Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 3 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Lors de la présentation du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le Gouvernement s'était engagé à renvoyer à la négociation interprofessionnelle préalable des partenaires sociaux tout projet de réforme du droit du travail de nature législative.

Permettez-moi de revenir sur la discussion de cette loi, qui réunit étrangement, sous un même intitulé, deux sujets totalement différents : d'une part, la formation professionnelle tout au long de la vie, laquelle a fait l'objet d'un accord unanime des partenaires sociaux ; d'autre part, le dialogue social, parce qu'il fallait bien que le MEDEF obtienne des compensations pour les sommes, quoique modiques, qu'il allait devoir consacrer à la formation professionnelle.

On a marié la carpe et le lapin : un texte résultant d'un accord unanime et un texte ajouté dans la précipitation par le Gouvernement, sans consultation des partenaires sociaux. Et pour cause : on en connaît la teneur !

Ce texte constitue en effet la première atteinte frontale à la hiérarchie des normes. Il détruit le principe de faveur, qui était l'un des fondements de notre droit du travail et des garanties des salariés ; nous avons évoqué tout cela au cours du débat.

Nous avons le souvenir, encore proche, de la gêne des parlementaires de votre propre majorité, monsieur le ministre. Comment expliquer autrement le dépôt par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale d'un amendement tendant à ce que des parlementaires soient désormais membres de la Commission nationale de la négociation collective ? Cela relève d'ailleurs de la plus totale confusion. On ne peut résoudre ainsi le problème de l'articulation entre les prérogatives des partenaires sociaux et les droits du Parlement.

Vous avez alors obtenu le retrait de cet amendement, monsieur le ministre, en déclarant : « Si nous entrons dans un processus d'élaboration des normes sociales un peu différent de celui qui prévaut actuellement, la question de l'association du Parlement se posera en des termes si complexes qu'elle ne peut être résolue au détour d'un amendement ». Vous aviez raison !

Nous savons déjà que les mesures proposées dans le rapport de Michel de Virville sur la simplification du code du travail ont toutes les chances de nous être présentées par ordonnances. Pourquoi perdre son temps en discussions byzantines ? Après tout, cela ne concerne que quelques millions de salariés !

Quant aux objectifs que le MEDEF juge prioritaires, comme le fait de différer le paiement des salaires grâce au compte épargne-temps ou d'obliger les salariés à enfiler les heures supplémentaires sans restriction, il n'est pas nécessaire, là non plus, d'inventer une nouvelle procédure compliquée. Il est toujours possible de les atteindre, d'une manière accélérée, avec la collaboration de parlementaires obligeants.

En effet, quand il n'existe aucune chance de recueillir l'approbation des personnes ou des organisations représentatives, n'est-il pas plus simple de ne pas les consulter ? C'est une façon de s'éviter bien des embarras, des débats difficiles et des pertes de temps. Mieux vaut frapper la cible immédiatement.

Que ce processus ait précisément eu pour objet ce que vous appelez « le dialogue social » ne manquait pas d'ironie en ce mois de mai 2004. C'était une forme d'humour, sans doute involontaire, mais d'un raffinement particulièrement cruel si l'on en juge les conséquences pour les salariés.

Vous avez ainsi franchi la première grande étape de votre entreprise de destruction autoritaire du droit du travail. Nous sommes aujourd'hui devant une nouvelle étape : l'application concrète de la révolution juridique et sociale que vous avez votée. Quoi qu'il advienne, votre responsabilité sera pleine et entière.

Vous avez enclenché un processus soigneusement réfléchi et élaboré dans les bureaux du MEDEF. Vous en assurez la mise en oeuvre, contre tous les principes juridiques établis et contre les fondements de la démocratie sociale.

Pour la deuxième fois, et sur des questions d'importance, vous avez totalement négligé l'avis des partenaires sociaux. Nous aurions souhaité vous voir surseoir à la discussion de cette proposition de loi, afin que soit au moins garanti le respect de la démocratie sociale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion