principe de concurrence libre et non faussée qui figure en toutes lettres dans le projet de Constitution européenne qui sera bientôt soumis au suffrage des électeurs de notre pays, notamment à celui des salariés.
Le calcul est vite fait, nous l'avons montré : avec une semaine de travail portée, dans les faits, à trente-neuf heures, plus deux cent vingt heures supplémentaires contingentées et soixante-dix heures de temps choisi en sus, on aboutit à des moyennes de travail hebdomadaire supérieures à quarante-cinq heures, c'est-à-dire supérieures à ce que l'on rencontrait dans les années soixante !
A suivre les auteurs de cette proposition de loi, non seulement nous mettrions un terme à l'existence des 35 heures pour les salariés des petites et moyennes entreprises mais, en plus, nous reviendrions sur la semaine de quarante heures, telle qu'elle fut votée en juin 1936, à la suite de la signature des accords de Matignon.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que la Chambre des députés élue au printemps de l'année 1936...