Intervention de Dominique Leclerc

Réunion du 12 janvier 2010 à 14h30
Pénibilité emploi des seniors âge de la retraite : quelle réforme en 2010 — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur :

J’en reviens maintenant au lien entre emploi des seniors et âge de départ à la retraite.

La question du relèvement de l’âge de départ à la retraite doit en effet s’apprécier au regard de la situation de l’emploi des seniors, car, comme je l’ai déjà dit, reporter l’âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l’âge de cessation d’activité. Une récente étude sur le sujet montre ainsi que l’âge auquel les personnes cessent définitivement d’être en emploi et celui auquel elles liquident un premier droit à la retraite ne coïncident que rarement. Les Français arrêtent de travailler en moyenne un an et demi avant de prendre leur retraite. Entre-temps, ils sont en invalidité, en préretraite ou, malheureusement, au chômage.

Dans ces conditions, retarder l’âge de départ à la retraite sans favoriser le maintien dans l’emploi des seniors aboutirait à augmenter le nombre des demandeurs d’emploi.

Le second obstacle est la pénibilité. Elle mesure les inégalités d’exposition aux risques professionnels. Or celles-ci sont fortes, ce qui pose la question de l’équité d’une démarche qui tendrait à prolonger de manière généralisée la vie active. La loi de 2003 portant réforme des retraites prévoyait l’engagement d’une négociation interprofessionnelle sur le sujet dans les trois ans. Celle-ci a bien commencé en février 2005, mais, en dépit de quelques avancées sur le volet « prévention », elle s’est soldée par un échec en juillet 2008.

Ce dossier m’inspire une série d’observations.

Je suis tout d’abord convaincu qu’il faut privilégier une approche individuelle de la pénibilité, tout en posant des règles collectives. Ce n’est pas le métier qui définit la pénibilité, ce sont plutôt les conditions d’exercice pour un individu donné en fonction de différents critères : pénibilité physique, pénibilité liée à un temps de travail atypique, pénibilité liée à l’environnement, etc. Ainsi une infirmière n’exerce-t-elle pas le même métier selon qu’elle travaille dans un service de soins palliatifs, dans une maternité ou dans un établissement scolaire.

J’insiste par ailleurs sur la nécessité de trouver un juste équilibre dans la prise en compte de la pénibilité : d’abord, la mise en place d’un système trop généreux risquerait d’être financièrement très coûteuse ; ensuite, il ne faudrait pas que la promesse de préretraite soit une nouvelle manière d’imposer à certains travailleurs le maintien de conditions de travail difficiles dans l’exercice d’une profession pénible.

Je rappelle en outre que le débat sur la pénibilité constitue manifestement une spécificité française : aucun pays européen n’a songé à mettre en œuvre pareil dispositif à l’échelon national.

Je finirai par un constat : quels que soient les paramètres qui seront modifiés, le problème du financement des régimes de retraite ne sera pas résolu pour autant. Il ne peut s’agir que de mesures à court terme, compte tenu des besoins de financement à satisfaire à l’horizon 2020-2050. Selon les simulations de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, porter l’âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans apporterait au régime général 6, 6 milliards d’euros en 2020, mais seulement 5, 7 milliards d’euros en 2050, sur un déficit prévisionnel de plus de 46 milliards d’euros.

Au-delà de cette première étape d’ajustement, il est donc indispensable de réfléchir à d’autres modes de gestion de l’assurance vieillesse, car elle ne suffira pas à enrayer le mouvement de dégradation des comptes de la branche vieillesse. Elle ne constituera pas non plus une solution solide face au vieillissement démographique. Je n’évoquerai pas ici les besoins de financement des pensions civiles et militaires : ils sont proportionnellement encore plus importants et tout aussi inquiétants.

Sur l’initiative de la commission des affaires sociales, le Parlement a demandé au COR d’étudier les conditions dans lesquelles nos régimes par annuités pourraient être transformés en régimes par points, voire en comptes notionnels, sur le modèle suédois et bien d’autres modèles européens.

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