Intervention de Dominique Leclerc

Réunion du 12 janvier 2010 à 14h30
Pénibilité emploi des seniors âge de la retraite : quelle réforme en 2010 — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, comme l’a déclaré le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin 2009, l’année 2010 doit être l’occasion de remettre à plat notre système de retraite, en n’éludant aucune question ni, surtout, aucune solution.

Compte tenu de l’effet amplificateur de la crise sur la dégradation des comptes de la branche vieillesse et de l’urgence à agir, la modification des paramètres actuels est, j’y insiste, inévitable.

Nous connaissons bien les différentes manières d’agir sur le pilotage du système par répartition, mais je crois utile de les rappeler pour la clarté de notre débat.

La première consisterait à réduire le montant des pensions de retraite. J’exclus d’emblée ce scénario, car il reviendrait à abaisser le niveau de vie des retraités, dont nous savons qu’il est déjà, pour certains d’entre eux, peu élevé. Je le répète, puisque l’on me fait quelquefois dire le contraire : il est exclu de réduire le montant des pensions de retraite !

La deuxième solution repose sur une hausse des cotisations de retraite. Elle a le mérite de la simplicité, mais, à moins que l’augmentation ne soit compensée par une diminution équivalente d’autres cotisations, elle présenterait deux inconvénients majeurs : d’une part, elle pèserait évidemment sur la compétitivité des entreprises et donc sur l’emploi ; d’autre part, elle aboutirait à taxer plus fortement les jeunes générations que les précédentes, ce qui affaiblirait encore davantage la solidarité intergénérationnelle.

La troisième solution, qui a été privilégiée jusqu’à présent, est l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Comme le prévoit déjà la loi de 2003, cette durée sera de quarante et une annuités en 2012. Doit-on désormais la porter à quarante-deux, voire à quarante-trois annuités ? Cela paraît assez légitime compte tenu de l’allongement parallèle de l’espérance de vie. Toutefois, avant d’emprunter cette voie, il faut garder à l’esprit que l’allongement de la durée de cotisation ne produit, en réalité, que des effets limités sur l’âge effectif de départ en retraite. Ainsi, le recul de l’âge moyen de départ en retraite résultant de la réforme de 2003 ne serait que d’environ deux mois et demi dans le secteur privé et d’environ un an et demi dans la fonction publique, selon les premières conclusions du COR, le Conseil d’orientation des retraites.

En revanche, un quatrième levier pourrait permettre d’obtenir des résultats plus significatifs. Il consisterait à repousser l’âge légal de départ à la retraite. En France, je le rappelle, cet âge a été abaissé à soixante ans en 1983. Or, ce qui, à l’époque, avait été présenté et vécu comme un progrès social entre aujourd’hui en contradiction avec les évolutions démographiques en cours. L’espérance de vie ne cessant d’augmenter, la période consacrée au travail au cours d’une vie est de moins en moins longue. En 1960, on passait près des trois quarts de sa vie au travail, aujourd’hui, on y consacre la moitié seulement. La logique voudrait donc, vous en conviendrez, que l’on repousse l’âge légal de départ en retraite, comme l’ont fait plusieurs de nos voisins européens.

Cependant, l’activation de ce levier se heurte à deux obstacles de taille : le premier est le taux d’emploi des seniors, le second est la pénibilité, sujets sur lesquels je vais maintenant m’attarder.

Nous le savons, pour le déplorer, la France présente malheureusement l’un des taux d’emploi des seniors – il s’agit des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans – les plus bas des pays développés : il est aujourd'hui de 38 %. Cette singularité résulte des politiques publiques menées des années soixante-dix jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. Au nom de la sauvegarde de l’emploi, notre pays a choisi la voie du partage du travail en incitant les salariés les plus âgés à partir en préretraite pour laisser la place aux plus jeunes. Avec la multiplication des mesures d’âge – dispositifs de préretraite, mises à la retraite d’office –, les seniors ont fini par être considérés comme inemployables. La politique de cessation anticipée d’activité des travailleurs âgés est devenue une véritable « culture de la sortie précoce », partagée par l’ensemble des acteurs du marché du travail. Elle a entraîné une spirale d’effets pervers, dont la dépréciation et l’inactivité des seniors me paraissent être les plus graves.

Fort heureusement, cette tendance est en train de s’inverser. Je tiens, à ce stade, à saluer les efforts entrepris par le Gouvernement, notamment à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009.

Permettez-moi de rappeler, monsieur le président, que, en 2006, lorsque vous exerciez des responsabilités gouvernementales, vous aviez mis en œuvre une série de dispositions visant à favoriser l’emploi des seniors, lesquelles, on peut le dire, n’avaient pas suscité un enthousiasme délirant de la part des partenaires sociaux ! Ils vous avaient laissé bien seul…

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