Depuis quelques mois, le Gouvernement a largement théorisé son virage social. Il en a fait son objectif politique en annonçant d'importants moyens pour l'amélioration de ce qu'il appelle la « cohésion sociale ». Soucieux d'une information transparente de nos concitoyens, j'ai été amené à me poser une simple question : le projet de budget qui nous est présenté dégage-t-il des moyens significatifs pour améliorer l'emploi et pour diminuer la précarité ?
Ma première surprise a été de constater que les budgets sociaux, celui du « social institutionnel » de M. Philippe Douste-Blazy et celui du « social communicationnel » de M. Jean-Louis Borloo, c'est-à-dire les crédits cumulés des deux ministères que vous représentez, monsieur, mesdames les ministre, ne progressent quasiment pas. Le tournant social de l'action gouvernementale se caractérise ainsi, à périmètre constant, par 0, 4 % de moyens nouveaux, avec légèrement plus de 50 milliards d'euros de crédits, soit un rythme de progression nettement inférieur à celui de l'inflation. Nous sommes donc loin du compte, d'une manière générale, puisque les dépenses de solidarité au sens large ne connaissent aucune hausse significative.
Les crédits affectés à la politique de l'emploi connaissent un sort presque comparable puisqu'ils ne progressent que de l, 8 %, hausse comparable à celle des prix. L'essentiel de cette augmentation renvoie non pas à des dépenses actives et volontaristes, mais à l'extension du champ des exonérations de cotisations sociales dans les zones franches ou dans le secteur de la restauration.
Pour ce qui concerne l'emploi, dans son rapport pour avis notre collègue Louis Souvet insiste à juste titre sur la baisse de 11, 5 % des crédits destinés aux emplois aidés, qui passeraient de 4, 01 milliards d'euros en 2004 à 3, 54 milliards d'euros en 2005. Cette baisse correspond à la fonte des moyens de trois grandes catégories de contrats aidés : le revenu minimum d'activité, le RMA, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas couronné de succès, le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, quasiment rayé de la carte après deux ans d'existence, et les emplois-jeunes dont la dotation est réduite de près de 600 millions d'euros marquant ainsi l'avancée progressive vers l'extinction complète du dispositif. Dès lors, il y aura moins d'argent pour les emplois aidés en 2005.
Dans la logique de simplification du plan Borloo, les CES, CEC, CIVIS, SIFE et SAE sont appelés à disparaître au profit de deux contrats nouveaux, à savoir le contrat d'accompagnement dans l'emploi et le contrat d'avenir. Dans le même temps, les contrats initiative-emploi et le RMA marchand seront relancés, complétés et rénovés.
Un double mystère demeure : comment faire autant de contrats aidés en 2004 et en 2005 avec moins de moyens ? Comment faire baisser le chômage en 2005, comme s'y est engagé encore cette année M. le Premier ministre, sans moyens plus importants ? Derrière les fusions de contrats et le dispositif peu lisible des enveloppes uniques régionales se cachent en réalité d'évidents renoncements.
Les maisons de l'emploi, pour lesquelles sont prévus 120 millions d'euros de crédits en 2005, méritent d'être définies rapidement. On parle de recrutements par le biais de contrats nouveaux et d'aides aux investissements : qui signera ces contrats et qui supportera ces investissements ?
Pour ce qui concerne le logement social, j'ai lu dans un dossier de presse fort bien fourni que 500 000 logements sociaux seraient bâtis d'ici à 2009. Après deux années consécutives de baisse des moyens du logement social, la tendance va devoir être radicalement inversée. Il en va de même pour les allocations logement, qui mériteraient d'être revalorisées, comme c'est désormais le cas pour l'impôt sur la fortune, afin de tenir compte de l'évolution du coût de la vie.
Ma crainte concerne aussi la progression des dépenses d'insertion des conseils généraux. Effectivement, en 2005 le montant des dépenses d'insertion sera plus élevé, pour la simple et bonne raison que les bénéficiaires du RMI sont plus nombreux et que les dépenses du fonds départemental d'insertion sont indexées sur les dépenses engagées au titre du RMI l'année précédente. Les 11 millions d'euros supplémentaires annoncés pour les fonds départementaux d'insertion viseront-ils à pallier ce fossé budgétaire produit par la décentralisation ?
Ma question sera simple. Sur les 12, 8 milliards d'euros annoncés sur cinq ans, 1, 12 milliard d'euros, soit 9 % du total, étaient prévus pour 2005 : est-il possible d'en avoir le détail ? En effet, hormis quelques crédits nouveaux consacrés à l'aide sociale d'urgence et de nouvelles exonérations de charges, la répartition des crédits du plan est marquée par un flou inquiétant.