Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 3 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Le moins que l'on puisse dire en ce qui concerne cette réforme de l'organisation du temps de travail, c'est qu'il n'est pas tout à fait certain que la priorité des priorités soit de donner des facilités nouvelles aux employeurs pour aménager le temps de travail de leurs salariés, quitte à mettre un terme à l'existence concrète des 35 heures.

Ce qui est de plus en plus évident aujourd'hui, c'est le caractère éminemment scandaleux de la faiblesse des rémunérations versées au regard des richesses créées par le travail. Les plus récentes études, qu'elles portent sur l'emploi, sur le niveau des rémunérations, sur les stratégies d'embauche des entreprises, sont, de ce point de vue, particulièrement éclairantes.

« Gagner plus en travaillant plus » est le slogan des auteurs de cette proposition de loi, qui est en fait le projet de loi que vous n'avez pas osé déposer, monsieur le ministre. Mais, avant de gagner plus, il serait bon de percevoir le minimum de ce qu'il convient de gagner !

Prenons un exemple. Dans l'avenant à la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, de l'épicerie et des produits laitiers du 20 septembre 2004 portant sur les salaires, on peut lire notamment : « Au 1er juillet 2004, le SMIC horaire a été augmenté par voie réglementaire de 5, 8 %. Le taux horaire minimum est donc passé de 7, 19 euros à 7, 61 euros. Cette augmentation de 5, 8 % se décompose ainsi : 2, 1 % au titre de la hausse de l'indice des prix à la consommation hors tabac des ménages urbains ; 3, 7 % pour le retour au SMIC unique au 1er juillet 2005. Dans la grille de salaires de la convention collective nationale des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, cinq niveaux (...) se retrouvent en dessous du SMIC. Les partenaires sociaux se prononcent pour une nouvelle grille de salaires en prenant ainsi compte de l'augmentation du SMIC et de la volonté, partagée par tous, de rendre plus attractifs les différents niveaux de la grille de salaires. »

La situation que connaît cette branche professionnelle est loin d'être unique, puisque de multiples branches sont dans le même cas.

Tous les ans, parce que les minima salariaux conventionnels sont inférieurs au SMIC tel qu'il est aujourd'hui défini, des avenants aux conventions collectives sont nécessaires pour permettre aux salariés de se retrouver au niveau salarial minimal garanti.

Gagner plus en travaillant plus, est ce donc vraiment la question ?

Gagner plus, certainement ! On peut en effet souligner, entre autres phénomènes, la persistance d'un faible niveau de rémunérations dans nombre de secteurs d'activité. Ainsi, dans le domaine des services à la personne - secteur d'activité que le plan Borloo pour la cohésion sociale entend développer de manière sensible ces prochaines années - aujourd'hui, le tiers des salariés ne reçoivent, comme rémunération, que le SMIC ou le minimum garanti par l'application des lois Aubry et Fillon relatives à l'aménagement du temps de travail.

Selon les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, ce sont 16 % des salariés qui touchent moins de 950 euros mensuels.

Au 1er juillet 2003, toujours selon l'INSEE, la part des salariés rémunérés au SMIC ou bénéficiant de la garantie mensuelle était de 13, 4 %, ce pourcentage atteignant plus de 17 % dans l'industrie agroalimentaire, plus de 18 % dans le commerce et la distribution et donc, comme nous l'avons souligné, plus de 33 % dans le secteur des services à la personne.

Le débat sur le « gagner plus en travaillant plus » a donc quelque chose d'indécent.

La conférence annuelle sur les salaires, dont nous proposons, par le biais de cet amendement, la tenue permanente, en tant qu'élément de notre droit du travail, permettrait de reposer la question des salaires dans des termes les plus justes.

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