Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 3 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Nous apprenons ainsi que les entreprises du CAC 40 ont reversé à la Bourse, pour les années 2003-2004, 56 milliards d'euros en rachetant leurs propres actions. Au niveau européen, entre les dividendes aux actionnaires et les rachats d'actions, le total atteint 230 milliards d'euros.

Permettez-moi de citer quelques chiffres qui figurent dans cet excellent article du Figaro économie. La firme Total arrive en tête du classement pour 2004, avec 2, 6 milliards d'euros distribués. Parallèlement, le groupe a racheté 3, 6 % de son capital pour l'annuler, augmentant ainsi le revenu des actions restantes. Il y a non seulement distribution de dividendes, mais également concentration du capital à l'intérieur de la société pour concentrer aussi les dividendes, qui profitent ainsi aux plus gros actionnaires. Ainsi, faut-il rappeler au Sénat que la holding Wendel Investissement, dont le président est M. Seillière, a procédé à un rachat massif de ses actions ?

D'autres sociétés ont agi de même, notamment des banques comme BNP Paribas, la Société générale ou le Crédit Lyonnais. Et, nous explique-t-on benoîtement, la tendance se poursuit en 2005. Par exemple, Schneider Electric a augmenté son dividende de 64 %, et le secteur bancaire entre 30 % et 40 %, selon les cas.

Dans le même temps, le Gouvernement et sa majorité ont l'audace de nous dire que les salaires ont diminué à cause des 35 heures et de la baisse de la valeur du travail. Le seul moyen de corriger cette situation serait donc de permettre aux salariés de travailler plus pour gagner plus, en faisant des heures supplémentaires et en les plaçant sur un compte épargne-temps.

On croit rêver ! Si le pouvoir d'achat a reculé en 2003 de 0, 5 %, chiffre officiel de l'INSEE, pour ne regagner que 0, 5 % en 2004, et stagner en 2005, c'est la faute des 35 heures ! Si le pouvoir d'achat des cadres est en baisse constante de 10 % entre 1990 et 2004, c'est la faute des 35 heures, qui n'existaient pas à l'époque. Si la pauvreté touche 7 millions de Français, ce n'est pas parce que le chômage frappe 2 millions et demi de nos concitoyens et, la précarité, 20 % des salariés, ce n'est pas parce que les minima salariaux, dans 198 branches sur 242, sont inférieurs au SMIC : c'est la faute des 35 heures !

Cela me fait penser à une petite histoire, que vous connaissez sans doute : celle des trois enveloppes. Il s'agit d'un PD-G qui vient d'être nommé à la tête d'une société très importante : ce n'est pas une maison facile, lui dit-on, mais vous disposez de trois enveloppes à ouvrir en cas de problèmes. Quelques mois plus tard, confronté à des menaces de grève, le PD-G ouvre la première enveloppe, dans laquelle il lit : « Dites que c'est la faute de vos prédécesseurs ! » Les choses se calment. Quelque temps après, la situation se dégradant de nouveau au sein de l'entreprise, il ouvre la deuxième enveloppe : « Dites que c'est la faute de la conjoncture. ». Après un retour au calme, la situation s'envenimant encore, le PD-G se voit contraint d'ouvrir la troisième enveloppe, et il lit : « Préparez trois enveloppes.»

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