La question essentielle posée par la situation économique et sociale actuelle est non pas celle de l'aggravation de la flexibilité et de la souplesse d'organisation des entreprises, qui va d'ailleurs de pair, de manière inversement proportionnelle, avec la dureté croissante des conditions de travail imposées aux salariés, mais bien plutôt celle du partage de la richesse créée par le travail.
Mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, le chef d'entreprise n'est jamais le Messie et le capital ne se reproduit jamais par génération spontanée, puisqu'il faut toujours l'intervention des salariés pour qu'il devienne un bien ou un service commercialisable !
La tendance lourde que nous observons depuis plusieurs années est bien connue. La part des salaires dans la valeur ajoutée est en effet en réduction tendancielle affirmée puisque, de l'aveu même du président du MEDEF, nous en sommes revenus à la situation des années soixante.
Cela signifie donc que les entreprises sont parvenues à une situation originale : réaliser des profits maximaux sans le plein emploi ; de ce fait, le coût social de la situation est supporté par les autres acteurs économiques et sociaux.
En réalité, dans la dernière période, avant l'adoption des lois Aubry, que certains ne manquent pas de brocarder aujourd'hui, la progression de la productivité apparente du travail se traduisait par la lente réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Ainsi, entre 1996 et 1998, les salaires sont passés de 64, 5 % à 62, 5 % de ladite valeur ajoutée.
Légèrement relancé après le changement de majorité parlementaire, le mouvement de progression des salaires au regard des richesses créées a ramené les rémunérations à la fin de l'année 2002 à la hauteur de celles de 1996. Mais, depuis, la décrue reprend et se poursuit. Et la tendance est de ramener vers les 60 % de valeur ajoutée la part des salaires.
Certaines dispositions du présent texte - je pense notamment à la monétisation du compte épargne-temps et à sa transformation en abondements à des plans d'épargne pour la retraite collectifs, les PERCO - tendent d'ailleurs à perpétuer ce processus tandis que l'autisme dont fait preuve le Gouvernement à l'égard de ses propres agents est le meilleur exemple donné aux entreprises pour pratiquer à l'envi la modération salariale.
La réalité est donc bien connue de tous. La France devient un pays de bas salaires, où l'emploi rémunéré aux minimaux légaux et conventionnels est encouragé, notamment par le biais des dispositifs d'allégement de cotisations sociales et par l'usage de la prime pour l'emploi, où les qualifications réelles des salariés ne sont pas reconnues à leur juste valeur, où la valeur ajoutée créée par le travail est de plus en plus détournée au profit du versement de dividendes juteux pour les actionnaires ou les avisés détenteurs de plans d'option d'achat d'actions.
Il faut remettre les choses en place. Nous ne sommes pas certains que les gens soient volontaires pour travailler plus en vue de gagner plus. A dire vrai, ils souhaitent sans doute d'abord et avant tout gagner mieux et être, de fait, rémunérés comme il convient, eu égard à leurs compétences, à leur productivité, à leur qualification.
Dans ce débat, seule une négociation annuelle, réunissant tous les partenaires sociaux sous l'arbitrage des pouvoirs publics, est à même de donner les orientations et les impulsions nécessaires pour répondre aux attentes.